Existe-t-il une nouvelle volonté de paix entre les frères ennemis, le Hamas et le Fatah ? Tout semble pointer vers des signes positifs. Selon la correspondante d’Al Jazeera dans Gaza, Nour Odeh, les sondages d’opinion indiquent qu’une majorité de Palestiniens veulent la réconciliation. Le président américain, George W. Bush, a appelé les Israéliens et les Palestiniens ainsi que d’autres pays arabes et dirigeants mondiaux à participer à la conférence sur la paix organisée aux États-Unis en novembre pour mettre fin au conflit israélo- palestinien.
Ismaïl Haniyeh, Premier ministre de l’ancien gouvernement palestinien a lancé, dans une mosquée de Gaza, quelques signaux se disant prêt pour des discussions sur une nouvelle réconciliation avec le Fatah. Il laisse même entendre que : « notre administration, à Gaza, est temporaire ». Une rencontre pourrait se dérouler la semaine prochaine au Caire mais ce n’est que rumeurs. Le Fatah dément l’existence de discussions et accuse le mouvement islamiste de chercher à manipuler l’opinion, selon ce qu’a laissé entendre Abdel Rahman, porte-parole du Fatah, à Reuters. « Il ne suffit pas d’avoir de bonnes paroles face aux médias, nous voulons des faits sur le terrain », a rapporté à Al Jazeera cet autre porte-parole du Fatah, Hazen Abu-Shanab.
Aux États-Unis, à l’approche de la conférence de paix organisée en novembre par Washington sur le Proche-Orient, huit personnalités, élues ou responsables américains, démocrates ou républicains, ont manifesté le vœu que les États-Unis et leurs alliés engagent à nouveau le dialogue avec le Hamas. Parmi ces personnalités figurent deux anciens conseillers à la sécurité nationale, Zbigniew Brzezinski et Brent Scowcroft, l’ancienne représentante au Commerce Carla Hills, l’ancien président de la Fed Paul Volcker ou encore l’ancien ambassadeur aux Nations unies Thomas Pickering. Les huit personnalités, démocrates ou républicaines, soulignent que : « un vrai dialogue avec cette organisation est bien préférable à son isolement ».
Israël s’oppose à une réconciliation entre le Hamas et le Fatah, réconciliation qui pourrait nuire à toute chance de progrès dans les discussions. En mi-septembre dernier, Israël avait déclaré Gaza « territoire hostile » afin d’augmenter encore la pression sur le Hamas [et sur la population du territoire]. Les Israéliens ont toutes les raisons de craindre un Hamas levant des fonds pour son fonctionnement auprès de l’Iran ou de la Syrie. Pour éviter de telles circulations d’argent, la banque la plus importante d’Israël, Hapoalim, a coupé tous ses liens avec les banques de Gaza le 25 septembre dernier. Une autre banque israélienne, la Banque d’escompte, la troisième en importance, « entend stopper toutes transactions avec les banques filialisées dans la bande de Gaza et avec toutes les autres banques qui y sont représentées ».
Ce n’est pas la première fois qu’Ismaïl Haniyeh envoie des signaux pour amorcer une reprise des discussions. Le mois dernier, il s’était dit prêt à rencontrer le président de l’Autorité palestinienne et chef du Fatah, Mahmoud Abbas, en Arabie saoudite, « pour tenter de régler un différend entre frères palestiniens sur la base de l’accord de la Mecque ». Il faut savoir que le Soudan a, la semaine dernière, proposé une initiative de réconciliation entre le Fatah et le Hamas, mais le président Abbas l’a rejetée.
Pour plusieurs observateurs, l’attitude d’Ismaïl Haniyeh a de quoi en laisser perplexe plus d’un. Parallèlement à son vœu de reprendre le dialogue avec le frère ennemi, le Fatah, son mouvement appelle les pays arabes à boycotter la conférence internationale de paix sur le Proche-Orient. Qui plus est, son mouvement et le Jihad islamique organisent, le 7 novembre, à Damas, une conférence qui fera concurrence à celle sur le Proche-Orient qui se tiendra aux États-Unis. Cette initiative est inacceptable pour le porte-parole du Fatah, Ahmed Abdel Rahman : « Toute conférence, qui n’est pas convoquée par le président Abbas, ni par l’OLP ou son comité exécutif, n’est pas légitime et n’aura aucune valeur ».
Selon Guysen International News, agence de presse juive, le 7 octobre 2007, Mohamed Dahlan, membre influent du Fatah et ancien responsable de la sécurité à Gaza, attribuait directement, sur le plateau du journal de la chaîne « Al-Arabia », la responsabilité de l’échec politique des Palestiniens au Hamas, accusant l’organisation d’avoir perdu sa vocation terroriste pour se transformer en une « organisation de voleurs de voitures et de biens dans la bande de Gaza » : « le Hamas a peut-être gagné la bande de Gaza mais il a perdu le peuple palestinien ». Mohamed Dahlan présente cette région comme un territoire perdu de l’Autorité palestinienne, et manie volontiers l’ironie pour disqualifier une organisation terroriste qui terrorise désormais les siens et non plus seulement l’ennemi désigné, le pays à détruire, Israël. Le chef de l’opposition, Binyamin Netanyahu, établissant un lien entre Téhéran et les pourparlers avec les Palestiniens, se dit, pour sa part, convaincu que, de même que le Hezbollah a pris le contrôle du sud du Liban et que le Hamas a pris le contrôle de la bande de Gaza, « le Hamas balaiera facilement l’Autorité palestinienne » et prendra le contrôle de la Cisjordanie et de Jérusalem-est. « Si Israël cède sa place dans les quartiers de Jérusalem Est, le Hamas lui succédera immédiatement », a prévenu Binyamin Netanyahu.
