Reporters sans frontières a rend public son classement mondial de la liberté de la presse. La Corée du Nord en dernière position sur les 169 pays qui ont fait l’objet d’une analyse sur le degré de liberté dont jouissent la presse, les journalistes et les blogueurs (RSF relate le cas du blogueur Josh Wolf qui a, aux États-Unis, été libéré après 224 jours de détention). Les quatorze premiers pays, reconnus pour la qualité de la liberté de presse, se situent tous en Europe. Parmi les vingt pays les plus mal classés, sept (7) sont asiatiques (Pakistan, Sri Lanka, Laos, Viêt-Nam, Chine, Birmanie, Corée du Nord), cinq (5) sont africains (Éthiopie, Guinée équatoriale, Libye, Somalie, Érythrée), quatre (4) viennent du Moyen-Orient (Syrie, Irak, Territoires palestiniens, Iran), trois (3) de l’ancien espace soviétique (Bélarusse, Ouzbékistan, Turkménistan) et un dernier de l’Amérique (Cuba).
Quelques données intéressantes sur le classement international : la Russie se situe, selon RSF, en 144ième position, les États-Unis en 48ième position, l’Italie en 35ième, la France en 31ième, l’Allemagne en 20ième et le Canada en 18ième position.
En Érythrée (169ième position), la presse privée a été bannie du pays de l’autoritaire Issaias Afeworki et les rares journalistes qui ont osé critiquer le régime ont été jetés au bagne. Selon l’ONG, quatre d’entre eux sont morts en prison et d’autres pourraient suivre.
Relativement à la Birmanie (164ième position), dont la population a, tout récemment, fait l’objet d’une violente répression de la part de la junte militaire, l’ONG note que « la féroce répression des manifestations par la junte militaire au pouvoir n’augure rien de bon pour l’avenir des libertés fondamentales dans le pays. Les journalistes continuent de travailler sous le joug d’une censure implacable à laquelle rien n’échappe, pas même les petites annonces ».
En 2006, une dizaine de médias ont, en Iran (166ième position), été censurés et 38 journalistes ont été interpellés. En mai, deux d’entre eux ont ainsi été arrêtés dans le nord du pays suite à la publication d’une caricature représentant un cafard s’exprimant en azéri. Quatre autres ont été interpellés, peu après, pour avoir relayé dans leurs articles la colère de la minorité azérie dans le pays. De nombreux cas de journalistes, recensés par RSF, sont détenus au secret au déni de leurs droits les plus fondamentaux. L’autocensure reste encore, pour beaucoup de médias, le meilleur moyen de survivre. Les dignitaires du régime, les tabous sociaux, les droits de la femme ou encore les revendications identitaires régionales délimitent les lignes rouges à ne pas franchir.
En Irak (157ième position), 65 journalistes et collaborateurs des médias ont été, en 2006, assassinés dans le pays. Les journalistes locaux vivant au sein de la population ne bénéficient pas de mesures de protection particulières et constituent des cibles privilégiées. De plus en plus d’entre eux se ruent vers les ambassades occidentales à Bagdad ou dans les pays voisins pour déposer des demandes d’asile politique.
En Afghanistan (142ième position), où le Canada y déploie un contingent militaire, le gouvernement d’Hamid Karzai, affaibli par le conflit et la corruption, a montré des signes de fébrilité. Plusieurs journalistes ont été arrêtés par les services secrets sur la base d’accusations montées de toute pièce.
L’Europe inquiète Reporters sans frontières qui constate qu’une volonté de censure ou d’autocensure s’est manifestée, parfois violemment, lorsqu’il s’est agi d’aborder des thèmes religieux. Que ce soient les atteintes à la dignité de l’État ou de son chef, la négation ou l’évocation d’un événement historique, le champ des sujets que l’on peut traiter sans encourir de poursuites ou de menaces s’est encore restreint. L’interdiction dans trois pays, dont la Turquie, du numéro de janvier-février 2007 de la revue Historia consacré aux intégrismes, est le plus récent exemple de cette tendance inquiétante.
Relativement à la France (31e position), Reporter sans Frontières fait état de nombreuses inquiétudes persistantes en raison de « cas de censure persistants, de perquisitions dans les rédactions et d’un manque de garanties concernant la protection du secret des sources ». En illustration de ces inquiétudes, l’ONG relate les mises en examen de six journalistes pour « recel de violation du secret de l’instruction » (L’Equipe), « recel de violation du secret professionnel » (Midi Libre) et « recel d‘abus de confiance » (dans le cadre de l’affaire Clearstream, un scandale politico-financier impliquant de hauts responsables de l’État). La relaxe prononcée, le 14 novembre dernier, par le tribunal correctionnel de Paris, à l’égard du journaliste Claude Ardid, est venue tempérer cette tendance.
