mercredi 18 juillet 2007

Les Sages serviront-ils l'État ou le Président ?

Préambule


Le président de la République française, fort de son mandat confié par la population, à deux reprises, lancera officiellement cet après-midi, à 15 heures, une réforme des institutions. La présidence du Comité de réflexion sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Vème République sera confiée à l'ancien Premier ministre, Édouard Balladur, et un rapport devra être remis le 1er novembre prochain. Jack Lang et Pierre Mazeaud ont été pressentis pour assumer une vice-présidence commune. Comme nous le verrons, que de déclarations ont été faites avant même cette annonce officielle. Le comité, composé de treize « Sages », devrait, comme le souhaite le président de la République, suivre plusieurs pistes de réflexion :




  • accroissement des responsabilités du président,

  • renforcement des pouvoirs du Parlement,

  • statut de l'opposition,

  • encadrement des nominations pour les postes de haute responsabilité.



Outre le président et le vice-président, le Comité de réflexion sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Vème République sera composé des membres suivants :




  • Guy Carcassonne, professeur de droit public et ancien conseiller de Michel Rocard,

  • Olivier Duhamel, professeur de droit constitutionnel et ex eurodéputé socialiste,

  • Olivier Schrameck, conseiller d'État, qui fut directeur de cabinet de Lionel Jospin,

  • Jean-Louis Bourlanges, député européen UDF,

  • Jean-Claude Casanova, économiste, ex-conseiller de Raymond Barre,

  • Anne Levade, Bertrand Mathieu, Denys de Béchillon, Jean-Louis Bourlanges, professeurs de droit, et le philosophe Luc Ferry.



Le comité n'est pas encore lancé officiellement qu’un des vice-présidents pressentis, monsieur Jack Lang, annoncent publiquement les orientations qu’il souhaite donner aux travaux de ce comité :




  • accroissement des responsabilités du président,

  • renforcement des pouvoirs du Parlement,

  • statut de l'opposition,

  • suppression du poste de Premier ministre,

  • limitation à deux du nombre des mandats présidentiels.



Pour le secrétaire général de l'UMP Patrick Devedjian, et cité par Le Monde, Jack Lang « a bien fait d'accepter » de siéger au sein de la commission sur la réforme des institutions voulue par Nicolas Sarkozy car « il ne renonce à rien ». Toujours selon Le Monde, Patrick Devedjian a évoqué la possibilité d'« obliger les parlementaires à avoir un minimum de présence pour recevoir leur rémunération mensuelle », afin de mettre fin à l'absentéisme sur les bancs de l'Assemblée. Il a également souligné que M. Sarkozy considérait comme « pas indispensable de rester président du Conseil supérieur de la magistrature ». M. Devedjian a imaginé aussi le fait que le Premier ministre ne soit plus président du Conseil d'État.


Analyses et observations


Permettez-moi de vous proposer quelques observations face à la mise sur pied, par le président, de ce comité de treize Sages.


La création de ce comité de Sages, rendue officielle cet après-midi, à 15h, est déjà précédée de déclarations émanant de plusieurs sources : la présidence, l’UMP et de l’un des vice-présidents. Le président Nicolas Sarkozy indique, comme c’est son droit, des pistes qu’il souhaiterait voir explorées par le dit comité des sages. L’un des vice-présidents, Jack Lang fait état de ses priorités publiquement, confirmant les propos du Secrétaire général de l’UMP, lequel indique, au nom du président de la République, des avenues que devrait prendre en compte le même comité de Sages. Et ces avenues sont claires au point que ce ne sont plus des hypothèses que devront explorer les membres du comité mais des positions à entériner.