Comme l’indique le Courrier International, qui cite le quotidien palestinien Al-Quds, des sources israéliennes ont fait état, mercredi 10 octobre 2007, d’ordres de confiscation portant sur 110 hectares de terres palestiniennes près de Jérusalem. Ces confiscations visent à élargir le secteur de Maalé Adoumim [la plus grande colonie de Cisjordanie, située dans les faubourgs de Jérusalem]. Ainsi le projet prévoit la construction de 3 500 logements et d’un parc industriel. « En fait, la paix est réduite à des pourparlers sans fin et la réalité, c’est la poursuite de l’occupation », juge le quotidien.
Ismaïl Haniyeh est de plus en plus isolé sur la scène internationale. Le président Mahmoud Abbas, fort de l’appui des occidentaux, a accusé, dans un entretien avec une télévision italienne, le Hamas d’être l’hôte, à Gaza, des terroristes d’Al Quaïda. « Grâce au soutien du Hamas, Al-Qaïda est en train de pénétrer à Gaza ». Déclaration qui a eu pour conséquences d’isoler davantage le Hamas. Jimmy Carter s’était particulièrement fait remarquer, 2006, lorsque, dans son livre, Palestine : Peace Not Apartheid, il avait écrit que les politiques actuelles d’Israël dans les territoires palestiniens constituent un « système d’apartheid » où un État hébreu « totalement dominant » réprime la violence « en privant les Palestiniens de leurs droits humains fondamentaux ». Une telle déclaration heurtait de plein fouet les convictions religieuses profondes de l’Amérique à l’égard d’Israël.
Pour l’heure, le président Mahmoud Abbas écarte tout contact avec le Hamas à moins qu’il ne se soumette à son autorité et abandonne sa mainmise sur Gaza. Ismaïl Haniyeh ne peut que répéter – sans avoir l’assurance d’être entendu – que : « Israël campe sur sa position de refuser de reconnaître Jérusalem comme la capitale d’un État palestinien, ainsi que d’accepter le retour des réfugiés palestiniens et le retrait des territoires arabes occupés depuis 1967 ».
Les préparatifs pour la Conférence de paix avancent. Le président Mahmoud Abbas et le Premier ministre israélien Ehud Olmert se sont entendus pour former les équipes de négociation après leurs six rencontres régulières. Ces équipes ont été créées pour traduire les négociations en accords qui seront présentés lors de la conférence sur la paix au Moyen-Orient. La réussite de cette conférence passe, selon Mahmoud Abbas, par six conditions sine qua non : « Cette réunion doit aborder les six principales questions, à savoir les frontières, les réfugiés, l’eau, Jérusalem, les colonies et la sécurité ». Au strict plan géographique, le président de l’Autorité palestinienne revient aux frontières de 1967 : « Le peuple palestinien doit avoir un État continu et viable sur les frontières de 1967. La superficie de la Cisjordanie et de la bande de Gaza totalise 6 205 km2 et nous voulons ces 6 205 km2 ». Pour Ehoud Olmert, « la conférence sur le Proche-Orient est destinée à faire avancer le processus de paix, mais elle ne remplacera en aucune façon des négociations directes avec les Palestiniens ». Il rappelle églement les conditions pour l’établissement éventuel d’un État palestinien, par exemple, ce qui n’est pas nouveau, une infrastructure sécuritaire dans laquelle Israël pourrait être à l’aise.
Mohammad al-Hindi, membre du Jihad Islamique palestinien, condamne pour sa part la politique américaine contre la Palestine, disant que « les politiciens américains ont donné le feu vert au régime sioniste pour attaquer la Palestine. Ils essaient de détourner l’attention des pays arabes et islamiques de la crise palestinienne ».
George Bush est convaincu qu’un État palestinien pourra voir le jour aux côtés d’Israël et que la conférence internationale prévue en novembre aux États-Unis pourra déboucher sur la paix au Proche-Orient. « Je considère pleinement que la solution de deux États est l’un des éléments qui conduira à la paix au Moyen-Orient. Notre stratégie consiste à amener tous les pays concernés à la table des négociations pour parvenir à cette paix totale et avancer de façon tangible ». Washington souhaite la participation des États arabes à la conférence de novembre. L’Égypte, la Jordanie et l’Arabie Saoudite ont déjà confirmé leur participation. Le président syrien Bachar al-Assad a annoncé jeudi 10 octobre que son pays n’avait pas l’intention de participer à la conférence de paix sur le Proche-Orient à Annapolis en novembre.
____________________________