Notre chronique d’aujourd’hui sera plus légère que d’habitude. Mais non moins d’actualité. Claude Lelouch est en ville. Il vient présenter son dernier film Roman de gare à la 31e édition du Festival des Films du Monde de Montréal. À l’aube de ses 70 ans, Claude Lelouch apparaît au sommet de sa forme. Le style Lelouch n’a pas fait l’unanimité ces dernières années. C’est d’ailleurs pour tester le sens critique de la critique que Claude Lelouch a caché pendant plusieurs mois qu’il était le réalisateur de Roman de gare, signé alors du nom de son professeur de tennis, Hervé Picard, indique Anabelle Nicoud, de La Presse. Sa tactique du prête-nom semble avoir porté fruit. L’accueil réservé en France à Roman de gare a été unanime dans l’Hexagone, selon les dires de Claude Lelouch. C’est sous ce prête-nom que le réalisateur français a présenté son 41e film au Festival de Cannes, en mai 2007.
Claude Lelouch explique : « Je n’ai pas eu le choix, mais j’aurais bien aimé aller plus loin avec tout ça. Au moins, ça m’a permis de vivre cette expérience. Dans les années passées, que je fasse un bon film ou un moins bon, les commentaires dans les journaux étaient les mêmes. On aurait dit que les journalistes ne faisaient que changer le titre du film et le nom des acteurs ». « Il n’y a pas si longtemps, personne n’aurait parié sur la renaissance de Claude Lelouch, surtout pas la critique française, signataire de son arrêt de mort », note André Lavoie, du quotidien Le Devoir. Pendant longtemps, on a claironné: « Claude Lelouch a tout le monde contre lui, sauf le public ».
Pour Jacques Mandelbaum du quotidien Le Monde, la victimisation dont le réalisateur a le sentiment d’être l’objet relève d’un sentiment sans doute compréhensible mais fondamentalement erroné : cinéaste des « trente glorieuses », parangon d’un divertissement populaire fondé sur l’optimisme, la gentillesse et le romanesque, Claude Lelouch est tout simplement passé de mode dans une société où la crise des valeurs, l’accroissement des inégalités et le cynisme ambiant produisent un tout autre cinéma.
« Pendant le tournage, dit-il avec satisfaction, j’ai pu avoir la paix et ne subir aucune pression des producteurs ou des médias ». Il regrette même d’avoir levé le voile trop vite, peu de temps avant le dernier Festival de Cannes. « Comme 100 personnes le savaient, ça faisait beaucoup de monde. Et s’il devait y avoir un Judas, je préférais que ça soit moi! J’ai quand même fait des projections sans générique : j’ai entendu des choses qui m’ont fait plaisir et que je n’aurais pas entendu si le film avait été signé Claude Lelouch. On me disait aussi qu’en tant que producteur, j’avais déniché un jeune cinéaste plein de talent! », expliquait Claude Lelouch à André Lavoie. Fanny Ardant, Zinedine Soualem, Myriam Boyer, Audrey Dana et Marc Rioufol forment la distribution.
L’expression « Roman de gare » a souvent une connotation péjorative en France. Elle désigne une lecture facile, nous dit Le Robert. De passage dans la métropole pour présenter son film dans le cadre du Festival des films du monde, Claude Lelouch ne cache pas son amour pour Montréal. « Ici, c’est comme les États-Unis sans les Américains, et comme Paris sans les Français », lance-t-il dans un éclat de rire. Il souligne également qu’il ne rate jamais une occasion de venir nous rendre visite.
Claude Lelouch est ainsi présenté sur Wikipedia : « Claude Lelouch, né le 30 octobre 1937 à Paris dans le 9e arrondissement, est un réalisateur, producteur, scénariste et acteur français. Surtout connu en tant que réalisateur, sa filmographie compte une cinquantaine de films dont « Un homme et une femme » et « Tout ça… pour ça ! », grands succès au box-office avec respectivement 4 269 209 et 1 887 398 entrées en salle. Cependant, la critique et le public semblent moins s’intéresser au réalisateur depuis le début des années 2000. Le Genre humain, sa trilogie inachevée composée des « Parisiens » et du « Courage d’aimer », a été rejeté par le public bien que Lelouch soit allé jusqu’à offrir pendant une journée aux spectateurs français une entrée pour le film « Les Parisiens », opération qui lui coûtera plus d’un million d’euros. Père de sept enfants, il est actuellement marié à Alessandra Martines.
