Introduction
L’Amérique est humiliée en ce mardi 11 septembre 2007. The Philadelphia Inquirer écrit en éditorial : « Six years after 9/11, it is a shame that Bush's misguided invasion of Iraq is upstaging the discussion the nation ought to have and the actions the nation's leaders ought to be taking » (Six ans après le 11 septembre, c’est une honte de constater que Georges W. Bush a occulté l’opinion publique et n’a pas pris les décisions appropriées).
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Vêtu d'un uniforme portant les quatre étoiles de son grade ainsi que de multiples médailles, le général comparaît devant les commissions réunies des Forces armées et des Affaires étrangères de la Chambre des représentants. Pour celui qui commande 168.000 soldats américains déployés actuellement en Irak, il est évident que, dans le cas d’un retrait trop préventif, l'Iran serait le grand gagnant et qu'il pourrait consolider son influence sur les ressources, voire sur le territoire de l'Irak.
Au deuxième jour de l’audition du général Pretaeus, ce mardi 11 septembre 2007, The Huffington Post, un des blogues les plus puissants aux États-Unis, coiffe son article ainsi : « Plusieurs américains voient dans l’Irak l’échec de l’Amérique ». C’est un désaveu complet, en ce mardi 11 septembre 2007, pour la politique de Georges W. Bush : l’augmentation des troupes en Irak n’a pas mené aux résultats escomptés. Terrible leçon pour l’Amérique : une majorité d’Américains croit que l’histoire retiendra plus de la guerre en Irak qu’elle fut un échec cuisant pour les États-Unis qu’un succès : « more people said they believe history will judge the Iraq war a complete or partial failure than a success ».
Retour sur ce témoignage.
Le lundi 10 septembre 2007
Le général David Petraeus comparaît devant les commissions réunies des Forces armées et des Affaires étrangères de la Chambre des représentants. La chose était à prévoir : le militaire était attendu de pied ferme. Le Congrès n’est pas sans lire le « Washington Post » qui soutient qu’une violente dispute oppose David Petraeus, commandant en chef des forces alliées en Irak, et son supérieur William Fallon, chef du Cenctom. Cette querelle, dont l’objet concerne le retrait plus ou moins progressif des troupes américaines, s’est déroulée lors d’une vidéoconférence organisée à la Maison blanche en présence de George Bush. Le général Petraeus accepte de retirer une brigade (4 000 soldats) en janvier 2008, pour arriver au chiffre de 5 000 hommes en moins en avril, sur les 168 000 actuellement présents. Le général Casey, lui, souhaite ramener la présence américaine de vingt brigades - aujourd'hui - à dix d'ici à la fin 2008. Le « New York Times » évoque la crainte d’une armée américaine — qui peine à recruter — mal préparée à d’autres confrontations, dont une éventuelle avec l’Iran.
Une autre querelle a précédé le témoignage du général David Petraeus. Avant même qu’il ne prenne la parole devant les parlementaires, la querelle entre pro et anti-guerre a pris de l'ampleur mardi avec la publication dans le « New York Times » d'un très polémiste encart publicitaire pleine page. Dans cette pub grand format dans le plus influent quotidien américain, le mouvement anti-guerre MoveOn.org accuse le général quatre-étoiles de « manipuler les faits » au profit de la Maison Blanche. Et d'ironiser sur le nom du militaire : « General Petraeus or General Betray Us? » (« général Petraeus ou général 'nous trahit'? »).
En cours d’audition, un incident est venu perturber le témoignage de David Petraeus. Il a été interrompu à plusieurs reprises par des manifestants pacifistes. Les protestataires du groupe Code Pink ont scandé à maintes reprises « Dites la vérité, général ». Les manifestants ont tous été évacués de la salle.
