Madame Christine Boutin, ministre, peut-elle invoquer un droit à l’exclusion dans un débat public ?
Selon Chrétienté Info, Carole Bouquet, soutenant les « mal logés » du DAL, a critiqué le fait que Christine Boutin, ministre du Logement et de la Ville, ne se soit pas rendu rue de la Banque. En réponse, la ministre répond, par voie de communiqué : « Je ne pense pas que l’instrumentalisation de la pauvreté soit la bonne méthode pour résoudre le problème du logement en France ».
Par contre, madame la ministre du Logement et de la Ville accepte volontiers l’invitation de Paul Amar de venir débattre de la question à son émission, Revu et Corrigé, dont l’objectif consiste à décrypter l’activité des médias. Elle ne semble pas y voir là une « instrumentalisation de la pauvreté ». Florence Aubenas, journaliste au Nouvel Observateur, est également présente. En cours d’émission, elle révèle que la ministre du logement, Christine Boutin ne souhaite pas la présence de Jean-Baptiste Heyraud, porte-parole du DAL (Droit au Logement). Le directeur du cabinet, par qui cette décision arrive, informe le rédacteur-en-chef de l’émission que la ministre du logement et de la ville n’entend pas discuter avec Jean-Baptiste Heyraud de la question des mal-logés de la rue de la Banque (IIe).
Prise au dépourvu, la ministre laisse échapper le mot : « traquenard ». « Quand quelqu’un ne veut pas débattre, on en tient compte », explique Paul Amar pour expliquer l’absence du porte-parole du DAL. « Effectivement, on avait pensé à un débat mais on a fait comprendre à notre rédacteur en chef Pascal Petit que vous ne souhaitiez pas débattre avec Heyraud », a ajouté l’animateur en s’adressant à la ministre. Selon imédias : « ce n’est pas la première fois qu’un programme de télévision est accusé de satisfaire aux demandes de certains politiques en ce qui concerne le choix des intervenants ».
La journaliste du Nouvel Observateur, Florence Aubenas, explique son intervention à l’émission de Paul Amar sur le site internet de l’hebdomadaire : « L’émission de Paul Amar est une émission qui explique le fonctionnement des médias. Il faut donc expliquer aux gens comment les gens sont invités et dans le cas présent pourquoi ils ne sont pas sur le plateau. Le débat ne doit pas avoir lieu dans les coulisses. En France, les débats sont publics et démocratiques. Le public devait savoir pourquoi Jean-Baptiste Eyraud était absent du débat. Il n’est pas normal que l’entourage d’un ministre, ou que le ministre lui-même, interdisent à quelqu’un le droit de venir dire ce qu’il a à dire. Ce n’est pas normal, on ne peut pas laisser faire ça ».
Madame Boutin a son propre blogue. L’information n’y est pas prioritaire. La dernière mise-à-jour relève du 25 août 2007. Deux commentaires ont été ajoutés le 28 août 2007. Pourtant, madame Boutin fonde son blogue sur ce leitmotiv fort honorable : « l’être humain, priorité absolue ». Pour connaître l’horaire de madame Boutin, ce n’est pas non plus le lieu approprié. La dernière inscription relève du 30 août 2007. En haut de page, l’inscription est sans équivoque : L’Agenda du Ministre! Depuis, rien.
Sur la fiche de la ministre, à l’Assemblée nationale, aucune inscription n’a été enregistrée sous la rubrique « Travaux parlementaires ». Aux sous-rubriques Questions, Propositions de loi et de résolution, Rapports, Interventions en séance, Interventions en réunions de commission, c’est le néant. C’est à se demander à quoi peut bien servir une telle rubrique et si la ministre consulte cette page qui la concerne.
Pour connaître le dernier document officiel émis par la ministre et son ministère, il faut se rendre sur le site du gouvernement qui a mis en ligne Le Plan grand froid 2007-2008 ou le dernier discours de madame Boutin diffusé dans la circulaire hivernale du 19 octobre 2007. Au cours de ce discours, madame Boutin soulignait en ces termes le rôle et l’objectif qu’elle se donne : « L’abbé Pierre disait joliment qu’il voulait être la « puce asticotteuse » qui empêcherait que les consciences ne s’endorment. C’est modestement le rôle que j’entends jouer au sein du gouvernement. Le président de la République connaît mon combat et je le remercie pour le soutien qu’il a bien voulu m’apporter avant hier au Conseil économique et social ». La ministre parle de partenariat : « J’ai décidé de mettre tout le monde autour de la table : des élus, des associations de lutte contre les exclusions, des représentants de riverains et enfin - car c’était primordial à mes yeux - des personnes accueillies dans les centres d’hébergement ». Bon, inclusion ou exclusion, c’est selon.
En cours d’émission, madame la ministre a défendu sa position en indiquant qu’elle avait rencontré, la veille, donc le vendredi 26 octobre 2007, au ministère, monsieur Jean-Baptiste Heyraud, porte-parole du DAL (Droit au Logement). Sur le site du ministère du Logement et de la Ville, sous la rubrique Agenda de la ministre, rien ne confirme une telle rencontre. Probablement une erreur de fonctionnaire.
Pour revoir l’épisode de Revue et corrigé, rendez-vous sur imédias.
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