L’ennemi numéro un est en ville. Mahmoud Ahmadinejad est à New York pour prononcer une allocution devant l’Assemblée générale des Nations Unies, mardi. Quel sera le bilan de ce voyage du président iranien aux États-Unis au moment où les États-Unis cherchent à provoquer des « petits incidents irritants » en retour des « piques » que leur adresse - encore ce week-end - l’Iran ? Cet « État voyou » s’inscrit toujours dans « l’axe du mal », ne l’oublions pas. Est-ce que ce voyage sera marqué du sceau des règles de la diplomatie ? A suivre.
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L’Iran aime bien provoquer. Cela ne fait aucun doute. Lors de la 15e exposition internationale sur le Coran, qui s’est déroulée, mardi 18 septembre, à Téhéran, les organisateurs se sont servis des drapeaux israéliens et américains comme tapis, histoire d’illustrer l’opposition iranienne au « big devil » (le grand satan), les États-Unis, et le « little devil » (le petit satan), Israël. Samedi, encore, à l’occasion d’un défilé militaire, l’Iran a montré les fleurons de son industrie de l’armement dont des avions de chasse dernier cri et surtout un nouveau missile à longue portée, le Ghadr-1 (« puissance »), pouvant franchir 1 800 km. Israël et l’Iran ne sont séparés que d’au plus d'un millier de kilomètres - ainsi que toutes les bases militaires américaines de la région.
Mahmoud Ahmadinejad en remet : « Ceux qui pensent qu'avec des instruments désuets comme la guerre psychologique et les sanctions économiques ils peuvent arrêter la marche de l'Iran vers le progrès, ils se trompent lourdement ». Cette parade intervient bien évidemment avant la visite du président iranien aux États-Unis où il doit présenter son point de vue aux Nations Unies. Par la même occasion, l'ayatollah Ali Khamenei, guide suprême iranien, met en garde les pays tentés par une attaque militaire contre l'Iran : « Une agression militaire contre l'Iran n'est pas comme si on frappe et on s'enfuit. Quiconque lance une agression (contre l'Iran) souffrira sérieusement des conséquences ».
La dernière intervention en la matière – où le terme de guerre a été évoqué – est celle, remarquée, du ministre des Affaires étrangères de la France. Vendredi, dans le cadre d'une visite de Bernard Kouchner à Washington, les États-Unis et la France ont affirmé être sur la même longueur d'onde et ils ont à nouveau menacé l'Iran de sanctions si ce dernier ne cède pas à la pression internationale pour suspendre son programme nucléaire. « Bernard et moi voyons ces questions de manière très similaire », a déclaré Condoleezza Rice à l'issue d'un déjeuner avec son homologue. Cette belle unanimité n’est pourtant pas partagée : Washington et Paris doutent que les Russes et les Chinois soient prêts à décider dans l'immédiat de nouvelles sanctions crédibles contre Téhéran. Comme on pouvait s'y attendre, Mohammad-Ali Hosseini, porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, a condamné les remarques de M. Kouchner en déclarant que l'utilisation de « mots convulsifs » était en contradiction avec la dignité historique et culturelle, ainsi que les positions de la France. L'agence IRNA attaque directement le président français : « Le nouveau locataire de l'Elysée veut aujourd'hui copier la Maison Blanche », écrit Irna en ajoutant que « cet Européen s'est mis dans la peau des Américains et imite leurs hurlements ».
« Je n'aurais pas employé le mot guerre, il (M. Kouchner) s'en est lui même expliqué », a commenté Nicolas Sarkozy. À défaut du chef de l’État, c’est l'ancien ministre des Affaires étrangères Hubert Védrine, qui est venu au secours de Bernard Kouchner, vendredi, estimant que : « Ce n'est pas parce que quelqu'un dit : 'il y a un risque de guerre', qu'il faut être complètement épidermique sur les mots ». Hubert Védrine juge « évident qu'on a affaire à des gens qui ne souhaitent pas la guerre ». Monsieur Védrine se référait à Nicolas Sarkozy et à Bernard Kouchner. Devant la presse américaine, M. Kouchner a promis de ne plus l'utiliser, évoquant « ce mot que je prononcerai plus puisqu'apparemment, cela choque » (Le Monde). Comme dirait Churchill : « La politique est plus dangereuse que la guerre. En guerre, on ne peut être tué qu’une fois. En politique, plusieurs fois... »
S’agissant du président, il réitère l’obligation d'œuvrer pour convaincre les Iraniens de renoncer à leur projet nucléaire « par la discussion, par le dialogue, par les sanctions ». « Si les sanctions ne sont pas suffisantes, je souhaite des sanctions plus fortes », a-t-il indiqué. « Ce n'est pas exclusif d'un dialogue avec les Iraniens », a ajouté le chef de l'État français.
À la veille donc de son arrivée aux États-Unis, Mahmoud Ahmadinejad veut marquer les esprits. Organisée dans le cadre des commémorations de la guerre Iran-Irak (1980-1988), l'imposante parade montrait de nombreux slogans antiaméricains et anti-israéliens. Des véhicules militaires arboraient des inscriptions : « Mort à l'Amérique » et « Mort à Israël ». Au début du défilé, trois Saegheh, le nouvel avion de chasse iranien, présenté comme un appareil dernier cri, ont par ailleurs survolé la parade. Fait important à noter : tout comme en 2006, les attachés militaires européens n'ont pas assisté au défilé afin d'éviter de cautionner les inscriptions antiaméricaines et anti-israéliennes, selon un diplomate européen (AFP).
