jeudi 27 septembre 2007

Les Nations Unies pourront-elles dire « non » à la peine de mort ?

Qu’ont en commun les États-Unis, la Chine et l’Iran ? Leur opposition à l’abolition de la peine de mort. Cette affirmation devrait se confirmer sous peu puisque le président du Conseil italien, Romano Prodi, a lancé mardi aux Nations unies une campagne pour la mise en place d’un moratoire international sur la peine de mort. Selon Romano Prodi, il y aurait « une tendance croissante » dans le monde contre la peine capitale et il en appelle de ses vœux pour un avenir plus juste et une société qui se serait « au moins libérée de la vengeance ». Pasquale Ferrara, porte-parole du ministère des Affaires étrangères italien, affirme que 90 pays ont exprimé leur soutien à l’initiative de l’Italie en faveur du moratoire.

Cette résolution sera présentée en octobre 2007 au cours de la 62e session de l’Assemblée générale des Nations unies. Il est probable que ce texte obtiendra le soutien de pays situés dans toutes les régions du monde. Amnesty International mène une campagne de mobilisation, avec la Coalition mondiale contre la peine de mort et d’autres organisations non gouvernementales, en vue de soutenir cette résolution.

Comme l’indique Amnesty International, 133 pays et territoires qui ont aboli la peine capitale de jure ou de facto. Depuis 1990, plus de 50 pays et territoires ont aboli la peine de mort pour tous les crimes. Certains sont des pays d’Afrique (parmi les exemples récents figurent la Côte d’Ivoire, le Libéria, Rwanda) ; d’autres, des Amériques (Canada, Mexique, Paraguay) ; d’autres encore, d’Asie et du Pacifique (Bhoutan, Philippines, Samoa) ou bien d’Europe et d’Asie centrale (Albanie, Moldavie, Monténégro, Serbie, Turquie).

À l’échelle mondiale, il est difficile de connaître le nombre total de condamnés à mort qui sont actuellement dans l’attente de leur exécution. À la fin de l’année 2006, ce nombre oscillait entre 19 185 et 24 646 personnes, sur la base d’informations provenant des groupes de défense des droits humains, des médias et des quelques données officielles disponibles.

Au cours de l’année 2006, au moins 1 591 prisonniers ont été exécutés dans 25 pays et territoires et 3 861 personnes condamnées à mort dans 55 pays et territoires. Ces chiffres reflètent uniquement les cas dont Amnesty International a eu connaissance et sont certainement en deçà de la réalité.

Le Pakistan a exécuté 82 personnes, l’Irak et le Soudan chacun au moins 65, mais ces chiffres sont sans doute bien inférieurs aux chiffres réels. Aux États-Unis, on a enregistré 53 exécutions dans 12 États.

Selon la Coalition mondiale, vingt-et-une (21) pendaisons ont eu lieu en Iran pendant la seule journée du 5 septembre. Cela porte le nombre d’exécutions iraniennes à au moins 189 depuis le début de l’année. La Fédération internationale des ligues des droits de l’homme rappelle que « la lapidation est un châtiment inhumain et dégradant qui viole l’article 7 du Pacte international pour les droits civils et politiques, ratifié par la République islamique ».

Depuis 1990, à la connaissance d’Amnesty International, neuf pays ont exécuté 54 prisonniers condamnés à mort pour des crimes commis alors qu’ils avaient moins de dix-huit ans : l’Arabie saoudite, la Chine, les États-Unis, l’Iran, le Nigéria, le Pakistan, la République démocratique du Congo (RDC), le Soudan et le Yémen. La Chine, les États-Unis, le Pakistan et le Yémen ont depuis lors fait passer à dix-huit ans l’âge minimum que doit avoir un délinquant au moment des faits pour être passible de la peine de mort. Les États-Unis et l’Iran ont chacun procédé à plus d’exécutions de mineurs délinquants que les sept autres pays réunis, et l’Iran a même dépassé les États-Unis, qui ont exécuté 19 mineurs délinquants depuis 1990. L’arriération mentale ne fait pas non plus reculer les juges, procureurs et gouverneurs : on évalue à trente le nombre de retardés mentaux exécutés depuis 1976.

