lundi 25 juin 2007

« Les femmes américaines ne veulent plus de Bush pour gouverner le pays »

Courrier International, reprenant une analyse de Newsweek, titre : « les femmes ne veulent plus de Georges W. Bush pour gouverner le pays ». « Je ne m'attendais pas à ce que Bush soit capable de mener à bien une politique de santé ou d’éducation, je pensais par contre qu'il savait faire la guerre, or il a perdu sur tous les tableaux », confirme Ann Lewis, responsable de la communication au Parti démocrate. La politique de santé et plus particulièrement l’accès aux médicaments pour le troisième âge est un désastre. Les femmes n’y croient plus du tout. Aux yeux des femmes, seule l’élite est favorisée par les mesures prises depuis quatre ans par le gouvernement actuel.


Hormis ce désaveu des femmes américaines, force est de convenir que, dans la vie du président américain, tout ne va pas très bien. Selon un sondage publié par l'hebdomadaire Newsweek, sa cote de popularité a atteint un nouveau niveau historique, faisant du 43e président des États-Unis le plus impopulaire depuis Richard Nixon. En janvier 1974, sept mois avant sa démission, Nixon ne pouvait compter que sur 23% d'opinion favorable.


Fait plus grave : la lutte contre le terrorisme, priorité numéro un de l'administration Bush, vient de basculer dans le camp des insatisfactions. 50% des Américains désapprouvent la politique de leur président en matière de terrorisme.


Mince consolation pour le président américain, le congrès démocrate va de mal en pis : selon un sondage Gallup, il n'y aurait que 14% des Américains qui font confiance au Congrès, dominé par une majorité démocrate, le plus bas score jamais enregistré par cet institut, tandis qu'un groupe de 32% se dit satisfait de l'action du président George W. Bush. Newsweek, pour sa part, n’évaluait qu’à 26% les américains qui se disent satisfaits de M. Bush. Sa politique concernant l'assurance-maladie est approuvée à 28%, et désapprouvées à 61%. Quant à l'immigration, 23% des Américains interrogés sont d'accord avec son action, et 63% contre.


« Les Américains sont mécontents de nous, démocrates et républicains, parce que nous ne faisons pas avancer les choses », constate le chef de la majorité démocrate au Sénat, Harry Reid. La majorité démocrate (qui repose sur l’ajout de deux indépendants) ne garantit pas à ce parti la marge de manœuvre nécessaire pour mener à terme ses réformes dont celle sur l'immigration et pour imposer une date de retrait des troupes américaines que le président américain refuse catégoriquement. Il faut 60 voix pour faire adopter une loi et bloquer l'opposition.


 


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Voici une revue de dix dossiers embarrassants avec lesquels devra composer le président américain jusqu’aux prochaines élections de 2008.


Premier dossier embarrassant : Guantanamo. John Bellinger est le conseiller juridique du Département d’État. À son avis, fermer Guantanamo est plus facile à dire qu’à faire. Il répondait à Colin Powell qui avait estimé que si cela ne tenait qu’à lui, Guantanamo serait fermé « pas demain mais cet après-midi ». Le problème semblerait, selon ce qu’explique John Bellinger, de taille : « Les pays critiquent et se plaignent volontiers sur Guantanamo, mais peu ont accepté d’aider à le fermer. Beaucoup de pays ne veulent pas reprendre leurs ressortissants et seule l’Albanie a accepté de recevoir des détenus Ouïgours ». Que faire des quelque 375 prisonniers ?


Pour Amnesty International, la solution consiste à : « inculper les détenus de crimes reconnus et les traduire devant des tribunaux civils ordinaires, ou les libérer en s’assurant qu’ils ne subiront pas de mauvais traitements supplémentaires ». Madame Condoleezza Rice est on ne peut plus claire sur la question : « Les États-Unis n'ont pas l'intention de devenir les geôliers du monde ». Rien n’est simple dans l’entourage du président Georges W. Bush : l'administration Bush est totalement divisée sur la question de Guantanamo. Le vice-président Cheney et ses alliés s’opposent au fait que ce transfert conférerait à des prisonniers des droits qu’ils ne méritent pas. Selon son opinion : « la chose importante à retenir est que les gens qui sont à Guantanamo sont des personnes mauvaises ».


Le lieutenant-colonel Stephen Abraham a travaillé de septembre 2004 à mars 2005 au bureau des Commissions de révision du statut (CSRT) à Guantanamo, comme agent de liaison avec les services de renseignement et comme juge. Il dénonce la procédure administrative sur le statut des détenus de Guantanamo, dans un document de justice rendu public la semaine dernière. Un jour, le lieutenant-colonel Abraham a été désigné juge d'une CSRT en compagnie de deux officiers de l'armée de l'air : "Dans ce qui nous a été présenté comme un exposé précis des faits, il n'y avait même pas la plus infime trace d'une preuve objectivement crédible". C'est ce témoignage que les avocats de dizaines de détenus de Guantanamo ont déposé devant la Cour suprême pour dénoncer leur détention sans inculpation.