Dans une interview, diffusée dimanche sur CBS, lors de l'émission hebdomadaire « 60 minutes », Ahmadinejad réitère son souhait de se rendre sur le site où se trouvait le World Trade Center (WTC). Il dit toutefois qu'il « n'insistera pas » si les autorités locales ne réussissent pas à mettre en place « la coordination nécessaire ». Le New York Post évoque la « tempête de réactions furieuses provoquée par la requête insultante de l'homme qui a aidé les terroristes irakiens à tuer des GI's ». Interrogé sur « l'insulte » que représenterait sa visite à Ground Zero, Ahmadinejad s'est dit « étonné » par la question. Le dirigeant iranien s'est demandé comment le journaliste pouvait parler « au nom de toute une nation ». Après que le président iranien eût manifesté le désir de déposer une gerbe sur le site du World Trade Center, le Daily News - à la une de son numéro de jeudi - a lancé ce message d'accueil : « Va en enfer! ».
Ce dimanche, pour bien marquer le pas, l’hebdomadaire Newsweek soutient que le vice-président des États-Unis, Dick Cheney, aurait envisagé de demander à Israël de lancer des missiles contre le site nucléaire iranien de Natanz pour provoquer des représailles de Téhéran et obtenir ainsi un prétexte pour que l'armée américaine frappe à son tour. Israël jugerait par contre qu'une action militaire serait rendue nécessaire dès 2008 pour faire obstacle aux programmes de recherche nucléaire de l'Iran qui devrait oeuvrer encore plusieurs années pour contrôler le feu nucléaire.
Qu'importe. « L'Assemblée générale des Nations unies est une bonne occasion pour présenter les solutions du peuple iranien pour régler les problèmes du monde », déclare Mahmoud Ahmadinejad. Au cours de son séjour, il entend même rencontrer des intellectuels et des hommes politiques indépendants américains. Il profitera donc de son bref séjour aux États-Unis pour présenter États-Unis les positions du peuple iranien car, selon Ahmadinejad, ils sont très désireux de les entendre. « L'Iran est une puissance influente et le monde doit savoir que cette puissance a toujours été au service de la paix, de la stabilité, de la fraternité et de la justice », a déclaré le président iranien Mahmoud Ahmadinejad dans un discours qui précède sa visite à New Yorik. Celui qui doit s'adresser aux Nations unies mardi, ajoute que la guerre psychologique et les sanctions économiques étaient des moyens dépassés utilisés par les pays occidentaux.
Les États-Unis se préparent à l’arrivée de Mahmoud Ahmadinejad. Selon un accord de 1947, les villes et pays abritant des institutions de l'ONU doivent garantir leur accès aux représentants étrangers. Le porte-parole du Département d'État a rappelé que les États-Unis n'avaient pas de relations diplomatiques avec l'Iran et que « selon les accords existants avec l'ONU », les responsables de tels pays pouvaient circuler « selon leurs vœux et aussi selon les exigences de la sécurité » dans un rayon de 40 kilomètres autour du quartier général des Nations Unies. Qu’à cela ne tienne, Ahmadinejad s’est fait inviter par la prestigieuse université de Columbia. La décision du président de l’Université a suscité beaucoup de commentaires très critiques mais ce dernier persiste et signe : « La foi en la liberté reste l’arme la plus puissante de notre pays contre les régimes répressifs ».
Un porte-parole de la Maison-Blanche, Tony Fratto, a exprimé le souhait que le régime islamique accorde aux Iraniens la liberté dont M. Ahmadinejad bénéficiera aux États-Unis. « Nous sommes dans un pays où les gens peuvent venir s'exprimer, exprimer leur opinion, et nous en sommes fiers. Même les gens dont nous trouvons les idées et les convictions répugnantes, voire dangereuses », a dit M. Fratto devant la presse.
En novembre 1988, alors que le leader palestinien, Yasser Arafat, devait participer à une conférence des Nations Unies sur le Proche-Orient, les États-Unis lui avaient interdit l'accès, obligeant ainsi l'Assemblée générale à déplacer la réunion à Genève. Depuis, Ahmadinejad s’est s'adressé à l'Assemblée générale de l'ONU en 2005 et 2006. Hugo Chavez, son homologue vénézuélien, a, l'année dernière, utilisé le podium onusien pour traiter George Bush de « diable ».
Mardi prochain, George W. Bush et Mahmoud Ahmadinejad vont s’adresser à la même tribune. Nicolas Sarkozy également. L'un des candidats républicains à la Maison Blanche en 2008, Mitt Romney, mormon multimillionnaire, déclarait, lundi dernier, que le président iranien devrait être interdit de participation à l'Assemblée générale des Nations Unies et inculpé de génocide. Romney a appelé le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon à retirer l'invitation au président iranien de participer à l'Assemblée générale et estimé que le gouvernement américain devrait reconsidérer son soutien financier à l'organisation internationale s'il ne le faisait pas : « Si l'ONU ne réagit pas aux menaces de l'Iran », a estimé M. Romney, « les États-Unis doivent reconsidérer leur niveau de financement aux Nations unies au moment où nous voulons reconstruire et revitaliser les partenariats internationaux pour faire face aux menaces du 21e siècle ».
Mahmoud Ahmadinejad, arrivé dimanche à New York, sera l’objet d’une manifestation officielle prévue ce lundi 24 septembre par de nombreuses organisations et comités juifs américains : « Nous croyons que cette manifestation est particulièrement importante à cause de la hausse permanente des propos tenus par l’Iran contre Israël et les Juifs », a déclaré Malcom Henlein, vice-président exécutif de la Conférence des Présidents des organisations juives américaines, qui participera à cette manifestation.
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