Le Conseil des droits de l’homme de l’Organisation des Nations Unies, présidé par Luis Alfonso de Alba, a, en début de semaine, ouvert les travaux de sa cinquième session en se penchant sur l'indépendance de la justice et le racisme.
M. Doudou Diène est le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l'intolérance qui y est associée. Monsieur Diène a mis en relief, dans son rapport, deux manifestations croissantes de la banalisation du racisme
- la lecture ethnique et raciale des questions politiques, économiques et sociales ;
- le traitement idéologique et politique de l'immigration comme un enjeu sécuritaire et comme une menace à l'identité nationale.
Le Rapporteur spécial a, la veille de sa fête nationale, épinglé la Russie en déplorant une dynamique profonde de racisme et de xénophobie qui s'articule autour de la multiplication d'incidents et de crimes racistes, et de l'extension de cette violence aux membres d'organisations de défense des droits de l'homme, aux intellectuels et étudiants engagés dans le combat contre le racisme. La perpétuation de la violence raciste et xénophobe constitue la menace la plus grave à l'approfondissement d'un processus démocratique dans la Fédération de Russie. L'approche sécuritaire dominante de la question de l'immigration ainsi que l'association croissante entre minorités ethniques et religieuses, d'une part, et criminalité, de l'autre - justifiée par le « combat contre le terrorisme » -, apportent une légitimité à la rhétorique et à la violence racistes et xénophobes. La Fédération de Russie dispose, pourtant, pour lutter contre cette montée du racisme et de la xénophobie, de deux atouts majeurs, que sont le maillage multiethnique profond de la société, qui structure en profondeur son identité multiculturelle, et l'héritage historique du combat contre le nazisme.
M. Valery Loshchinin, représentant de la Fédération de Russie au Conseil des droits de l'homme, a expliqué qu'en invitant M. Diène, son pays considérait que le but de sa visite devait être de faire une analyse sérieuse et impartiale de la situation du racisme et de la xénophobie en Russie. « Malheureusement, nos attentes n'ont pas été confirmées », a-t-il regretté. « Le rapport est politisé et partial. Et les informations soumises par les diverses instances officielles n'ont pas été prises en compte. Les quelques pages consacrées à une description, dite officielle, de la situation dans le pays prend surtout en compte des présentations effectuées par des organisations non gouvernementales et sont éloignés de la réalité des faits en Russie », a-t-il poursuivi. Il a à cet égard estimé que les tentatives de décrire la situation et de présenter l'histoire de la Russie sont restées superficielles. « Nous ne pensons pas être parfaits », a-t-il poursuivi, « mais parler d'une crise économique et sociale en Russie alors que la situation est stable est exagéré».
Mme Tehmina Janjua, du Pakistan, au nom de l'Organisation de la conférence islamique, s'est inquiétée de la résurgence de la violence raciste, de la résistance intellectuelle et politique au multiculturalisme, du rejet de la diversité, et de la hiérarchisation des libertés fondamentales, et en particulier celle qui place la liberté d'expression au-dessus des autres et notamment de la liberté de religion. Elle s'est dite préoccupée par le retour du racisme et de l'islamophobie et sur l'actuelle tendance à associer l'Islam avec la violence et le terrorisme et les mesures de stigmatisation prises à l'égard des musulmans.
Il y a moins de deux semaines, le président russe Vladimir Poutine avait accusé l'Occident de pratiquer le deux poids deux mesures sur les droits de l'homme à l'issue de ses entretiens à Moscou avec le Premier ministre portugais José Socrates, dont le pays exercera la présidence de l'Union européenne à partir du 1er juillet. « La peine de mort dans certains pays occidentaux, les prisons secrètes et la torture en Europe, les problèmes avec les médias dans certains pays européens, les lois sur l'immigration dans certains États européens qui ne correspondent pas aux normes du droit international : est-ce que ce sont également des valeurs communes », avait lancé M. Poutine en conférence de presse. « Parlons franchement dans ce domaine (...) sans arrogance, comme des partenaires », a-t-il ajouté.
George W. Bush avait, avant la tenue du G8, été assez critique à l'égard de Moscou jugeant que les sociétés libres et démocratiques se développent « à des vitesses différentes en différents endroits » et qu'elles doivent refléter la culture et les usages locaux. Mais il avait rappelé que certaines valeurs sont universelles pour toutes les démocraties, fustigeant les pays qui ne les respectent pas. M. Bush avait assuré que les critiques sur la Russie n'étaient qu'une facette d'une relation forte entre Moscou et Washington. « L'Amérique peut maintenir une amitié et pousser en même temps une nation vers la démocratie ».