Deuxième dossier embarrassant : les cellules souches. Monsieur Bush semble gouverner maintenant en imposant son veto présidentiel. La question des cellules souches a fait l'objet de son deuxième veto présidentiel dans ce domaine en 11 mois. Pourtant, ce projet de loi sur le financement de la recherche embryonnaire était, selon des sondages, approuvé par plus de 60% des électeurs américains en tant que moyen de combattre de nombreuses maladies. C'est la troisième fois depuis l'année dernière que le président Bush oppose son veto à une loi votée par le Congrès. « J’ai clairement fait savoir au Congrès et au peuple américain que je ne permettrai pas à notre pays de passer outre cette barrière morale. L’an dernier, le Congrès a adopté un projet de loi semblable et comme promis, j’y ai mis mon veto. Aujourd’hui je tiens de nouveau ma promesse et j’oppose mon véto à cette législation », a dit le président des États-Unis.


Monsieur Bush ignore ou feint d’ignorer que, d'après une étude menée par des chercheurs du centre médical de l'Université Duke et de celle Johns Hopkins, le nombre d'embryons potentiellement disponibles pour la recherche en la matière pourrait être dix fois plus élevé que les estimations précédentes, ce qui signifie une augmentation de 100 fois du nombre de cellules souches pouvant être utilisées dans les recherches financées par l'État.


« Nous voyons là une fois de plus que le président fait passer l'idéologie avant la science, la politique avant les besoins de nos familles, nous voyons une fois de plus combien lui et son parti sont désormais en rupture avec la réalité », a déclaré la sénatrice Hillary Clinton, qui mène actuellement la course présidentielle chez les démocrates.


Troisième dossier embarrassant : le départ des troupes d’Irak. En matière d'affaires étrangères, la politique du président en Irak est sévèrement critiquée : « Il est responsable de la guerre, il a commencé la guerre, il a mal géré la guerre et il refuse de mettre fin à la guerre », résumait Hillary Clinton lors d'un débat télévisé début juin. Fait à noter toutefois, madame Clinton qui a voté pour la guerre ne s’en excuse nullement auprès des Américains car, dit-elle, elle a voté sur la bonne foi des informations fournies par le présent.


Le général David Petraeus, le commandant américain à la tête des forces américaines en Irak, vient de lancer un pavé dans la mare du président Georges W. Bush, au cours d'un entretien à la télévision de Fox News. Il a tout bonnement rejeté toute conception que l’armée américaine aura réussi à pacifier l’Irak avant septembre prochain, le moment où l’ambassadeur américain à Bagdad Ryan Crocker et lui-même devront présenter un rapport d’étape au Congrès américain. Parlant de Bagdad, le commandant américain a déclaré : « Presque tous reconnaissent qu’une situation comme celle-là, avec les très nombreux défis que doit relever l’Irak, ne sera pas résolue en une année, ni même deux. En fait, typiquement, je pense de façon historique, les opérations de contre-insurrection ont duré au moins neuf ou dix ans. La question est, bien sûr, avec quelle intensité ».


Le porte-parole de la Maison-Blanche a minimisé les propos du général Petraeus en décrivant ces déclarations comme l'énoncé d'une « doctrine standard quand il s'agit de lutte contre l'insurrection » : « Cela ne veut pas dire qu'on a des gens en position de combat offensive pendant dix ans ». D’aucuns observent que les plans sont faits pour une occupation indéfinie du pays riche en pétrole.


Quatrième dossier embarrassant : le projet américain de défenses anti-missiles. Notons enfin que le projet américain de défenses anti-missiles contre les « États voyous » comme l'Iran, semble montrer du plomb dans l’aile. Jacques Hubert-Rodier note, pour Les Échos, qu'une analyste, Victoria Samson, du Center for Defense Information, s'interroge sur la précipitation d'étendre le système à des alliés alors que le système aux Etats-Unis n'a pas fait encore ses preuves. Car il y a une particularité au projet cher au président George W. Bush : celle de ne pas être soumis aux autres contraintes sur les tests et sur l'efficacité que les autres programmes militaires américains. Ce qui donne l'impression d'un brutal emballement de la machine bureaucratique. Le General Accounting Office (GAO), équivalent d'une Cour des comptes du Congrès américain, soulignait que le programme avait donné des résultats, mais « moindres et à un coût élevé ».