C’est en faisant son service militaire que Claude Lelouch a fait ses premières armes avec sa caméra. Intégré dans le Service Cinématographique des Armées, ce jeune homme d’une vingtaine d’années en profite pour tourner sept courts métrages. En 1960, il crée sa maison de production « Les films 13 » et produit son premier long métrage de fiction « Le propre de l’homme ». C’est un échec et il brûle son négatif de dépit. Geste qu’il commettra à plusieurs autres reprises, jusqu’en 1965 avec « Les Grands moments » (le film qui précède « Un homme et une femme »). Pour se refaire une santé financière, il tourne alors près de deux cent cinquante scopitones, les ancêtres de nos clips, qui étaient diffusés dans les juke-boxes. En 1964, « La femme-spectacle », un reportage-fiction, se retrouve censuré de quarante-cinq minutes et ne sortira pas en salles.
Roman de gare a-t-il été mieux reçu cette année ? Jacques Coulardeau de la rédaction de Nord-Cinéma le présente ainsi : « Un gentil film qui ne bouleversera pas le monde ni ne révolutionnera la planète. Bien fait pour un roman noir, avec beaucoup d’humour noir, ce qui va de soi pour un roman noir. Et pourtant il manque quelque chose quelque part dans ce film. Mais quoi ? D’abord la jonction entre le nègre, le prof de lettres et le tueur en série qui fait des tours de magie, c’est vraiment un peu cul-cul et tiré par les poils du dos. Et puis ça cloche car pour qui les trois pourraient-ils peut-être être le même, même si on ne voit pas les trois ? Pas pour les personnages du film qui vivent tous dans une sorte de bulle, mais pour nous les spectateurs. Or un film vraiment noir cultive le noir dans le film et pour les personnages du film qui sont alors pris de la panique d’avoir rencontré le tueur en série. Or ce n’est pas le cas ».
Jacques Mandelbaum, du quotidien Le Monde, voit dans « Roman de gare » : « un film sombre, un polar qui fait de la dissimulation et de la manipulation son principal objet. Il s’ouvre donc logiquement au Quai des Orfèvres, où Judith Ralitzer (Fanny Ardant), un écrivain à succès, est interrogée et suspectée du meurtre d’un proche. Un flash-back suit cette ouverture mystérieuse, qui va prendre le spectateur par la main pour passer avec lui en revue les protagonistes de cette affaire, et surtout le perdre dans un réseau de fausses pistes et de retournements de situation. […] ». Le critique poursuit : « selon la touche Lelouch, la noirceur est d’une joyeuse douceur. Dans le film, la manigance se prend les pieds dans l’invraisemblance feuilletonesque et les acteurs sont visiblement heureux de renchérir à la limite de la caricature sur leurs qualités répertoriées, qu’il s’agisse du pathos fatal de Fanny Ardant ou de l’inquiétante étrangeté de Dominique Pinon. Un distrayant plaisir n’est est pas moins au rendez-vous ».
« Roman de gare » raconte l’histoire d’une femme fatale, romancière à succès, en quête de personnages pour son nouveau livre; d’un tueur en série qui vient de s’échapper de la prison de la Santé; et d’une midinette, coiffeuse dans un grand salon parisien, qui va changer leur destin. « Il y a des rencontres plus fatales que d’autres… », dit le synopsis. Le réalisateur, pour sa part, a précisé sa pensée à Anabelle Nicoud de La Presse : « Roman de gare est «avant tout un film de divertissement, derrière lequel se cache ce que l’on a envie d’y trouver. C’est fait pour le bonheur du spectateur, tout est fait pour le faire rêver ». Le réalisateur d’Un homme et une femme nous parlera bien sûr de séduction et d’amour. « C’est un film sur le délit de sale gueule », dit le réalisateur, qui, à 70 ans, se montre intarissable sur le sujet. « On est dans un monde des apparences. Quand on a un physique agréable, on a des atouts dans la vie et dans la séduction. Mais la séduction, c’est amusant la première nuit. Après, cela s’use très vite ».
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