Autre fait à noter, monsieur Doudou Diène, dans son rapport au Conseil des droits de l’homme, ne s’est guère gêné pour lancer une allusion sur la politique d’immigration de la France : « L’exemple de la banalisation du racisme […] vient d'être donné par la France avec la création d'un Ministère spécifique à cet égard », a souligné monsieur Diène. Il a « plaidé pour la participation et la représentation des minorités ethniques culturelles et religieuses au processus décisionnel dans la vie politique, culturelle et économique afin de mettre un terme aux deux expressions centrales de la discrimination dont elles sont victimes : l'invisibilité et le silence ».
Louise Arbour, après avoir été juge à la Cour suprême du Canada, occupe maintenant les fonctions de Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme. Elle a indiqué s'être rendue au Kirghizistan, au Tadjikistan, au Kazakhstan et au Turkménistan, ainsi que dans la région des Grands Lacs en Afrique. Elle s'est notamment réjouie de la création prochaine d'un bureau régional du Haut-Commissariat à Bishkek, au Kirghizistan. Dans les pays du Kirghizistan, Tadjikistan, Kazakhstan et du Turkménistan, Madame Arbour a indiqué avoir rencontré sur place les chefs de gouvernements ainsi que des représentants des Nations Unies et de la société civile. Elle s'est notamment réjouie de la création prochaine d'un bureau régional du Haut-Commissariat à Bishkek, au Kirghizistan. Pour madame Arbour, il convient toutefois de trouver un meilleur équilibre entre pouvoir exécutif d'un côté et pouvoirs judiciaire et législatif, de l'autre, a-t-elle souligné, précisant que ces deux derniers sont trop faibles pour assurer une application effective des droits de l'homme.
Mme Arbour a notamment fait état de la persistance d'informations de mauvais traitement et de torture dans l'ensemble de la région, ainsi que des restrictions à la liberté d'expression et d'association qui y entravent la participation démocratique. « Des institutions nationales de droits de l'homme indépendantes et efficaces sont nécessaires », a souligné la Haut-Commissaire. Tout en saluant les progrès réalisés par chacun des gouvernements concernés pour ce qui est de s'acquitter de leurs obligations internationales, elle a indiqué que « ces gouvernements devraient approfondir leurs engagements, notamment en garantissant l'accès aux mandataires des procédures spéciales ».
La corruption du système judiciaire
« Dans toutes les régions du monde, les responsables de la justice courent des risques : ils sont victimes de harcèlements, d'intimidations, de dénis, de menaces, voire parfois de disparitions forcées », a déclaré le Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et des avocats, M. Leandro Despouy. Force est, selon ce dernier, de constater que certaines circonstances d'ordre institutionnel affectent le pouvoir judiciaire, tels que la corruption de ce pouvoir, la lenteur de la justice ou encore l'inégalité dans l'accès à la justice.
Monsieur Despouy s’est vivement inquiété du jugement de civils par des tribunaux militaires qui revêt la plus grande gravité. Il a en outre relevé que les États ne respectent pas souvent le principe de non-refoulement des personnes qui encourent des risques de violations des droits de l'homme. Une déclaration d'état d'exception est souvent source de graves violations de droits de l'homme. Le plus grand nombre de violations - et, qui plus est, parmi les plus graves - est souvent constaté dans les situations de crise. M. Despouy a donc proposé l'élaboration d'une déclaration internationale qui consacrerait l'ensemble des principes et pratiques existants et qui aurait pour objet de garantir le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales en période d'état d'exception.
En matière de justice internationale, M. Despouy a notamment fait part de ses réserves sur certaines décisions de la Cour pénale suprême iraquienne et sur la capacité de cette instance de prononcer des peines de mort ou encore de l'impact de l'insécurité et de la violence régnant sur le déroulement des procès. Compte tenu de la dégradation dramatique de la situation en Iraq, et de la sentence prononcée par la Cour pénale suprême d'Iraq, le Rapporteur spécial réitère les critiques qu'il avait formulées en octobre 2006 devant l'Assemblée générale, et il recommande que l'Organisation des Nations Unies participe à la constitution d'un tribunal indépendant respectueux des normes internationales en matière de droits de l'homme.
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