Le Grand Soir en relaie l’information. Le présent article puisera largement dans ce document du Grand Soir. Dans une enquête très détaillée, « The New Yorker » explique comment la CIA, au nom de la lutte contre le terrorisme, impose à ses prisonniers, à Guantanamo et ailleurs, des modalités de détention inhumaines, en les soumettant notamment à la torture. Les ultimes révélations du New Yorker n’ont en rien ébranlé les certitudes des services étasuniens. Encore moins celles de George W. Bush. Le président des États-Unis vient de légaliser, par décret, le recours à la torture dans « sa » lutte contre le terrorisme. Il met ainsi ses hommes et leurs mandants à l’abri de toute poursuite, fût-elle fondée sur des preuves.
Une source - qui n’est pas nommée dans l’article - aurait pris connaissance du rapport du CICR et affirme que celui-ci qualifie les pratiques que la CIA met en œuvre pour la détention et les interrogatoires des suspects d’« équivalentes à de la torture ». Ces agissements constituent, toujours selon cette source, de « graves brèches » dans les Conventions de Genève. Ils violeraient la loi sur la torture adoptée en 1994 par le Congrès américain. Certains agents auraient d’ailleurs déjà contracté des assurances juridiques pour faire face à d’éventuels procès.
L’enquête détaille les pratiques de la CIA pour amener les suspects à fournir les renseignements utiles dans la lutte dite contre le terrorisme. Pour recouper ses informations, la journaliste a notamment pu se baser sur le témoignage d’un suspect, finalement innocenté et aujourd’hui de retour en Allemagne, qui a subi des sévices faisant penser « aux méthodes utilisées dans Orange mécanique », le roman d’Anthony Burgess.
L’article explore aussi des ressorts inquiétants de l’âme humaine. Ainsi, pris un à un, les sévices ne constituent pas forcément des actes de torture. Celle-ci ne devient effective que par l’accumulation, la durée, l’ampleur et la systématique de ces pratiques. De surcroît, un médecin assiste les tortionnaires.
Les agents de la CIA ont cependant rencontré une difficulté de taille. Leur but est de récolter des informations fiables et exploitables. Or, en brisant la personnalité des prisonniers, ils les ont amenés à confesser des actes qu’ils n’avaient, selon toute vraisemblance, pas commis.
La Maison Blanche s’est refusé à dévoiler la partie « classifiée » du décret interdisant à la CIA de torturer des détenus, qui détaille les moyens « autorisés » pour faire parler un détenu. Autrement dit, la CIA continuera à torturer, mais sous conditions. Ainsi, la technique de la noyade simulée (waterboarding), la privation de sommeil et de nombreuses autres formes de torture ne figurent pas dans la partie du volet public et continueront d’être pratiquées. « Les techniques marchent. Ce n’est pas de la torture, mais c’est efficace. C’est une approche psychologique qui conduit la personne à se sentir en insécurité », a expliqué le directeur du renseignement américain, Mike McConnell. « Cela a sauvé d’innombrables vies, parce que lorsque ceux qui sont interrogés croient que ces techniques d’interrogatoire impliquent de la torture (…) ils ont tendance à parler », a poursuivi Mike McConnell. « La clé de ce décret réside dans ce qui n’est pas dit », a déclaré Jennifer Daskal, conseillère sur le contre-terrorisme à Human Rights Watch (HRW)
« Culturellement et moralement, écrit le Los Angeles Times, l’armée répugne à employer des méthodes d’interrogatoire non orthodoxes”. Après les scandales d’Abou Ghraïb, l’armée a fixé, en septembre 2006, des limites drastiques à ses éléments. Aujourd’hui, l’armée peut se targuer d’être en conformité avec les traités internationaux et de ne plus torturer. La CIA, en revanche, se réserve le droit d’employer des techniques plus brutales. Elle est couverte par les responsables gouvernementaux. Ce nouveau décret lui impose certes des restrictions, mais lui donne aussi le feu vert pour continuer à travailler dans le clair-obscur qui la caractérise ».
Que dire de plus ?
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