mardi 26 juin 2007

La Palestine ou l'« irakisation » de tout le Proche-Orient

Station balnéaire de Charm el-Cheikh à la mer Rouge, en Égypte. Lieu particulièrement prédestiné pour des rencontres au sommet. C’est là que s’était déroulée la conférence internationale sur l'Irak, deuxième tentative pour obtenir de ses voisins directs des engagements pour la stabilité du pays, après celle du 10 mars à Baghdad qui a déçu les attentes. Le Premier ministre irakien Nouri al-Maliki avait appelé tous les pays à annuler les dettes de son pays, dettes qui s’élevaient à quelque 50 milliards de dollars notamment envers l’Arabie saoudite, le Koweït, la Russie et la Chine. Une première tranche de 100 milliards de dollars avait déjà été annulée par les pays membres du Club de Paris.


Cette fois-ci, à l'initiative du président égyptien, Hosni Moubarak, le roi Abdallah II de Jordanie, le président palestinien Mahmoud Abbas et le premier ministre israélien Ehud Olmert discuteront de la situation dans les territoires palestiniens après la prise du pouvoir dans la bande de Gaza par le mouvement Hamas, ainsi que de la nécessité de la reprise du processus de paix au Proche-Orient. Cette réunion des « grands » du Proche-Orient se veut une ouverture sur un grand sommet quadripartite israélo-arabe.


Comme d’habitude, beaucoup d’espoir. Il faudra attendre pour les résultats. Mahmoud Abbas attend de ce sommet le soutien si essentiel dans sa lutte contre le mouvement islamiste Hamas, ainsi que des démarches concrètes de la part de la direction israélienne en vue d'améliorer la vie des Palestiniens. Le président palestinien entend demander « la levée complète du siège et la mise en place d'actions concrètes pour faire avancer le processus de paix vers la création d'un État palestinien ». Dans son allocution, Mahmoud Abbas à lancer, à son homologue Ehud Olmert, une invitation officielle : « Je vous appelle à entamer des négociations politiques sérieuses selon un calendrier agréé, dans le but d'établir un État palestinien indépendant avec Jérusalem pour capitale, vivant au côté d'Israël ».


Pour démontrer une certaine ouverture, le gouvernement israélien vient d’approuver « le principe » du transfert de centaines de millions de dollars de taxes douanières et impôts dus aux Palestiniens. Ce dégel, par l'État hébreux, des 600 millions de dollars appartenant aux Palestiniens, ainsi que l'allègement de la vie des populations dans les territoires occupés en Cisjordanie, ont, bien évidemment, pour seuls buts de renforcer le président Abbas face au Hamas.


Ehud Olmert a également annoncé qu'il comptait libérer 250 prisonniers du Fatah, le mouvement du président palestinien Mahmoud Abbas. Ces prisonniers palestiniens devaient s'engager à « ne plus être impliqués dans le terrorisme ». « Il est important que chaque Palestinien comprenne que nous tendrons la main à ceux qui sont prêts à entretenir des relations de paix et de réconciliation avec nous », a ajouté le premier ministre israélien. « Il n'y a pas d'autre solution que deux États vivant en paix et en sécurité ».


En ce moment très délicat, avec le Fatah d'un côté et le Hamas de l'autre, il est très important, pour Israël, de rassembler tous les pays modérés pour contribuer à la stabilité dans la région et de relancer le processus de paix.


Jamais la Palestinienne n’a autant frôlé la catastrophe depuis que le Hamas, qui règne en maître absolu dans la bande de Gaza, a mis en déroute toutes les forces sous contrôle du président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas et de son mouvement Fatah. M. Hosni Moubarak, l’hôte de la rencontre de Charm el-Cheikh avait condamné le « coup d'État » du Hamas dans ce mini-territoire, Gaza, de 360 km2 verrouillé entre Israël et l'Égypte.


La question que se posent les observateurs politiques, aguerris aux nombreuses querelles fratricides du Proche-Orient, est l'atteinte possible de l’objectif de cette conférence de conférer une impulsion aux relations entre Palestiniens et Israéliens, de créer une atmosphère qui puisse contribuer à la reprise du processus de paix au Proche-Orient.


