jeudi 19 juillet 2007

Georges W. Bush sera-t-il, au Proche-Orient, le messager de la paix ?

Faut-il y voir un élan du cœur ou une tentative de reprendre une « pole position » perdue parmi les leaders de ce monde qui nous gouvernent ? Toujours est-il que le président des États-Unis d’Amérique veut bien maintenant nous parler de paix. « Le monde peut faire plus pour bâtir les conditions de la paix, aussi j’appelle à la tenue d’une conférence internationale cet automne », vient-il de lancer de la Maison Blanche.

M. Bush, qui a appelé les pays arabes à « mettre fin au mythe selon lequel Israël n’existe pas » et à « envoyer des ministres en Israël », n’a pas précisé quels pays arabes participeraient à cette réunion. Il s’est toutefois entretenu avec les dirigeants saoudien, jordanien et égyptien pour évoquer la conférence et réclamer leur soutien envers Mahmoud Abbas.

Dans la conception qu’il veut bien se donner de cet événement majeur, il décide que la secrétaire d’État, Condoleezza Rice, dirigera cette conférence de la paix, qu’elle devra accueillir des représentants d’Israël, des Palestiniens et des représentants des pays « voisins de la région ». Il impose même une condition sine qua non : seuls des pays favorables à la création d’un État palestinien devront participer à cette conférence, a-t-il ajouté lors d’un discours à la Maison Blanche. Israël soutient la proposition du président américain. Combien de pays « voisins de la région » s’opposent à la création d’un État palestinien ?

Monsieur Bush a réaffirmé sa volonté de parvenir à la création d’un État palestinien vivant en paix au côté d’Israël. Il a souligné que les Palestiniens étaient arrivés à « l’heure du choix » entre la vision d’Abbas et celle du Hamas. Il faut bien remarquer la nuance des deux visions : celle de Mahmoud Abbas, un allié, et celle du Hamas, un ennemi.

Sont-ce bien les Palestiniens qui doivent obligatoirement passer par cette « heure du choix » ou ne serait-ce pas plutôt le président des États-Unis qui voudrait bien laisser, à la postérité, l’héritage du règlement de la question israélo-palestinienne ?

Au lieu d’unir, il semble que le discours de Georges W. Bush aurait pour conséquence de creuser davantage la division entre les frères palestiniens. Il ne suffit pas de se donner des prétentions drapées de bonne volonté pour mener à terme ce long conflit au Proche-Orient : « J’apporterai un soutien diplomatique aux parties dans le cadre de leurs discussions et négociations bilatérales, de sorte que nous puissions progresser sur la voie fructueuse d’un État palestinien ».

Comme l’indique volontiers Le Monde : « depuis que les islamistes du Hamas ont pris le contrôle de la bande de Gaza, il y a un mois, les pays occidentaux ont resserré leurs liens avec le gouvernement de crise constitué par le président Mahmoud Abbas. Leur espoir est d’isoler le Hamas, inscrit sur la liste américaine des organisations terroristes, et de rouvrir un espace à des négociations de paix avec Israël ». Mahmoud Abbas de même que le Premier ministre israélien, Ehud Olmert, se sont félicités de cette initiative.

Israël est d’accord avec l’idée d’une participation notamment des pays arabes modérés qui soutiennent le processus de paix. Pour le Hamas, qui a évidemment réagi à cette initiative : « Cette conférence va permettre de renforcer les pressions exercées sur Mahmoud Abbas pour qu’il fasse plus de concessions et séparera encore plus profondément la bande de Gaza de la Cisjordanie tout en semant la division entre Palestiniens ».

L’initiative du président Georges W. Bush ne fait pas l’unanimité aux États-Unis. Des rapports des services secrets américains, révélés par le Washington Post, ont versé à nouveau de l’huile sur le feu. Car selon les agents secrets américains, la position de Mahmoud Abbas est instable, voire inquiétante, même dans son bastion en Cisjordanie. Selon Stefanie Schüler, de RFI, qui analyse plus à fond cette proposition, le souci des spécialistes américains concerne, au premier chef, le fait que Mahmoud Abbas ne règne pas militairement en Cisjordanie. Sans la présence massive de troupes israéliennes, le président palestinien ne serait plus en mesure de contrer les tentatives du Hamas pour infiltrer ce territoire palestinien. Selon l’un des rapports des services de renseignements, M. Abbas ne contrôle pas non plus les différents groupes armés, même si ceux-ci font partie de sa propre famille politique. C’est le cas des Brigades des martyrs d’al-Aqsa, branche armée du Fatah : « Le Fatah affronte en ce moment de sérieux défis pour gouverner la Cisjordanie. Ce sont les opérations militaires d’Israël qui empêchent aujourd’hui les activités du Hamas. Au mieux, Mahmoud Abbas peut influencer mais en aucun cas contrôler les membres des Brigades des martyrs d’al-Aqsa. Ce sont pourtant eux qui ont le pouvoir dans les rues de plusieurs ville en Cisjordanie », estime un responsable des renseignements américains sous couvert d’anonymat dans les colonnes du Washington Post ».

Allons-nous vers deux Palestine ? Une islamique, gouvernée par le Hamas. L’autre, dirigée par le Fatah de Mahmoud Abbas. Qu’auront gagné les États-Unis et Israël ? Et cet appui des États-Unis n’aura-t-il pour effet d’exacerber les tensions déjà très vives au Proche-Orient : nombreux sont les Palestiniens qui voient, comme l’indique Stefanie Schüler, dans le chef de l’Autorité palestinienne un « traître » de la cause palestinienne et qui le qualifient de « collaborateur » pour accepter le soutien international, notamment des États-Unis et d’Israël.

