Nous sommes devant un cas d’espèce. Presqu’un cas de conscience pour les uns, ou une totale indifférence pour les autres. Essonne, France. 21 avril 2007, des sans-papiers qui occupent l’église Saint-Paul de Massy. Toutes et tous demandent leur régularisation. Tout au cours de cette occupation, le mouvement reçoit de nombreux soutiens de paroissiens, de riverains, d’associations et de syndicats. Une pétition a fait l’objet de 18.000 signatures. Début juin, 506 dossiers ont été déposés à la préfecture de l’Essonne.
Le mardi 5 juin, un sans-papiers, occupant de l’Église Saint-Paul à Massy, est arrêté. Au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, le détenu, escorté par le commissariat de Massy, comparaît aussitôt devant un magistrat qui confirme, sans autres formalités, la reconduite à la frontière. Menotté, placé dans une voiture pour être conduit à l’aéroport, le détenu n’a pas eu le temps de prévenir qui que ce soit des membres de sa famille, eux en situation régulière, ni de prendre ses effets personnels. Jeudi 7 Juin, dans l’après-midi, il était en chemin vers l’Afrique.
Sur les 506 sans-papiers dont les dossiers ont été déposés, deux ont été expulsés, selon Jeanne Davy, du collectif Sans-papiers en lutte. Quatre autres ont vu leur demande de régularisation rejetée, et quatre autres l’ont obtenu.
Vendredi dernier, les sénateurs refusent de supprimer un article ajouté par les députés pour exclure les sans-papiers de l’accès à l’hébergement d’urgence. Ils adoptent plutôt une modification technique. Martin Hirsch, haut-commissaire aux Solidarités actives, se veut rassurant : « le droit pour toute personne d’être accueillie dans une structure d’hébergement d’urgence n’est pas remis en cause » par la loi sur l’immigration adoptée dans la nuit de jeudi à vendredi par le Sénat. « Cet amendement n’a pas caractère définitif et le gouvernement compte répondre aux inquiétudes des associations concernées ». Le haut-commissaire poursuit : « Toute la logique des centres d’urgence est d’héberger les gens en fonction de leurs besoins, dans des situations dans lesquelles ils n’ont pas de toit, pas d’endroit où dormir, été comme hiver », a-t-il dit, assurant qu’il n’y avait « aucune volonté du gouvernement de mettre à mal la mission » de ces centres.
Dans cette église Saint-Paul de Massy, les sans-papiers demandent que leur contribution à l’économie française soit reconnue. Ils rappellent qu’ils sont présents dans toutes les couches socioprofessionnelles alors même qu’il est devenu nécessaire pour certaines de recruter à l’étranger, faute de main d’œuvre. Selon leur expression propre, ils entrent en lutte dans l’Essonne et demandent leur régularisation immédiate afin que leurs droits à la scolarité, au travail, à l’insertion sociale, à la vie, soient reconnus et respectés.
Ils expliquent, dans un tract, qui ils sont : « Nous sommes des enfants, des femmes et des hommes arrivés en France pour différentes raisons, mais dans un pays que nous nous sommes choisis. Nous sommes pour la plupart parfaitement intégrés dans la société française : Les adultes travaillent, exercent des activités bénévoles dans les activités sportives, culturelles, syndicales, religieuses pour certains. Nous aspirons à continuer à mener cette vie mais sans la crainte constante de l’arrestation arbitraire, sans la peur de l’expulsion. Nous voulons pouvoir marcher dans la rue, prendre le RER, bref, mener la vie stable et en famille à laquelle tout homme a droit ».
Début septembre, Mgr Michel Dubost, évêque d’Evry, demande d’expulsion des centaines de sans-papiers qui occupent l’église Saint-Paul de Massy. Le tribunal des référés d’Evry ordonne vendredi l’expulsion des sans-papiers, exauçant ainsi le vœu de Monseigneur l’évêque. Face à une situation particulièrement délicate, malgré une présence importante de CRS autour de l’église, la préfecture de l’Essonne fait savoir qu’il ne s’agit pas d’une expulsion des sans-papiers, le concours de la force publique n’ayant pour l’heure pas été requis, mais d’une « surveillance » afin d’éviter que la « situation ne s’aggrave ».
Monseigneur l’évêque émet un communiqué pour justifier sa demande auprès du tribunal des référés d’Evry. Monseigneur Michel Dubost constate, selon ce communiqué, que : « désormais, une église est rendue à sa destination première qui est la prière, et où est respectée la liberté de culte, qui a été bafouée plus de 10 mois en 5 ans dans cette communauté ». Fort malheureux, le pauvre évêque s’est vu priver de dispenser l’enseignement religieux à ses fidèles : « Le climat nous a amenés aussi à renoncer à faire le catéchisme dans l’église ».
