mardi 25 septembre 2007

Pauline Marois - Première femme élue, chef de parti, à siéger au Salon bleu

Il se trouvera plus d’un observateur pour dire que la victoire de Pauline Marois dans Charlevoix est un signe d’une victoire aux prochaines élections générales. Force est de constater la victoire éclatante de madame Marois qui l’emporte avec un score de 59 pour cent des voix contre 37 pour cent des voix pour Conrad Harvey. Et le taux de participation de 58 pour cent ajoute à cette victoire.

Fait intéressant à noter : il semble que la longévité attend madame Marois, dans Charlevoix, puisque les électeurs ont la réputation d’être fidèle à leur député ou députée, n’en ayant élu que quatre différents en 63 ans (Canoë). De sa nouvelle circonscription, madame Marois a déclaré : « Nous allons devoir démontrer que nous sommes capables de répondre aux attentes de la population, que nous représentons une véritable alternative. Nous devons travailler à créer un État plus solidaire, avec le désir profond de créer de la richesse, pour la partager ».

Un élément qu’il convient de retenir est le fait que le Parti libéral n’avait soumis aucun candidat. Jean Charest préférait laisser toute la place à Pauline Marois pour qu’elle puisse s’assurer de siéger à l’Assemblée nationale en tant que chef du Parti québécois. À la rentrée parlementaire du 16 octobre prochain, Mme Marois deviendra la première femme élue, chef de parti, à siéger au Salon bleu. Pour madame Marois, c’est également le parcours de la combattante puisqu’elle attend ce moment depuis fort longtemps. « Ça, c’est une victoire qui fait du bien », a-t-elle lancé, prévenant aussi ses troupes péquistes qu’elles devaient maintenant conquérir le cœur des Québécois comme elles avaient réussi à le faire avec les citoyens de Charlevoix.

Agée de 58 ans, madame Marois est devenue, le 26 juin dernier, chef du Parti québécois après la démission d’André Boisclair, qui a choisi de quitter le navire à la suite d’une dure défaite électorale. Elle a été élue pour la première fois en 1981 en devenant députée dans La Peltrie. En plus d’occuper ses fonctions de députée, elle a notamment été ministre de la Santé, de l’Éducation et des Finances.

Ce retour de madame Marois, en politique, après son départ, le 20 mars 2006, marque la consécration d’une longue carrière jalonnée de succès et d’échecs. Elle avait en particulier perdu à deux reprises la course à la direction du Parti québécois en 1985 et en 2005. En août 2004, elle contestait ouvertement le leadership de Bernard Landry, en réclamant une course à la direction, à laquelle elle serait candidate. Cette course avait donné la victoire à André Boisclair. Madame Marois n’a pas toujours fait l’unanimité. Loin s’en faut. En 2002, alors qu’elle cumule Finances, Industrie, Commerce, Économie sociale, Recherche, Science et Technologie, soit presque toute la sphère économique de l’État québécois, elle est confrontée au fait que son mari, l’homme d’affaires Claude Blanchet, dirige en même temps la Société générale de financement (SGF), une société d’État dont la mission est d’intervenir dans le développement économique du Québec par le biais d’investissements de capitaux gouvernementaux. Le Premier ministre Bernard Landry prend alors la gestion de la SGF afin d’éviter toute apparence de conflit d’intérêt.

En mai dernier, alors qu’elle annonçait sa candidature au poste de chef du Parti québécois, Pauline Marois annonçait en même temps son intention de procéder à des changements profonds : mettre en veilleuse le processus référendaire, s’adapter aux aspirations des Québécois et renouer avec le nationalisme identitaire : « Je propose que nous mettions de côté l’échéancier référendaire pour travailler sur le projet de pays, l’expliquer, en discuter et écouter les gens sur la façon dont ils le voient. Si on me choisit comme chef de ce parti, c’est aussi cette orientation-là que l’on choisit ».

A ce propos, madame Marois s’est retrouvée au cœur d’une polémique après la visite de Ségolène Royal à Montréal. Ségolène Royal a de nouveau dérapé en déclarant qu’elle a reçu de madame Marois la confidence qu’il « n’y aura pas de référendum sur l’indépendance du Québec ». « Pauline Marois me l’a dit. Je ne crois pas trahir un secret en disant cela », a ajouté Mme Royal au journaliste Ludovic Hirtzmann. Madame Marois a dû s’en expliquer : « J’ai dit à Ségolène exactement ce que je dis depuis le début, à savoir que pour le moment, il n’est pas question de parler de la mécanique référendaire, mais de parler du projet de pays, et que quand viendra le temps, on sera bien capable d’identifier le moment où l’on voudra se poser la question » (Le Soleil).

En commentaire, Gilbert Lavoie, éditorialiste au Soleil, écrit que : « L’anecdote illustre à quel point l’échéancier référendaire demeure un sujet délicat pour les péquistes. Il est plausible que Mme Marois ait dit à Ségolène Royal qu’elle n’entrevoyait pas de référendum sur la souveraineté dans un avenir rapproché. Au lendemain de son couronnement à la tête du PQ, elle a déclaré qu’il faudrait peut-être attendre deux ou trois mandats. Mais il ressort une chose de l’incident, c’est que la souveraineté du Québec a été évoquée pendant la rencontre avec Ségolène Royal, et que le discours de Mme Marois a été davantage rassurant que porteur d’un programme pressé pour faire la souveraineté. C’est suffisant pour énerver les orthodoxes qui se méfient comme la peste de leurs leaders, qu’ils soupçonnent de faire passer la recherche du pouvoir avant l’objectif souverainiste ».

