vendredi 28 septembre 2007

Irak - coûts de la guerre : 700 000 morts et 600 milliards de dollars US. Combien pour l’Iran ?

Le secrétaire américain à la Défense Robert Gates a demandé au Congrès près de 190 milliards de dollars pour financer les guerres en Irak et en Afghanistan en 2008, soit 42 milliards de plus que prévu. Ce budget pour l'année fiscale 2008 (qui commence en octobre) serait le plus important consacré par les États-Unis depuis six ans à la guerre contre le terrorisme. Si le Congrès approuve la demande de budget révisé du président, le financement total de la guerre en Irak dépasserait les 600 milliards. Combien coûterait une guerre en Iran ?


À la tribune de l'Assemblée générale annuelle des Nations unies, le premier ministre irakien Nouri al-Maliki a mis en garde les pays de la région contre ces attentats qui représentent un danger pour eux aussi et sur un Irak faible qui n'est pas dans leur intérêt. Message destiné à l'Iran et à la Syrie. Qui a le plus à craindre ? L'Irak contre l'Iran ? ou l'Iran contre les États-Unis ?


Vous rappelez-vous de Hans Blix ? Haut fonctionnaire international, il s’est fait connaître en Occident en 2002 alors qu’il est responsable des inspecteurs chargés d’enquêter sur les stocks d’armes de destruction massives de l’Irak. Il a occupé le poste de Directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) de 1981 à 1997. Il est nommé, par la suite, Président exécutif de la Commission de contrôle, de vérification et d’inspection des Nations unies (COCOVINU) en janvier 2000.

Pourquoi reparle-t-on de cet homme aujourd’hui ? Parce qu’il semble que le scénario qu’a vécu Hans Blix se répète : le chef de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), Mohamed ElBaradei, semble, dans la crise avec Téhéran, se placer en travers du chemin, comme hier Hans Blix et ses inspecteurs en armements chimiques et bactériologiques en Irak. Hans Blix, qui avait plaidé jusqu’au bout en 2003 pour la poursuite des inspections, exhorte maintenant Paris et Washington à modérer leurs propos sur le nucléaire iranien : « Je pense qu’on doit être plus prudent dans le langage que ce qui a été le cas aux États-Unis et à Paris », a-t-il affirmé.

Comme Hans Blix, à l’époque, Mohamed ElBaradei en a fait une affaire de principe : aucune grande puissance ne dictera sa conduite à l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), basée à Vienne. Il récuse fermement la perspective, à ce stade, d’une option militaire contre l’Iran. Hans Blix, dans une entrevue à l’Express en avril dernier, déclarait : « Si la Corée du Nord a déjà fait exploser un engin atomique, l’Iran, en revanche, semble incapable de franchir ce stade avant dix ou quinze ans, si j’en crois les études des services de contre-espionnage américains. C’est la raison pour laquelle, à présent, des menaces militaires contre Téhéran me semblent prématurées. Il faut négocier ».

Dès sa nomination à la tête de la Commission de contrôle, de vérification et d’inspection de l’Onu (Cocovinu) en avril 2000, il avait fait savoir que ses rapports et ceux de ses inspecteurs, sous ses ordres, seraient transmis uniquement au secrétaire général de l’Onu, Kofi Annan, et au Conseil de sécurité, contrairement à la pratique de la précédente mission d’inspection, l’UNSCOM, dont certains membres informaient directement leurs gouvernements, ce qui avait entraîné l’accusation d’espionnage.

Pour Hans Blix, convient-il de le rappeler : « Le risque est beaucoup plus important en Asie, où le Japon pourrait développer l’arme atomique en peu de temps, s’il le voulait. Au Moyen-Orient, en revanche, l’Arabie saoudite ou la Syrie n’ont pas commencé. En Égypte, même, le développement d’un programme prendrait beaucoup de temps ». En analyste avisé, l’ancien Directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) prévient que : « il existe 27 000 armes atomiques déployées dans le monde, dont 12 000 sont prêtes à l’emploi. A mon sens, tous les pays dotés du feu nucléaire devraient prendre des initiatives pour réduire leurs arsenaux respectifs et, à terme, les éliminer ».