Il convient de faire un bref rappel des conclusions du rapport qui devait rester confidentiel du coordinateur spécial de l’ONU pour le processus de paix au Proche-Orient, Alvaro de Soto. Il remettait sérieusement en cause le soutien américain à l’isolement du Hamas : « les Américains ont poussé à une confrontation entre le Hamas et le Fatah », concluait-il.

L’ex président Républicain du parlement, aux États-Unis, Newt Gringrich, déclarait en juin dernier que la victoire du Hamas est une défaite dans la IVème guerre mondiale que les USA mènent contre l’Islam radical. Il faut réagir, dit-il. Éradiquer le Hamas et le Hezbollah. Jeter en prison tous ceux qui s’opposent à la politique américaine. Contrôler la population en administrant directement les aides internationales et les établissements d’enseignement. Nous n’en sommes même pas au début, conclut-il, mais nous savons que ce qui nous attend, c’est une vraie guerre.

Newt Gringrich poussait plus loin son analyse de la crise du Proche-Orient : « Israël a eu un pouvoir énorme sur Gaza durant 40 ans. Les Nations Unies ont géré les camps depuis 1949 avec des résultats désastreux qui ont conduit à un accroissement massif de la population, un chômage considérable, une profonde amertume, et qui produit des entrepreneurs en terrorisme plutôt que des entrepreneurs en création de richesse. Michael Oren a relevé que depuis 1993 l’Autorité Palestinienne a "bénéficié de plus d’aide internationale qu’aucune autre entité durant l’histoire moderne - et davantage par personne que les états européens durant le plan Marshall." Malgré tous ces avantages, la vieille organisation terroriste "raisonnable" a été détruite par la nouvelle génération du Hamas, plus militante et plus féroce. C’est une victoire insigne pour l’Iran et une défaite pour les USA, Israël et les soi-disant gouvernements arabes modérés » (Washington Times, 26 juin 2007).

Cet appel de Georges W. Bush, très affaibli aux États-Unis, sera-t-il suivi d’effets ? Ehud Olmert, en situation de survie dans son pays, pourra-t-il compter sur les alliances stratégiques des autres partis de son gouvernement pour lui permettre, dans le jeu des négociations, de gagner et de perdre des points au profit d’une paix durable ? Mahmoud Abbas peut-il être encore, après la scission avec le frère du Hamas, un rassembleur et celui par qui passera la création d’un État palestinien ? Un pays pour la Palestine est-il réalisable en mettant de l’avant cette politique des États-Unis qui veut que, parallèlement à ses efforts destinés à renforcer la position de M. Abbas, véritablement retranché en Cisjordanie, la Maison Blanche puisse continuer à vouloir isoler politiquement le gouvernement du Hamas qui contrôle depuis le 15 juin la totalité de la bande de Gaza ?

Peut-on en définitive ignorer que « les Iraniens, les Syriens et le Hezbollah libanais ne veulent pas voir la stratégie de l’Occident et notamment des États-Unis réussir. Et ils ont tous un potentiel énorme pour la faire échouer très vite », comme l’explique Bruce Riedel, ancien agent de la CIA et analyste du Proche-Orient ? Pour l’ancien membre des services secrets et expert du Proche et Moyen-Orient, Paul Pillar : « l’actuelle stratégie (du gouvernement américain) est basée sur la fausse hypothèse que des efforts suffisants pour isoler le Hamas vont le faire disparaître. Mais le Hamas ne va pas disparaître » (RFI).

Plusieurs commentateurs pointent les risques de cette nouvelle stratégie de Georges W. Bush, qui peut faire passer Abbas pour un dirigeant inféodé à Israël et Washington et le décrédibiliser aux yeux de son peuple. « Je ne vois pas comment quoi que ce soit de sérieux pourrait être accompli sur le front diplomatique tant que la stratégie visant à isoler le Hamas sera maintenue », estime ainsi Shibley Telhami, spécialiste du Proche-Orient à l’Université du Maryland (Le Monde).

Lors de la nomination de Tony Blair au sein du Quartette sur le Proche-Orient, les Nations-Unies avaient précisé leur point de vue sur la région : « Il doit y avoir deux États : un Israël confiant dans sa sécurité et des Palestiniens avec un État viable, pas seulement en termes de territoire, mais aussi d’institutions, de capacité ». Les Nations-Unies ont donc confié à l’ancien premier ministre britannique le mandat d’ouvrir la voie à « un règlement négocié en préparant les Palestiniens à bâtir les institutions et l’économie d’un État viable à Gaza et en Cisjordanie ». Pourquoi le président des États-Unis n’a-t-il pas annoncé cette conférence de la paix en présence du nouveau délégué du Quartette ? Les États-Unis, qui voient la mission de M. Blair comme un travail préparatoire à l’établissement d’institutions viables pour les Palestiniens, sont réticents à lui définir une mission politique. Il y a 15 jours, ils s’étaient montrés peu enclins à permettre à M. Blair de dialoguer avec le Hamas. Or, 10 ministres européens des Affaires étrangères ont récemment enjoint le nouvel émissaire du Quartette d’élargir son mandat pour débloquer le processus de paix. Monsieur Blair pourrait assister, semble-t-il, à cette rencontre placée sous l’autorité de Condoleezza Rice.

En conclusion, comment cette conférence de la paix, rameau d’olivier dans une main, exclusion dans l’autre, pourra améliorer le sort du peuple palestinien et assurer au peuple d’Israël de vivre en paix ? Georges W. Bush en possède-t-il seulement la clé du mystère ?

Sources : AFP, Cyberpresse, Libé, Le Monde, Reuters, RFI, Washington Times.

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