La rupture entre les deux factions palestiniennes est profonde. Leïla Shahid, Déléguée générale de la Palestine auprès de l'Union européenne, de la Belgique et du Luxembourg, rappelle, dans une entrevue accordée au Nouvel Observateur, que : « les militants du Hamas, ces derniers mois, ont accumulé les frustrations ; ils avaient gagné les élections mais ils se sont sentis très vite dépossédés de cette victoire, puisque la communauté internationale, menée par les États-Unis et le Fatah lui-même, a continué à les boycotter. Un an plus tard, Mahmoud Abbas a corrigé cette erreur, il a initié un dialogue avec le Hamas et constitué un gouvernement d'union nationale, sous la caution de l'Arabie Saoudite et des pays arabes. Le Hamas a alors fait un effort en disant qu'il respectait les accords signés par l'OLP, qu'il acceptait donc la reconnaissance d'Israël et le processus politique engagé. Pourtant le boycott international a continué. Ce nouvel échec a amené les gens du Hamas à croire qu'il n'y avait plus d'autre issue que le rapport de force. Ils l'ont planifié et, malheureusement, exécuté ».


Cette opinion rejoint celle qu’émettait tout récemment Jimmy Carter qui, en termes durs, dénonçait le comportement d’Israël, des États-Unis et de l’Union européenne. Selon l’ancien président le prix Nobel de la paix, les USA l’Europe et Israël doivent mettre un terme à leur politique favorisant le Fatah au détriment du Hamas, faute de quoi ils condamnent le peuple palestinien à une aggravation du conflit entre les mouvements rivaux. Jimmy Carter juge que le Hamas, en dehors du fait d’avoir gagné un mandat électoral incontestable qui aurait du lui permettre de diriger le gouvernement, avait fait la preuve d’une meilleure organisation tant politique que militaire lors de sa confrontation avec le Fatah. Loin d’avoir encouragé le Hamas dans sa transition vers la vie politique parlementaire, Israël et les USA, avec l’accord de l’Union Européenne, ont cherché à renverser le résultat des urnes, en écartant le Hamas et en aidant Abbas à conserver les rênes du pouvoir politique et militaire. « Cette conduite était criminelle », a-t-il déclaré en poursuivant : « Les États-Unis et Israël ont décidé de punir le peuple de Palestine, et ont fait tout ce qu’ils pouvaient pour empêcher un compromis entre Hamas et Fatah ».


Les leaders du Hamas, y compris le chef du gouvernement palestinien limogé Ismaïl Haniyeh, refusent de reconnaître, pour légitime, la décision de Mahmoud Abbas de mettre sur pied un nouveau gouvernement, proposent de renouer le dialogue interpalestinien et de former un gouvernement de coalition. Mahmoud Abbas exclut, pour sa part, tout dialogue avec les « putschistes » du Hamas. Il les appelle plutôt à déposer les armes et à demander pardon au peuple palestinien.


Matti Steinberg est spécialiste des mouvements palestiniens, professeur à l'université hébraïque de Jérusalem et au Centre interdisciplinaire de Herzliya. Il a expliqué au correspondant du quotidien Le Monde, à Jérusalem, que Mahmoud Abbas « incarne maintenant la stabilité, ce à quoi aspire la Cisjordanie, mais il va être jugé sur ses résultats, et s'il n'est pas capable d'en apporter, l'opinion se retournera vers le Hamas. Le Hamas se renforce chaque fois que l'Autorité palestinienne s'affaiblit. Je préfère parler de l'Autorité plutôt que du Fatah parce que je ne sais plus très bien ce qu'est le Fatah aujourd'hui. Dans cet affaiblissement, ce n'est pas tant la corruption qui joue que l'absence de résultats politiques par rapport à Israël. Le vrai sujet est là. Il faut donc raviver un processus politique, rendre la perspective de deux États (israélien et palestinien) à nouveau envisageable ».


Comme le rappelle à nouveau Leïla Shahid : « Nous étions déjà divisés entre deux secteurs géographiques. Maintenant nous sommes aussi divisés en deux entités politiques ». Comment ne pas être d’accord avec son constat : « Si l'on continue à prendre en otages des populations misérables ou à vouloir attiser le feu, alors on va tout droit vers une « irakisation » de tout le Proche-Orient. […] Les Palestiniens, toutes tendances confondues, ne supporteront pas que l'on maltraite encore plus les gens de Gaza. Est-ce cela que le monde souhaite ? »


 


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Sources : RIA Novosti, AFP, Reuters, Nouvel Observateur, Le Monde