En 2004, Hans Blix fait paraître un livre : « Irak, les armes introuvables ». À Cette occasion, il accordait une entrevue à Radio Tunis Chaîne Internationale (RTCI). C’est à ce titre qu’il faisait remarquer que : « nul pays n’est obligé d’accepter des inspections internationales sauf avec son consentement. Et quand la Tunisie ou la Suède accepte les inspections c’est parce que nous savons que les deux pays ont accepté le traité de non prolifération (TNP), et en acceptant cela nous acceptons aussi les inspections de l’AIEA. Israël n’a jamais accepté ce traité, alors ils n’ont pas triché, ils ont seulement refusé d’avoir des inspections sur toutes ses installations nucléaires. Les Israéliens ont volontairement soumis un peu d’équipement sur inspection mais c’est [plutôt] sur une base volontaire non pas sur la base du traité. Il y a aussi l’Inde et le Pakistan qui n’ont jamais accepté ce traité et alors ils n’ont pas triché, mais alors vous pouvez dire à juste titre que ça ne change pas beaucoup la question ».

Pour monsieur Blix : « il n’existe pas seulement un double standard mais plusieurs standards. Et on commence par les américains où on accepte qu’ils ont une bombe nucléaire et ensuite on a accepté les autres quatre grandes puissances du Conseil de sécurité. [… ] On peut voir différents degrés de résistance et la résistance est très forte contre l’Iran, l’Irak ou la Corée du Nord mais on voit moins de résistance contre Israël, l’Inde ou le Pakistan. La perspective qu’on devrait avoir maintenant ce n’est pas seulement d’éviter la prolifération mais d’éviter l’existence des armes nucléaires. Il faut avoir un désarmement et pas seulement de travailler contre la prolifération ».

Hans Blix soulignait en avril dernier l’incongruité des négociations qui sont menées avec l’Iran : « C’est une façon de parler semblable à celle employée pour s’adresser à un enfant : d’abord tu obéis, et ensuite tu auras ta récompense. Et ça, je crois que c’est humiliant. Les Iraniens s’y sont opposés en disant non, nous sommes d’accord pour discuter, nous voulons discuter sur la suspension de l’enrichissement, mais nous ne sommes pas d’accord pour suspendre avant les discussions ». Blix souhaite que l’Iran arrête de procéder à l’enrichissement d’uranium, mais juge que la méthode utilisée à l’heure actuelle est « une piètre diplomatie, une piètre façon d’arriver à un résultat ».

Que dit maintenant celui qui est projeté au premier plan de l’actualité des négociations avec l’Iran ? « Nous avons affaire à un dossier très lié à la paix, à la sécurité et à la stabilité régionale au Proche-Orient et c’est pourquoi je demanderai à tout le monde de ne pas se laisser emporter jusqu’à ce que nous soyons parvenus au bout de la procédure » (d’inspection des sites nucléaires iraniens, entamée en février 2003). Mohamed ElBaradei s’est attiré ces dernières semaines les foudres des États-Unis. Le 5 septembre, le quotidien américain Washington Post lui reprochait de vouloir signer une « paix séparée » avec l’Iran, au moment où le conseil de sécurité de l’ONU débat d’une troisième salve de sanctions à l’encontre de Téhéran.

Il a essuyé également une vive remontrance de la secrétaire d’État américaine, Condoleezza Rice, qui juge que « le travail de l’AIEA n’est pas de faire de la diplomatie » et que l’agence devrait se limiter à un rôle « technique ». Monsieur ElBaradei avait, contre le discours de « guerre », opposé que : « Nous devons toujours nous souvenir que l’usage de la force ne peut être envisagé (que quand) toutes les autres options son épuisées. Je ne crois pas du tout que nous en soyons là ». Il avait rappelé simplement que : « Il y a des règles sur l’usage de la force. J’espère que chacun tirera des leçons de la situation en Irak où 700 000 civils innocents ont perdu la vie sur la présomption qu’un pays possède des armes nucléaires ».