Selon un sondage de CNN, en août dernier, il est démontré que trois Américains sur quatre soutiennent que le rapport Petraeus ne changera pas leur opinion sur la guerre. Les Américains pourront tester cette donnée statistique au cours des prochains jours. Lors de cette première journée devant le Congrès, accompagné de l'ambassadeur des États-Unis en Irak, Ryan Crocker, le général David Petraeus a assuré avoir constaté « globalement des améliorations au niveau de la sécurité » en Irak. Loin de donner satisfaction aux démocrates qui souhaitent un désengagement américain en Irak, le général David Petraeus valorise, au contraire, les choix du président Bush : « Un retrait prématuré de nos forces aurait probablement des conséquences catastrophiques ».
La riposte est venue immédiatement du président de la commission des Affaires étrangères de la Chambre, Tom Lantos : « Je ne crois pas à cette vision de progrès. L'envoi de renforts militaires en Irak a peut-être créé des succès tactiques. Mais stratégiquement, il a échoué », a-t-il dit, évoquant le peu de progrès politiques réalisés par les responsables irakiens.
Dans son témoignage, l’ambassadeur Crocker a fait cette profession de foi : « J'ai l'intention de démontrer que les États-Unis peuvent atteindre leurs objectifs en Irak et que les Irakiens sont capables de s'attaquer à leurs problèmes et d'y répondre. Il est possible de parvenir à un Irak sûr, stable, démocratique et en paix avec ses voisins. Les développements politiques, économiques et diplomatiques en Irak vont dans la bonne direction, mais le chemin est tortueux. Cela n'ira pas vite. Ce sera irrégulier, ponctué de reculs ainsi que de succès, et cela nécessitera un réel engagement des États-Unis ». Le peuple américain aura-t-il la même patience que son ambassadeur ?
Au soir de cette première journée, éprouvante, le général Pretaeus et l’Ambassadeur Crocker ont donné une entrevue à Fox News. La vidéo se trouve ici et la transcription (anglaise) se trouve là.
Le mardi 11 septembre 2007
Le pessimisme est palpable aux États-Unis. En ce mardi, 11 septembre 2007, The Huffington Post relate l’opinion d’une femme retraitée qui voit dans la politique de Georges W. Bush une terrible erreur de stratégie et d’objectif : « The enemy was in Afghanistan, and I believe going into Iraq we took our eye off the ball » (L’ennemi était en Afghanistan et je crois qu’être allé en Irak nous a fait dévier de notre objectif, a déclaré Anne Bock, 66 ans, enseignante retraitée). Pour beaucoup d’Américains, la guerre en Irak devient de plus en plus insupportable, comme en fait foi cette page du souvenir du San Francisco Chronicles. L’Amérique s’interroge : « Pourquoi perdons-nous la guerre contre le terrorisme ?», titrait The Nation le 6 septembre dernier.
Enfin, il est intéressant de lire l’analyse assez complète que donnaient, en entrevue, Michael O’Hanlon, de la Brookings Institute, et l’historien Richard Kohn, de l’Université de la Caroline du Nord, à Newsweek. Tous deux s’interrogent et répondent aux questions sur cette volonté qu’ont certains parlementaires américains de remettre en question toute la crédibilité du général à quatre étoiles, David Petraeus. Pour Michael O’Hanlon, les attaques contre le général Petraeus ne sont pas fondées et elles reposent essentiellement sur une opération politique en raison de l’impopularité de la présence américaine en Irak. Le général ne fait que son devoir, précise O’Hanlon, et on le lui reproche amèrement. O’Hanlon refuse de blâmer Petraeus pour les seules erreurs de Georges W. Bush.
The Huffington Post fait le recensement de quelques grands éditoriaux américains qui témoignent de leur profond scepticisme à l’égard de la stratégie actuelle du président Georges W. Bush. Pour sa part, le New York Times fait le recensement des déclarations de ces derniers mois sur la situation en Irak. Le tableau est divisé en cinq thèmes et reprend les déclarations tant du général Pretaeus que d’autres intervenants, comme le rapport indépendant du général James L. Jones. Il se dégage de cette lecture un profond scepticisme et une variation incroyable dans l’analyse de la situation réelle en Irak.