La Suisse (11ième position) n’échappe pas aux reproches de RSF. L’ONG rappelle, qu’en septembre 2006, elle a été condamnée, pour la troisième fois dans une même année, pour violation de la liberté d’expression. La Cour européenne des droits de l’homme a estimé que la décision du Tribunal fédéral d’interdire, en 1997, la rediffusion d’un reportage d’un journaliste de la Télévision Suisse Romande (TSR), Daniel Monnat, sur le rôle de la Suisse durant la seconde Guerre mondiale, risquait de dissuader les journalistes, « dans le contexte du débat sur un sujet d’intérêt général majeur, (…) de contribuer à la discussion publique » et qu’elle était de « nature à entraver les médias dans leur tâche d’information et de contrôle ».
Du côté de l’Amérique, aux États-Unis (48ième position), RSF dénonce le fait qu’avec l’aval du gouvernement, la justice fédérale continue de sanctionner la protection des sources. En refusant de statuer sur le droit des journalistes à taire le nom de leurs contacts, la Cour suprême a prolongé un statu quo intenable qui veut que le secret des sources soit reconnu dans 33 États de l’Union mais pas au niveau fédéral. Une quinzaine d’affaires touchant au secret professionnel font encore l’objet d’une procédure, et certaines d’entre elles ne concernent en rien la sécurité nationale.
Le Canada, pour sa part, perd deux places, passant de la 16ième position à la 18ième. Deux raisons principales sont à la source de cette décote de RSF : les relations entre le gouvernement fédéral et la presse se sont nettement refroidies, depuis l’entrée en fonctions du nouveau Premier ministre, Stephen Harper, et la justice met à mal le secret professionnel. Selon RSF, un événement a marqué le ton de cette dégradation des relations entre le cabinet du Premier ministre et les médias : les relations se sont brusquement refroidies entre la presse et le pouvoir fédéral, lorsque ce dernier a décidé, le 22 avril dernier, d’interdire toute couverture audiovisuelle du rapatriement des corps de militaires tués en Afghanistan. Ces manières n’étaient pas sans rappeler celles de son voisin américain, dont il est d’ailleurs un allié. Sur la question du secret professionnel, RSF fait état d’une nouvelle disposition du code pénal, introduite le 15 septembre 2004, qui oblige les journalistes à livrer leurs documents, leurs notes et enregistrements sonores et vidéo, jugés utiles à la police dans le cadre d’une enquête criminelle. Un refus pourrait entraîner une amende pouvant s’élever à 250 000 dollars et/ou une peine maximale de six mois d’emprisonnement.
Internet occupe de plus en plus de place dans le décompte des atteintes à la liberté d’expression. Pour RSF, les autorités des pays répressifs s’en prennent désormais avec la même force aux blogueurs et aux journalistes en ligne qu’aux employés des médias traditionnels. 64 cyberdissidents sont emprisonnés dans le monde à ce jour. La Chine (163e) reste la plus grande prison du monde avec cinquante cyber-dissidents détenus dans ses geôles, dont Shi Tao et Wang Xiaoning particulièrement médiatisés pour leur action en justice contre Yahoo. En Malaisie (124e), par exemple, mais aussi en Thaïlande (135e), au Viêt-Nam (162e) et en Égypte (146e), des blogueurs ont été appréhendés et des sites d’informations ont été fermés ou rendus inaccessibles. Au Viêt-Nam (162e), qui aurait connu la pire vague de répression depuis 2002, huit cyberdissidents sont détenus après avoir été condamnés pour « propagande hostile » et leurs peines s’échelonnent de trois à douze ans de prison.
Fidèles au premier amendement de leur Constitution, les États-Unis ne censurent pas Internet sur leur territoire. Ce sont toutefois des entreprises américaines qui aident des pays répressifs comme la Tunisie ou la Birmanie à filtrer le Web. De même, en Chine, les moteurs de recherche Yahoo !, Google et Microsoft (MSN) acceptent de censurer leurs résultats de recherche. Des membres de la Chambre des représentants ont introduit un texte de loi, le Global Online Freedom Act (GOFA), pour réglementer l’activité de ces géants de l’Internet. Mais le texte progresse lentement au Congrès et son avenir est incertain.
____________________________