Les voix, qui s’opposent à la poursuite des inspections en Iran, accusent le messager de mauvaise foi. Selon l’analyste Mark Fitzpatrick de l’Institut international d’études stratégiques (IISS) à Londres, M. ElBaradei se rend coupable de « couper l’élan d’une dynamique de pression sur l’Iran dans le sens de davantage de sanctions ». « L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) reste encore incapable d’évaluer le caractère pacifique du programme nucléaire iranien », affirme Mohamed ElBaradei qui déplore également le fait que : « l’Iran n’a pas encore suspendu ses activités d’enrichissement et poursuit la construction du réacteur à eau lourde à Arak. Cela est regrettable en dépit des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU appelant l’Iran à adopter des mesures destinées à renforcer la confiance ».

Force est de constater que Mahmoud Ahmadinejad, en se braquant comme il vient de le faire devant l’Assemblée générale des Nations Unies, n’aide pas sa cause en décrétant le dossier du nucléaire iranien « clos » et constituait désormais une question « ordinaire » relevant de l’AIEA. Discours qu’il destinait avant pour les Iraniens. Qu’Ahmadinejad considère personnellement le dossier du nucléaire « clos » est une chose. Que la communauté internationale se refuse à cette perspective en est une chose. Mahmoud Ahmadinejad provoque non plus le Grand Satan mais ses propres alliés : la Chine et la Russie qui refusent obstinément que l’Iran se dote de l’arme nucléaire.

Le président Nicolas Sarkozy, tout en lançant un avertissement sévère à l’Iran, a qualifié, devant l’Assemblée générale des Nations Unies, « d’inacceptable » le fait que Téhéran se dote de l’arme nucléaire tout en ajoutant que « l’Iran a droit à l’énergie nucléaire à des fins civiles ». Il a jouté : « En laissant l’Iran se doter de l’arme nucléaire, nous ferions courir un risque inacceptable à la stabilité de la région et du monde ». Plus tôt, George W. Bush s’était contenté de citer, devant la même assemblée, ces « régimes brutaux (qui) dénient à leur peuple les droits fondamentaux inscrits dans la Déclaration universelle » des droits de l’homme ».

Le diplomate égyptien, Prix Nobel de la Paix en 2005, insiste auprès de la communauté internationale pour laisser à l’AIEA le temps nécessaire (jusqu’à la fin de l’année 2007) pour faire toute la lumière sur les activités nucléaires de l’Iran, conformément à un calendrier négocié le mois dernier avec Téhéran. Selon lui, les experts de l’AIEA doivent poursuivre leurs inspections du programme nucléaire iranien afin de déterminer s’il est ou non strictement pacifique.

Deux questions s’imposent :

a) Est-ce que l’Iran contrevient ou non à ses obligations dans le cadre du Traité de non prolifération (TNP) ? Selon ce traité, la construction d’une usine d’enrichissement d’uranium n’est pas interdite.

b) Pour l’heure, le TNP permet aux États signataires de développer leur capacité nucléaire, à usage civil, en autant qu’ils permettent à l’AIEA d’effectuer des inspections de leurs installations. L’Iran vise-t-il réellement de se doter de l’arme nucléaire, comme le clame Nicolas Sarkozy, alors que l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) ne parvient toujours pas à une conclusion définitive dans ce dossier.

Nous assistons pour l’heure à la répétition du scénario qui a précédé l’invasion de l’Irak et aux mêmes appels à la prudence que lançait Hans Blix devant l’Assemblée générale des Nations Unies. ElBaradei l’explique fort bien : « Je vois d’une part que l’Iran poursuit son enrichissement (d’uranium) sans que nous fassions les vérifications solides qui s’imposent et de l’autre côté les tambours de guerre (de ceux) qui disent qu’en fait, la solution c’est de bombarder l’Iran ». Selon ElBaradei : « L’AIEA n’a pas constaté par exemple d’installations, d’activités d’enrichissement non-déclarées ni de militarisation de leur programme, et elle n’a pas reçu d’informations à ce sujet de la part d’agences de renseignement ».

Malheureusement, ce n’est pas le message qu’attendent les grandes puissances du chef de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), ElBaradei. Hans Blix a payé de sa réputation sa ténacité et ses convictions de défendre la vérité au détriment du mensonge américain. ElBaradei a tout lieu de craindre un nouveau dérapage : « Cette hypothèse me fait frémir parce qu’une partie de la rhétorique utilisée me rappelle celle d’avant la guerre menée par les États-Unis et la Grande-Bretagne contre l’Irak en 2003 ».