jeudi 28 juin 2007

Le droit aux enlèvements, selon la vision du Hamas

Gilad Shalit est ce jeune soldat israélien enlevé en juin 2006 par des groupes palestiniens. Son cas émeut la population israélienne. Selon le Yediot Aharonot, un sondage montre qu’une forte majorité d’Israéliens (61 %) est prête à accepter la libération de « centaines de prisonniers palestiniens y compris des meurtriers ». Le vice-Premier ministre d’Israël, Eli Yishaï, avait formulé le souhait que des négociations soient entreprises avec le Hamas pour une libération immédiate du jeune soldat. Le ministre de l’Habitat, Meir Sheetrit, membre du parti centriste Kadima d’Olmert, s’est joint au vice-premier ministre pour souhaiter la tenue de négociations.


Dans un enregistrement sonore, le jeune soldat a livré un témoignage qui a ému : « Moi le soldat Guilad, fils de Noam Shalit, détenu par les Brigades du martyr Ezzedine Al-Kassem, je vous transmets, papa, maman, mon frère, ma sœur, mes amis de l’armée, le bonjour depuis ma prison, et je vous languis tous. Je suis déjà emprisonné depuis un an, ma santé s’est encore détériorée et j’ai besoin d’une hospitalisation prolongée. Je regrette le manque d’intérêt pour mon sort du gouvernement israélien et de Tsahal, ainsi que leur refus de répondre aux exigences des Brigades Al-Kassem. Il est évident qu’ils doivent accéder à ces revendications pour que je puisse être libéré de prison, en particulier du fait que j’étais en mission dans le cadre d’une opération militaire, et sous les ordres de l’armée. Je n’étais pas un trafiquant de drogue. De même que j’ai père et mère, de même des milliers de détenus palestiniens ont des papas et des mamans à qui il faut restituer leurs enfants. J’ai grand espoir en mon gouvernement pour qu’il montre plus d’intérêt pour mon sort, et qu’il réponde aux exigences des Moujahiddines. Caporal Gilad Shalit ».


Le Hamas n’en démord pas. Les ravisseurs réclament la libération par Israël de centaines de prisonniers palestiniens en échange de celle de Shalit. Ils exigent la libération de toutes les femmes, tous les mineurs et de 1.000 autres prisonniers arabes, dont des responsables de groupes militants palestiniens.


Comment libérer Gilad Shalit, sans risquer de remettre des dizaines de terroristes sur le marché de la mort ?


Un député, Rav Itshak Lévy, (Ihoud Leoumi – Mafdal), a, en novembre 2002, perdu sa fille, Ayelet – Hashahar, au cours d’un attentat près du marché de Mah’ané Yehouda à Jérusalem. Malgré ce drame, il a proposé, en échange de Gilad Shalit, la libération des terroristes, et parmi eux, les assassins de sa fille, à condition qu’ils soient expulsés du pays. Dans une lettre adressée au Premier ministre, le député indique « que la seule voie possible pour accepter un échange, est de faire ne sorte que les terroristes libérés soient transférés dans un État arabe, et soient interdits d’entrée en Israël, inclus la Judée-Samarie et Gaza (…) Nous ne sommes pas attachés à une quelconque vengeance, et le retour de nos fils à la maison est plus importante à nos yeux que l’emprisonnement de tel ou tel terroriste. Mais il faut qu’ils ne puissent plus constituer un danger pour notre population » (Arouts Sheva).


Pour Ehoud Olmert : « Israël ne parlera pas avec le Hamas, le Hamas n'est pas un partenaire ».Cette déclaration s’inscrit bien évidemment dans cette politique qui veut que Israël considère le Hamas, qui ne reconnait pas l'existence de l'État hébreu et prône la poursuite de la lutte armée, comme une organisation terroriste avec laquelle il refuse officiellement tout contact.


Après cette diffusion du jeune soldat Gilad Shalit, un autre prisonnier est apparu en public : âgé de 45 ans, Alan Johnston, correspondant anglais à Gaza pour la BBC, a été enlevé le 12 mars dernier dans une rue de Gaza. Johnston, détenu par l’Armée de l’Islam, mouvement palestinien apparemment lié à Al-Qaïda, est apparu dans un enregistrement vidéo avec une ceinture d'explosifs à la taille. Selon son message, toute tentative du Hamas de donner l'assaut afin de le libérer entraînerait sa mort.


L’Armée de l’Islam exige la libération de Sajida Rishawi, une Irakienne condamnée à mort en Jordanie pour avoir participé en novembre 2005 à des attentats-suicide, de l'islamiste Abou Mohammad Al-Maqdissi, détenu en Jordanie depuis juillet 2005 (il est soupçonné d'être le guide spirituel du No2 d'Al-Qaïda, Abou Moussab al-Zarqawi), et d'Abou Qatada, considéré comme le guide spirituel d'Al-Qaïda en Europe, détenu en Grande-Bretagne. « Il n'y aura pas de compromis, soit (Johnston) restera en captivité pour mille ans, soit il sera égorgé tel un agneau », a menacé le groupe l’Armée de l’Islam.


Le Hamas n’approuve pas cet enlèvement. Il a réitéré son appel à la libération inconditionnelle du journaliste : « Nous disons clairement que les ravisseurs de Johnston doivent le libérer immédiatement et sans condition et ne pas porter atteinte à sa vie ». Depuis qu'il a pris le contrôle de Gaza, le mouvement de la résistance islamique (Hamas) s'est engagé à obtenir la libération de Johnston, pour tenter apparemment de s'attirer les bonnes grâces de la communauté internationale et d'affirmer son autorité sur le petit territoire.


Pour Robert Ménard, secrétaire général de Reporters sans frontières, cité par le Nouvel Observateur, « Alan est le quatorzième journaliste enlevé à Gaza depuis janvier 2005. Les treize fois précédentes, l'Autorité et les responsables palestiniens ont négocié avec les ravisseurs, et les journalistes ont été rapidement libérés. Le problème, c'est que personne n'a jamais été sanctionné. Pourquoi les enlèvements s'arrêteraient-ils ? » Selon Robert Ménard : « cette prise d'otage va à l'encontre des intérêts des Palestiniens. Alan est le dernier journaliste occidental à vivre à Gaza. Il a fait ce choix pour continuer de montrer les conditions de vie de la population. Depuis qu'il n'est plus là, il n'y a plus personne qui vit leur drame ».


Après avoir pris le pouvoir le 15 juin dans la bande de Gaza, le Hamas avait, selon le quotidien Le Monde, affirmé être en négociations avec l'Armée de l'islam en vue d'obtenir sa libération. « Nous ne permettrons à personne de ternir la réputation de notre peuple et de sa lutte et par conséquent nous mettons en garde contre toute atteinte à la vie de Johnston », avait rappelé le porte-parole du Hamas, Fawzi Barhoum.


Ces choses là étant dites, y a-t-il un pilote dans l’avion ? D’un côté, le Hamas négocie la libération du jeune soldat israélien, et de l’autre, il exige d’un groupuscule une soumission inconditionnelle aux ordres qu’il lui transmet. L’exemple vient de haut. La main gauche ignore ce que fait la main droite. Aux yeux du monde, le Hamas s’enfonce un peu plus, chaque jour.


 


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