Monsieur Jack Lang explique en ces termes sa participation au comité des Sages : « La constitution n'appartient ni à un clan, ni à un parti, et chacun d'entre nous, quelle que soit sa famille de pensée, a le devoir d'apporter sa pierre à la refondation de notre constitution ». Par la même occasion, il plaide, avant même que ne débutent les travaux du comité, pour un « vrai Parlement maître de son ordre du jour » et « libéré des entraves sur son droit d'amendement ». Il est aussi favorable à la « suppression de l'article 49/3 », qui permet au gouvernement d'engager sa responsabilité sur un texte, « sauf pour les lois financières ». Il se dit aussi favorable à une « démocratisation » du Sénat. M. Lang estime que les membres des hautes autorités indépendantes, comme le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), ne doivent plus être désignés par l'exécutif mais « à une majorité des trois cinquièmes par le Parlement ».


Nicolas Sarkozy, à Épinal (Vosges), a montré clairement qu’il favorise un régime où « le président gouverne » et « vient rendre compte devant le Parlement » au moins une fois par an. Le chef de l'État a d'emblée limité la portée des travaux de ce comité.


Pendant que le président, Nicolas Sarkozy, poursuit ses consultations et sa démarche, le chef de file des députés UMP à l'Assemblée nationale Jean-François Copé annonce la mise en place de trois groupes de travail, dont un sur l'évaluation et le contrôle de l'action gouvernementale par le Parlement. Et de son côté, le président de l'Assemblée, Bernard Accoyer, confirme son intention de mettre en place un groupe de travail composé uniquement de députés pour « s'associer à la réflexion » du comité Balladur, qui a suscité quelques sarcasmes avant-même que sa composition ne soit totalement connue.


Conclusions


Pour un observateur étranger, il est bien difficile de comprendre le cheminement des affaires gouvernementales, à l’issue d’autant de déclarations émanant des pouvoirs publics et partis politiques. Cette promiscuité et ces chevauchements de responsabilités pourraient générer des malentendus graves. La population est-elle bien servie ?


Encore une fois, nulle part, nous ne voyons une quelconque prise de position du Premier ministre.


Où sont et que feront les Sages au sein du Comité de réflexion sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Vème République si ce n’est de répondre à une commande précise du président, Nicolas Sarkozy, et de lui donner pleinement satisfaction ? De quelle crédibilité, si ce n’est la notoriété de chacun, jouira ce comité ? Pourquoi les Sages se prêtent-ils à pareil exercice ?


C’est à n’y rien comprendre.


Rémi Lefebvre, professeur de sciences politiques à l'université de Reims, qui accordait une entrevue au NouvelObs, répondait en ces à la question de Baptiste Legrand :


Q. Jack Lang n'a-t-il pas accepté de participer à un comité qui sera seulement amené à valider des choix déjà pris par Nicolas Sarkozy ?


R. C'est l'éternelle question. Mais dans la commission, on trouve des personnalités comme Olivier Schrameck, ancien directeur de cabinet de Lionel Jospin à Matignon, et le constitutionnaliste Olivier Duhamel, qui s'est rallié à l'idée d'une VIe République. On peut penser qu'avec Jack Lang, ils pourront faire entendre une voix propre. Cependant, dans un contexte de saturation médiatique, l'annonce que Jack Lang participera au travail de la commission compte bien plus, pour Nicolas Sarkozy, que les conclusions que la commission pourra rendre.


La patience est de rigueur. Ce ne sera qu'aujourd'hui mercredi que la population pourra en savoir un peu plus. Il faut souhaiter toutefois qu'il y ait bon ordre dans les déclarations émanant de partout et de nulle part. Le site du président nous informe que :




Le Président de la République installera le comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la V ème République mercredi 18 juillet 2007 à 15 H. Ce comité, composé de personnalités politiques et des constitutionnalistes d'horizons divers, sera présidé par M. Edouard BALLADUR. Cette réunion sera suivie d'une conférence de presse conjointe du Président de la République et M. Edouard BALLADUR.




Mais qu'auront-ils donc à dire de nouveau qui n'ait pas encore été relayé par les médias ?


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