Au deuxième jour de l’audition du général David Petraeus devant la Commission des Affaires étrangères de la Chambre des représentants, le Sénateur Joseph R. Biden Jr., qui préside la Commission, s’est dit convaincu, en introduction de la séance du 11 septembre 2007, que la présente stratégie en Irak est mal orientée (he believed the current strategy was misguided). Il a lancé au général Pretaeus cette cinglante réplique : « Nous faisons face à 1000 attaques par semaine, et vous appelez cela un succès ? ». « Qu’allons-nous dire au peuple américain ? Que nous serons en Irak pour cinq, sept ou dix ans encore ? » Le général Pretaeus n’a pu que répondre : « Sénateur, nous sommes sur la défensive. Et en tant que tel, nous devons nous défendre durement ». La Sénatrice démocrate Barbara Boxer a invité le général Pretaeus à enlever ses lunettes roses.
Le Sénateur républicain, Norm Coleman, a lancé : « Americans want to see light at the end of the tunnel » (Les Américains veulent voir venir la lumière au bout du tunnel). Lorsque le Sénateur républicain, Chuck Hagel, a demandé au général Petraeus pourquoi sa vision de la situation en Irak était à ce point différente de plusieurs observateurs, David Petraeus a répondu : « Sur le terrain, il y a 165 000 points de vue qui peuvent diverger les uns des autres au jour le jour ».
L’Ambassadeur Crocker a été mis à mal lorsqu’il a été confronté à une déclaration, rapportée par le New York Times, selon laquelle il aurait prétendu que la chute du gouvernement d’al-Maliki serait une bonne chose : « the collapse of the government of Iraqi Prime Minister Nouri al-Maliki would be a good thing ». Ce que s’est empressé de nier formellement Crocker. Le Sénateur Carl Levin a noté, avec un certain brio, qu’années après années, l’administration Bush a fait état de progrès en Irak et en a appelé à la patience du peuple américain. Mais tout cela n’était qu’une suite de désillusions (litany of delusion).
Le Sénateur républicain John McCain, favorable à la stratégie de Georges W. Bush, s’est montré flamboyant en déclarant qu’un retrait d’Irak signifierait rien de moins que « le chaos, l’élargissement de la guerre et un génocide » (chaos, wider war, and genocide).
Le président de la Commission des Forces armées, le sénateur démocrate Ike Skelton, a eu, à l’égard du général Pretaeus cette remarque qui se voulait conciliante dans les circonstances : « Nous avons devant nous, ce qui est très ironique, le général Pretaeus qui est très certainement l’homme de la situation en Irak. Sauf qu’il est trois ans en retard et avec un déficit de 250 000 hommes » (One of the great ironies of this hearing today is that Gen. Petraeus, who sits here before us, is almost certainly the right man for the job in Iraq, but he’s the right person three years too late and 250,000 troops short).
Georges W. Bush interviendra publiquement très probablement jeudi. Il laisse toute la place, dans l’actualité, aux prestations du général Pretaeus et de l’Ambassadeur Crocker. Pour Kenneth Pollack, expert sur les questions touchant l'Irak auprès de la Brookings Institution, cette stratégie est pertinente. L'administration Bush a, de toute façon, perdu, auprès de la population, toute crédibilité en la matière. Après quatre ans de tergiversations, poursuit Pollack, la population n'a plus la patience et la volonté d'écouter la Maison Blanche lorsqu'il s'agit de l'Irak. Le président compte bien sur le témoignage devant le Congrès des deux intervenants pour infléchir quelque peu l'opinion publique.
Comme le rapporte enfin USA TODAY, la grande majorité des Américains veulent un échéancier pour la réduction des troupes en Irak et une majorité préfère que cette réduction soit échelonnée dans le temps. L’autre groupe d’Américains serait prêt à un retrait progressif des troupes sans échéancier.
La tendance du dernier week-end, tel que le démontre le sondage de USA TODAY, s’établit ainsi : 39 pour cent des répondants souhaite un retrait immédiat des troupes américaines, 23 pour cent croit qu’il faut maintenir les troupes en Irak jusqu’à ce que la situation s’améliore.
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C'était en 2001. Thomas Friedman, du New York Times, analysait la situation du 11 septembre. Une pièce d'anthologie.
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