Gil Courtemanche, écrit dans Le Devoir, édition du samedi 22 septembre 2007 : « Ça fait dix ans que vous dites à l’Infoman que ce qu’il fait est ridicule, dix ans que vous dites que le Québec n’existe pas, dix ans qu’on ne vous a pas vu rire, dix ans que vous méprisez de votre œil intellectuel les émissions de variétés et, pour refaire votre image, vous voulez être invité à Tout le monde en parle et pourquoi pas au Banquier ? »
Stéphane Dion se définit ainsi : « Au-delà de la stratégie, c’est une question de personnalité. Je suis une personne plutôt discrète, j’aime parler des choses et pas forcément de moi ». Rarement message aura montré autant de difficultés à atteindre son but. « Je dois me battre contre une caricature de moi-même », a déploré le chef du Parti libéral. Il n’a jamais si bien dit.
D’entrevues en entrevues, Stéphane Dion semble vouloir infléchir l’opinion publique pour qu’elle retienne une perception plus favorable de sa personne. Puisqu’il a lui-même une très haute estime de soi : « Ca a donné aux gens l’impression d’un Stéphane Dion qui est tout fait caricatural, qui n’est pas ce que je suis, et qui n’est pas ce que je peux donner aux gens, a-t-il ajouté, en citant les raisons de son engagement en politique. (...) Si les gens ne savent pas qui je suis et ce que je peux faire pour eux, eh bien, ils ne s’intéresseront pas aux libéraux ».
Monsieur Dion y va même d’une question à laquelle il trouve sa propre réponse : « Qu’est-ce qui ne colle pas ? Je pense que beaucoup de gens au Québec croient que je ne suis pas pro-Québécois, c’est aussi simple que ça ». Dans une candeur infinie, à la limite du ridicule, Stéphane Dion explique que : « la caricature l’a emporté sur la personne, et là, la personne doit l’emporter sur la caricature ».
Relativement à son travail pour rebâtir le parti libéral, Stéphane Dion se console : « Ce qu’on voit d’intéressant sur le terrain, c’est que les gens nous respectent maintenant. Ce n’est plus l’agressivité de 2006. Il y a beaucoup de respect, de l’écoute ; pas encore de l’appui. Donc, il y a une étape additionnelle qu’on doit encore franchir ». Et le chef peut compter sur le député libéral Denis Coderre qui a salué « l’acte d’humilité », de « courage » et d’ « audace » de M. Dion : « On peut pogner. Ce n’est pas un problème de pognage. Mais peut-être qu’il y a une autre poignée qu’il faut prendre, par exemple ». Comme cela est bien dit.
En août 2006, Norman Spector voyait en Stéphane Dion un universitaire très éloigné des arcanes de la politique : « En tant qu’ancien universitaire, M. Dion montre un grand empressement à cataloguer des événements courants dans un cadre analytique, ce qui peut créer des difficultés en politique. Si vous examinez minutieusement les œuvres des plus grands philosophes, vous trouverez des contradictions dans leurs pensées ; dans le cas de M. Dion, les points faibles de sa politique en matière de défense nationale, par exemple, sautent aux yeux ».
Le chef libéral dit croire que les Québécois ne rejettent pas ses idées. Selon lui, ils rejettent plutôt la caricature de ses idées faite par ses adversaires, au départ les indépendantistes puis maintenant les conservateurs. Il parle peu de la Loi sur la clarté. L’image que retiennent de Stéphane Dion les observateurs, aguerris de la scène politique, est justement cette la Loi sur la clarté.
Peu avant le référendum de 1995, Stéphane Dion multipliait les déclarations pour pourfendre le projet souverainiste. « Il ne faut pas faire sentir les Québécois coupables d’être nationalistes, dit-il en conférence. Il serait surprenant qu’ils ne le soient pas, tant le nationalisme est répandu dans le monde. Il ne faut pas s’opposer à la sécession avec l’anti-nationalisme mais avec l’anti-sécessionnisme ». Plus tard, en tant que président du Conseil privé de la reine pour le Canada et ministre des Affaires intergouvernementales sous Jean Chrétien, Stéphane Dion poussait pour l’adoption de la Loi sur la clarté (projet de loi C-20 sur la clarté référendaire adopté en mars 2000 par la Chambre des communes). Il s’en expliquait en 2006 : « J’avais le devoir de m’assurer que mon pays, à la fin du siècle, ne donnerait pas un mauvais signal à la planète. Si les Canadiens ne sont pas capables de rester unis, quel pays le pourra ? », disait-il en se rappelant de cette époque.
Hervé Rivet a été le directeur général du Parti libéral du Canada au Québec. Dans une lettre ouverte, Réveillez-vous !, il écrit : « Pendant que toute la classe politique du Québec se penche sur les questions de l’identité québécoise au sein du Canada et de la modernisation de la fédération, M. Dion et sa garde rapprochée se refusent à faire les constats qui s’imposent. Au mieux, ils sont incapables de tirer les leçons du passé. Au pire, ils marginalisent les individus au sein du PLC qui tentent de faire avancer ces débats à la fois souhaitables et nécessaires ».
Lysiane Gagnon ne manque pas, dans son analyse, Le problème c’est le chef, d’écorcher en profondeur le chef libéral : « Incapable de définir un nouveau discours québécois, incapable de rallier les partisans d’Ignatieff, incapable de faire un mouvement en direction des nationalistes qui forment le gros de l’électorat francophone, dépassé par Stephen Harper qui, tout Albertain soit-il, a compris leur besoin de reconnaissance, Stéphane Dion, isolé du Québec par la pensée, l’est aussi physiquement, son entourage étant essentiellement constitué d’Ontariens anglophones ».
Pendant ce temps, monsieur Dion, secoué par les résultats de sa dernière élection, réfléchit sur les moyens qu’il lui faut prendre pour rehausser l’image de sa personne (sa crise identitaire, quoi). Parmi ces moyens, Stéphane Dion a l’intention, déclarait-il à Céline Galipeau, de participer à des émissions de variétés. « Je n’ai jamais été très ouvert à cela, mais maintenant je dois l’être […] je n’ai jamais mis ma personne sur la table et je me rends compte qu’un chef doit faire cela ».
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