Ce n’est pas faute d’avoir essayé. Monseigneur Dubos n’a pas eu d’autre choix que d’exiger l’expulsion des sans papiers après avoir vainement tenté la conciliation : « J’ai proposé, au début de l’occupation, et ensuite plusieurs fois, que le collectif abandonne l’église au profit d’une salle. Les « soutiens » ont refusé d’envisager cette solution. Dès le départ, la situation paraissait inextricable ». Monseigneur nous fait même part de ses échecs à obtenir l’expulsion des indésirables : « C’est pourquoi j’ai demandé une expulsion immédiate, puis, ne l’ayant pas obtenue, j’ai pensé qu’il fallait donner du temps pour que toutes les parties puissent se rencontrer et trouver une solution ».
Jeanne Davy, du collectif Sans-papiers en lutte, est une personne fort vilaine aux yeux de Monseigneur l’évêque : « Très vite, il a été clair que Madame Davy […] cherchait moins à trouver des solutions qu’à faire une opération politique pendant la campagne électorale, puis à la faire durer en attendant une « rentrée chaude ».Dès le départ, sa position maximaliste cachait un souhait d’être présente au journal de vingt heures, expulsée de Saint-Paul par la force publique. C’est pourquoi elle a bloqué toute initiative ». Monseigneur l’évêque, veillait, magistère oblige, au bon grain de ses fidèles contre l’ivraie de ces indésirables : « Je me refuse au pourrissement qui lèse les paroissiens et les voisins : ils ont subi dix mois d’occupation en cinq ans ! »
Monseigneur Dubost, dans son communiqué, impose une règle qui ne peut être réputée inviolable : « L’action demande de la rigueur, de l’honnêteté et le respect des droits de l’homme ». Et pour bien se faire comprendre, Monseigneur l’évêque explique ce qui l’anime du plus profond de son être : « Comme toute l’Église, je veux lutter contre ce qui me semble une atteinte aux droits de l’homme : le rapprochement familial est un droit, le refus des tests A.D.N. est un droit. La rapidité de traitement des dossiers est un droit (la préfecture d’Évry n’a que trois fonctionnaires pour traiter de ces questions : ceci a des conséquences inhumaines). La trop grande fréquence des contrôles policiers, le soupçon permanent, ne sont pas acceptables : l’action entreprise à Massy par les Sans-papiers doit interroger le gouvernement sur les limites de sa politique ».
Monseigneur a le sens de la formule : « L’amitié sait dire oui, elle sait aussi dire non. On ne bâtit pas une société en demandant de bénir les coups de force ».
Toujours est-il que les sans-papiers, qui occupaient depuis cinq mois, l’église Saint-Paul de Massy (Essonne), ont quitté l’édifice, vendredi soir, après un déploiement de CRS et un ordre d’expulsion du tribunal des référés d’Évry. Une voix discordante s’est fait entendre dans cette Église de la charité. L’ancien évêque d’Évreux, Jacques Gaillot, s’est rendu sur place pour soutenir cette « lutte qui doit être digne et toujours déterminée ». « On n’expulse pas des étrangers d’une église, c’est scandaleux ».
Monseigneur Michel Dubost pourra reprendre l’enseignement du catéchisme dans l’église Saint-Paul de Massy (Essonne). Il pourra rappeler à ses fidèles que : « Dieu bénit ceux qui viennent en aide aux pauvres et réprouve ceux qui s’en détournent : A qui te demande, donne ; à qui veut t’emprunter, ne tourne pas le dos » (Mt 5, 42). « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement » (Mt 10,8). « C’est à ce qu’ils auront fait pour les pauvres que Jésus Christ reconnaîtra ses élus » (cf. Mt 25, 31-36). Lorsque « la bonne nouvelle est annoncée aux pauvres » (Mt 11, 5 ; cf. Lc 4, 18), « c’est le signe de la présence du Christ ».
Ces indésirables qui ont occupé le bâtiment de Monseigneur Dubost ont oublié un principe important et négligé un enseignement fondamental : « il n’est pas correct, dans sa misère, dans sa détresse, dans son isolement, de priver un monseigneur de son enseignement du catéchisme à ses fidèles. Et cela mérite réprobation et expulsion de la part de celui qui représente le Christ sur terre ». Le Christ était absent, ce vendredi, 5 octobre 2007, dans ce bâtiment qui s’appelait l’église Saint-Paul de Massy (Essonne). « Quand nous donnons aux pauvres les choses indispensables, nous ne leur faisons point de largesses personnelles, mais leur rendons ce qui est à eux. Nous remplissons bien plus un devoir de justice que nous n’accomplissons un acte de charité (S. Grégoire le Grand, past. 3, 21) ».
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