Cinquième dossier embarrassant : le Proche-Orient. Sur la question du Proche-Orient, le Péruvien Alvaro de Soto, coordinateur spécial des Nations unies pour le processus de paix au Proche-Orient a remis son dernier rapport, qui s’étale sur 50 pages, au secrétaire général de l’ONU le 5 mai, avant de quitter la scène professionnelle. Ce « rapport de fin de mission » énumère des constats additionnés tout au long des deux dernières années par un acteur de premier plan de la scène diplomatique proche-orientale. Alvaro de Sotos reproche aux États-Unis d’avoir « poussé à une confrontation entre le Hamas et le Fatah », et il cite un diplomate américain qui lui confie « J’aime cette violence », alors les heurts palestiniens fratricides se développent. Quant à l’Onu « il y règne une sorte de réflexe conditionné, pour toute situation où l’Onu doit se prononcer, de se demander d’abord comment Israël et les États-Unis réagiront plutôt que de réfléchir sur quelle proposition il est plus juste de prendre », écrit l’ex-coordinateur spécial des Nations-Unies. Cette obstination américaine a précipité l’échec du gouvernement d’union nationale palestinien et ruiné l’offre de paix globale de la diplomatie saoudienne, qui prévoit une normalisation totale des pays arabes avec Israël en échange de la création d’un État palestinien sur la base des frontières de 1967. M. de Soto estime dorénavant de plus en plus difficile, voire « impossible », la création d’un État palestinien. Il dénonce « la prison à ciel ouvert » qu’est devenue la bande de Gaza.


Les Américains sont très près de penser que tout ce que touche George W. Bush au Moyen-Orient semble en effet se transformer en désastre.


Le Roi saoudien Abdallah se désillusionne progressivement sur une alliance avec Bush relativement à la question du Proche-Orient. L’ex-ambassadeur Daniel Kurtzer, délégué en chef de Washington en Israël pendant le premier mandat de Bush et maintenant professeur à l’université de Princeton, en donne une explication courte : « Nos amis arabes sont intimement convaincus que nous ne savons pas ce que nous faisons ». « Les américains ont un besoin urgent de repenser leur politique ratée au Moyen-Orient », écrit enfin Daniel Levy, un ancien négociateur de paix israélien qui dirige le Middle East Initiative au New America Foundation (NAF).


À 29 ans, Malalai Joya est la plus jeune députée à l'Assemblée afghane. En raison de ses opinions tranchées, le parlement afghan a adopté une motion qui suspend la jeune députée pour les trois prochaines années, jusqu'à échéance de son mandat. Comme le note Agnes Gruda, du quotidien de Montréal La Presse, ni son sexe ni son jeune âge ne l'empêchent de dire tout haut ce qu'elle pense. Malalai Joya a déclaré que le Parlement «était pire qu'une étable». « Dans une étable, il y a des vaches qui donnent du lait et des ânes qui portent des fardeaux. Mais eux, ils sont pires que des vaches et des ânes, ils sont comme des dragons », a-t-elle développé. Lors de son passage à Montréal, elle a déclaré : « Je dois vous dire qu'il n'y a pas eu de changements fondamentaux aux conditions lamentables dans lesquelles vit le peuple afghan. Quand une nation entière vit à l'ombre des fusils et des seigneurs de la guerre, comment les femmes peuvent-elles expérimenter la liberté ? » Tout en poursuivant que « la situation en Afghanistan ne changera jamais pour le mieux tant que les seigneurs de la guerre ne seront pas désarmés ». Son jugement est impitoyable : « Je crois qu'aucune nation ne peut donner la liberté à une autre nation. La libération devrait être réalisée par le peuple lui-même. Si le Canada et d'autres pays veulent vraiment aider les Afghans, ils doivent agir de manière indépendante, au lieu de devenir l'instrument des mauvaises politiques des États-Unis. Ils doivent s'ajuster aux souhaits et besoins des Afghans et cesser de soutenir les seigneurs de la guerre ».


Sixième dossier embarrassant : les départs précipités. Michael Bloomberg, 65 ans, est le maire de New-York et il gère une fortune colossale dans un réseau de médias qui porte son nom. Il a annoncé le 19 juin qu'il quittait le Parti républicain. Il n’a pas confirmé ses intentions relativement à la possibilité qu’il se présente aux élections présidentielles de 2008. Rob Portman est le directeur chargé du budget au cabinet du président. En poste que depuis avril 2006 seulement, il démissionne officiellement pour se consacrer davantage à sa famille. Cette démission suit de quelques jours celle de l'un des plus proches et fidèles conseillers de M. Bush, Dan Bartlett, stratège de la communication. La Maison Blanche a, bien évidemment, réfuté que ces départs signifient l'abandon d'un navire en difficulté.