Madame Marois est pleinement consciente de ses nouvelles responsabilités : « La victoire d’aujourd’hui ne s’arrêtera pas là. Il va falloir continuer à écouter, comprendre et surtout, il va falloir démontrer que nous sommes capables de répondre aux attentes de la population ».

Le couple Marois-Blanchet a longtemps été scruté par une presse « people » au Québec. À la veille de son élection dans Charlevoix, « The Gazette », a lancé un véritable pavé dans la mare en révélant que quelque 7 des 41 acres du domaine de l’Île-Bizard, occupé par Pauline Marois et son conjoint à l’ouest de Montréal, appartiendraient à l’État, des terres expropriées en 1978 par les Péquistes et destinées au prolongement de l’autoroute 40. Le couple a, depuis, sommé le quotidien The Gazette de se rétracter, à défaut de quoi des procédures seront entreprises à son encontre. Le domaine du couple serait évalué à trois (3) millions de dollars. De quoi faire beaucoup d’envieux.

Ce qui a été précisé, dans cette affaire, est que Claude Blanchet a un droit de passage pour se rendre à sa maison. Il a choisi d’aménager ce terrain à ses frais tout en étant conscient que les aménagements sont temporaires et que n’importe quand, ils pourraient disparaître. Dans son communiqué, le Parti québécois précisait que : « Beaucoup de gens ont des droits de passage sur des terres publiques et choisissent de les aménager. Pensons par exemple à la bande de terrains que possèdent les villes dans les rues et les ruelles et que les gens aménagent. N’importe quand la ville peut décider d’y effectuer des travaux, et ce, en dépit du fait que ces bandes aient été aménagées, sans dédommagement pour les travaux effectués. Les choses ne sont pas différentes dans le cas de Claude Blanchet ».

Le défi qui se présente maintenant à Pauline Marois en sera un de confiance et de crédibilité. Il faut rappeler que le 1o septembre dernier, selon un nouveau sondage mené par la firme Léger Marketing pour le réseau de télévision TVA, Le Journal de Montréal et le quotidien The Gazette, 34 pour cent des répondants voteraient pour le Parti québécois (PQ), 30 pour cent pour l’Action démocratique (ADQ), et 28 pour cent pour le Parti libéral du Québec (PLQ). Parallèlement, 63 pour cent des répondants se sont dits insatisfaits du gouvernement de Jean Charest, près de la moitié (48 pour cent) souhaitent même que ce dernier quitte la direction du PLQ. Quelque 46 pour cent des répondants estiment être mieux servis par un gouvernement minoritaire, contre 38 pour cent qui favorisent un gouvernement fort.

Madame Marois obtient la faveur du tiers des répondants qui estime qu’elle ferait « le meilleur premier ministre ». Mario Dumont arrive deuxième, alors que le premier ministre Jean Charest est troisième. En outre, 86 pour cent des répondants se disent prêts à élire une femme à la tête du gouvernement du Québec. Mais madame Marois ne doit pas ignorer que 68 pour cent des Québécois, contre 60 pour cent pour elle-même, ont une bonne opinion de Mario Dumont, chef de l’Action démocratique du Québec. En fait, Mario Dumont est la personnalité qui a la meilleure cote parmi les politiciens. Le hic est que, selon ce même sondage, 53 pour cent des personnes questionnées estiment qu’il n’a pas l’expérience et les compétences nécessaires pour devenir premier ministre et 63 pour cent des répondants estiment que son équipe n’a pas non plus l’expérience et les compétences requises pour former le gouvernement.

Et la chose à laquelle devra s’attaquer prioritairement madame Marois est le caractère présomptueux reconnu trop souvent dans certaines déclarations des députés de sa formation : « Ce soir, c’est une victoire très claire contre l’ADQ, dans un comté qui n’était pas facile, a analysé le député de Rousseau, François Legault. Faut comprendre que nous étions dans la Capitale nationale, où l’ADQ a eu des succès. C’était un bon test pour Pauline Marois auprès des travailleurs forestiers, des agriculteurs, et je pense que c’est un bon présage pour la suite des choses, pour la prochaine élection générale ». Pierre Curzi a été plus audacieux : « C’était un test qui n’était pas négligeable. Secrètement, nous avions une crainte que la majorité ne soit pas significative, or, elle l’est », a-t-il martelé, en ajoutant : « Ce sera la première femme premier ministre du Québec » en début de soirée (Le Devoir). Pour rappel, 46 pour cent des répondants québécois estimaient, le 10 septembre dernier, être mieux servis par un gouvernement minoritaire. Rien ne terminerait plus en catastrophe la carrière de madame Marois que d’être élue à la tête d’un gouvernement minoritaire. La défaite est un plat qui se mange très froid au sein du Parti québécois.

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