En Chine, selon Amnesty International, les médias nationaux rapportaient, le 8 juin 2007, une diminution du nombre de personnes condamnées à la peine capitale et exécutées au cours des cinq premiers mois de l’année par rapport à la même période l’an dernier. Ce qui ne doit pas nous faire oublier qu’entre 1990 et 1998, Amnesty International avait recensé plus de 25 400 condamnations à mort et plus de 16 600 exécutions. Un autre rapport de cette organisation notait que, parmi 1 526 personnes exécutées en 2002 dans 31 pays, 1 060 étaient le fait des autorités judiciaires chinoises. Des statistiques hallucinantes ! Un site se spécialise à recenser au jour le jour les exécutions en Chine.

Rue89 précise que, en janvier 2007, le Japon comptait 100 condamnés dans le couloir de la mort, dont un cinquième condamnés en 2006 seulement. La peine capitale reste soutenue par une majorité de la population au Japon. Néanmoins, l’ONG Ensemble contre la peine de mort souligne que « les exécutions, qui le plus souvent ont lieu en été et à la fin de l’année, se déroulent lorsque le Parlement est en congé pour éviter toute discussion parlementaire ». Aux États-Unis, depuis le rétablissement de la peine de mort par la Cour suprême fédérale, en 1976, 1092 condamnés ont été exécutés dont 400 dans le seul État du Texas. À ce jour, 3400 détenus attendant la sentence finale dans les couloirs de la mort.

Depuis 1973, aux États-Unis, 124 condamnés à mort ont été remis en liberté après que la preuve de leur innocence eut été apportée. Six libérations de ce type ont eu lieu en 2004, deux en 2005, une en 2006 et une jusqu’à présent en 2007.

En 2006, les parlementaires du New Jersey ont instauré un moratoire sur les exécutions et mis sur pied une commission chargée d’étudier tous les aspects de l’application de la peine capitale dans cet État. Dans son rapport final, en janvier 2007, la commission a recommandé l’abolition de ce châtiment.

Comme le rapporte Rue89, en 1998, Georges W. Bush, alors gouverneur du Texas, devait statuer sur le sort de Karla Faye Tucker, condamnée à mort. Elle s’était convertie en prison au christianisme, et était même devenue pasteur. De nombreuses églises avaient demandé sa grâce. Il a refusé d’intervenir que : « il faut de très sérieuses raisons pour se mettre en travers des choix des juges ». En 2000, il a rejeté le dernier recours en grâce d’une arrière-grand-mère, âgée de soixante-deux ans, Betty Lou Beets, condamnée à mort pour avoir tué son mari qui abusait d’elle. Bush avait reçu des milliers de lettres demandant sa grâce. Il avait alors donné la même explication: « J’ai la conviction que la justice a étudié l’affaire en profondeur ». En 2007, George W. Bush a décidé de dispenser de prison Scooter Libby, ancien directeur de cabinet du vice-président Dick Cheney, condamné pour avoir menti à la justice dans l’affaire Valerie Plame. Il a expliqué que la prison était une peine « excessive », compte tenu des services rendus par Libby à la nation, et de son casier judiciaire vierge.

L’écrivain russe Fédor Mikhaïlovitch Dostoïevski (1821-1881), impliqué dans la conspiration de Pétrachevski, est arrêté et condamné à mort. Sa peine est commuée en exil. Quatre ans en Sibérie, « seulement » quatre ans grâce au tsar Alexandre III qui amnistie les condamnés politiques. Il revient diminué physiquement et moralement de ces travaux forcés : crises d’épilepsie, besoin de solitude et caractère farouche. Il écrira dans l’Idiot : « Mettre à mort un meurtrier est une punition sans commune mesure avec le crime qu’il a commis ».

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