Septième dossier embarrassant : l’Affaire Libby. Ainsi en a décidé le Juge Réginald Walton : « Libby devra se présenter à une prison dans six à huit semaines à moins que ses avocats ne persuadent une cour d'appel de le libérer ». Ancien directeur de cabinet du vice-président Dick Cheney, condamné à 30 mois de prison pour parjure dans l'affaire de Valerie Plame. Les conservateurs exhortent le président George Bush d'accorder sa grâce à Libby avant qu'il ne soit incarcéré. Un porte-parole de la Maison blanche a affirmé que le président n'interviendrait pas dans l'immédiat. Interviendra-t-il plus tard ?


Huitième dossier embarrassant : les secrets de Dick Cheney. Le représentant démocrate Henry Waxman, qui préside une commission parlementaire, accuse les services de M. Cheney de se soustraire, depuis 2003, à un décret présidentiel qui rend obligatoire, à toute entité de l'exécutif, de rendre compte annuellement de la quantité d'informations qu'elle garde secrètes. Le vice-président Cheney, personnage des plus controversés, ne s’embarrasse pas d’étendre les prérogatives de l'exécutif aux dépens du législatif, là où l'un des grands principes est celui de l'équilibre et du contrôle mutuel des pouvoirs. Le vice-président s'est même opposé à une inspection de ses bureaux en 2004. Quand l'office compétent est devenu trop insistant, la vice-présidence a recommandé la dissolution de celui-ci. L'utilisation faite par l'administration et la vice-présidence d'informations confidentielles a été au cœur du récent procès de Lewis Libby.


Neuvième dossier embarrassant : l’amitié russo-américaine. Vladimir Poutine ne veut plus s’embarrasser de sentiments de culpabilité face à l’histoire de son pays. La comparaison qu’il invoque est saisissante : « Nous avons eu des pages terribles […] mais dans d'autres pays il y a eu pire », a affirmé le président russe au cours d'une rencontre la semaine dernière avec des professeurs en sciences humaines.


· « En tout cas, nous n'avons pas utilisé des armes nucléaires contre la population civile ».


· « Nous n'avons pas arrosé d'agents chimiques des milliers de kilomètres et n'avons pas jeté sur un petit pays sept fois plus de bombes que pendant toute l'histoire de la Grande Guerre Patriotique, comme ce fut le cas au Vietnam ».


· « Nous n'avons pas eu d'autres pages noires comme le nazisme, par exemple».


Comme l’indique Yakov M. Rabkin, professeur titulaire au département d'histoire à l'Université de Montréal : « Poutine s'en prend à la campagne que mène Washington pour faire propager la démocratie en la comparant à « la mission civilisatrice » des puissances coloniales des siècles passés. Le leader russe y voit une simple tentative d'obtenir des avantages politiques et économiques. […] Poutine se sent suffisamment fort pour dire ce que plusieurs alliés des États-Unis n'osent pas prononcer en public : l'unilatéralisme américain déstabilise le monde et fait avancer le terrorisme ».


Vladimir Poutine a proposé aux Américains d'intégrer dans leur bouclier antimissile le radar de Gabala en Azerbaïdjan. Un journaliste occidental a comparé cette proposition de Poutine à une prise de judo réussie. En rejetant la proposition russe, les Américains dévoilent leurs cartes. S'ils veulent réellement se défendre contre des missiles iraniens, note Ria Novosti, ils n'ont besoin que du radar de Gabala et de plusieurs missiles intercepteurs quelque part dans le sud (Vladimir Poutine a cité la Turquie et l'Irak). Tôt ou tard, la Maison Blanche devra reconnaître qu'elle préfère surveiller les lancements de missiles provenant de Russie.


Dixième dossier embarrassant : la destitution de Dick Cheney. Concluons cette revue en soulignant qu’il y a désormais sept élus de la chambre des représentants américaine qui soutiennent le projet de loi pour destituer Dick Cheney. Les représentantes démocrates de Californie Barbara Lee et Lynn Woolsey ont ajouté leurs signatures au projet le 7 juin. Mise de l’avant par Denis Kucinich, cette procédure vise la destitution du vice président Dick Cheney pour manipulation de renseignement ayant conduit à la guerre en Irak et pour menaces ouvertes contre l’Iran (Solidarité et Progrès). Il est intéressant de noter que le Washington Post, publie depuis dimanche, le premier d’une série d’articles - A Different Understanding With the President - signés Barton Gellman et Jo Becker qui analysent la gestion et les méthodes privilégiées par le vice-président pour parvenir à ses fins politiques. A cette occasion, vous pourrez consulter en photos la vie et la carrière du vice-président américain.


 


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