Ces dernières semaines, le président des États-Unis a, dans l’esprit de plusieurs observateurs, atteint les bas fonds : il a refusé aux enfants américains un accès aux soins de santé par l’intermédiaire d’une couverture médicale élargie et il soutient, malgré des preuves évidentes, que son pays ne pratique pas la torture parce que cela ne fait pas partie de la culture américaine. Georges W. Bush s’enfonce davantage dans le mensonge.
Au pays de l’Oncle Sam, 47 millions d’Américains ne disposent d’aucune assurance santé. De ce nombre, neuf (9) millions sont des mineurs. Pour compenser cette carence grave, le Congrès avait élaboré un projet ambitieux : investir une somme supplémentaire de quelque 35 milliards de dollars, répartie en cinq ans, pour élargir la couverture médicale, du Programme pour l’assurance santé des enfants (SCHIP), au million et plus d’enfants américains qui en sont dépourvus. Ce plan avait fait l’objet d’un plébiscite populaire à hauteur de 70 pour cent auprès de la population qui approuvait son adoption.
Georges W. Bush, obnubilé par la guerre en Irak, en est venu au point d’oublier ou d’ignorer la misère qui sévit dans son propre pays. Le président américain vient d’atteindre les plus bas niveaux qu’on puisse imaginer d’un chef politique : au prétexte d’un déficit qui n’a cessé de se creuser ces dernières années, en raison surtout de la guerre d’Irak, Bush, l’homme du mensonge, ne peut s’imaginer décevoir l’aile la plus conservatrice de son parti. Il vient d’apposer son véto au plan du Congrès : du programme en faveur des enfants, il avait fait un symbole. Ce programme ne s’adresse pas exclusivement aux familles pauvres mais pourrait profiter à une classe moyenne qui, à ses yeux, a les moyens de s’offrir une assurance privée : « Le projet de loi s’oppose aux objectifs de réduction des dépenses… », soutient Bush qui propose plutôt une augmentation du programme limitée à cinq milliards.
L’homme, qui se dit privilégié d’avoir des entretiens avec Dieu, lui-même, ne veut pas, par son véto, investir 35 milliards sur cinq ans pour donner accès à des millions d’enfants américains aux soins de santé. Soutenir ce programme était « la chose qui est moralement juste », expliquait le sénateur de l’Utah, Orrin Hatch, dont les prises de position en faisaient plutôt jusqu’ici un proche du président. Le chef de la majorité démocrate au Sénat, Harry Reid, a beau jeu de noter que les fonds requis représentent « l’équivalent de ce que le président dépense en moins de quatre mois en Irak ».
Relativement à cette championne olympique américaine, Marion Jones, qui a avoué s’être dopée pendant deux ans avant les Jeux de Sydney, le président Georges W. Bush s’en est ému. « Il a été attristé de cette nouvelle », a dit sa porte-parole, Dana Perino, enchaînant qu’il espérait que les parents parleront à leurs enfants pour faire en sorte qu’ils se gardent de consommer ce type de stéroïdes en grandissant. Et que répondront ces parents aux enfants qui n’ont pas, en raison de leur pauvreté, accès aux soins de santé américains ? Que le président en est triste? Non, pas du tout. Le président a besoin de cet argent pour sa sale guerre en Irak.
Georges W. Bush est l’un des rares présidents, dans un pays démocratique, qui a trouvé le chemin de la méditation tout en acculant le peuple irakien à la plus grande déchéance, qu’on puisse imaginer, et son propre peuple, au sein duquel se trouvent des enfants à qui l’État refuse un accès aux soins de santé. Le président médite et prie, pendant ce temps.
Laura Bush, première dame des États-Unis, a demandé à la junte au pouvoir en Birmanie de « céder la place » et a souhaité que le Conseil de sécurité des Nations unies adopte une résolution en faveur d’une transition pacifique vers la démocratie dans ce pays. « Nous appelons les autres gouvernements à se joindre aux États-Unis pour condamner l’usage de la violence par la junte et pour travailler au rétablissement de la liberté en Birmanie », a lancé madame Bush. Pendant ce temps, que se passe-t-il à New York ?
Il se passe que le New York Times révèle l’existence d’un avis juridique secret : Alberto Gonzales, le 5 février 2005, a signé un document, quelques semaines seulement après que le département de la Justice eut étendu sa définition officielle de la torture, qui donne le feu vert à certaines méthodes d’interrogatoire violentes dont la technique dite de la baignoire, qui consiste à maintenir la tête d’un détenu sous l’eau pour lui faire croire qu’il va être noyé. L’administration Bush a confirmé l’existence de ce mémo secret. Un deuxième mémo, daté du 5 février 2005, toujours selon le New York Times, stipule que les méthodes d’interrogatoire ne violaient pas le nouveau texte de loi tout en assurant que la loi n’empêche pas de frapper un détenu au visage, de le soumettre à des températures extrêmes ou au supplice de la baignoire, entre autres. Parmi ces nouvelles techniques destinées à recueillir le maximum d’informations, sont autorisés les coups sur la tête, la simulation d’étouffement et l’exposition à des températures polaires.
Le directeur du bureau du Conseil juridique, au département de la Justice, depuis 2005, Steven G. Bradbury, signataire du mémo, a défendu ses méthodes en déclarant : « La Maison blanche n’a jamais précisé comment il fallait faire avouer les présumés terroristes ». Un autre juriste, John Woo, jeune professeur de droit à l’université de Berkeley, sollicité pour donner un avis préalable au mémo du 5 février 2005, estime que ces méthodes d’interrogatoire ne sont pas illégales, à moins qu’elles ne provoquent « la défaillance d’un organe ou la mort ». Faux, répond Georges W. Bush. « Ce gouvernement ne torture pas les gens. Nous observons la loi américaine et nos obligations internationales », a rétorqué, sans coup férir, Georges W. Bush (« This government does not torture people »). China View n’a pas raté l’occasion de traiter de l’affaire.
En éditorial, dimanche, le New-York Times accuse Georges W. Bush « de mener une campagne systématique pour tromper le Congrès, les Américains et le monde au sujet de cette politique ». Le quotidien poursuit sa charge en s’en prenant à la CIA qui a « copié ces techniques sur celles des cachots de l’Égypte, de l’Arabie saoudite et de l’Union soviétique ». Ces révélations choquent l’Amérique, comme le montre ce commentaire, d’Andrew Sullivan, du Times (online). « C’est bouleversant et renversant ! ». « Bush’s torturers follow where the Nazis led ». Le président américain a insisté sur la nécessité et l’efficacité des « techniques alternatives » dans les interrogatoires de terroristes présumés, notamment dans les prisons secrètes de la CIA. Il persiste et signe : « J’ai mis ce programme en place pour une bonne raison : mieux protéger les Américains, et quand nous trouvons quelqu’un qui pourrait avoir des informations sur une attaque potentielle contre l’Amérique, nous n’allons pas nous gêner pour le garder prisonnier, et nous n’allons pas nous gêner pour l’interroger ». Le président Georges W. Bush médite et prie pour donner à l’Amérique la paix et la sérénité.
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