mercredi 2 mai 2007

Tzipi Livni montre la porte à Ehud Olmert

Tzipi Livni invite Ehud Olmert à démissionner à la suite du rapport Winograd et devient ainsi le plus haut responsable du gouvernement à réclamer le départ du Premier ministre. Le comité Winograd a été créé par Israêl afin de contrôler et faire le bilan des actions de l’armée et du gouvernement lors de la guerre contre le Liban en 2006. Elle est composée de cinq membres et présidée par le juge à la retraite Eliyahu Winograd. Ehud Olmert vit des jours très noirs. La fronde est de plus en plus visible. Tzipi Livni n’est pas une inconnue : elle est le chef de la diplomatie israélienne et vice-Premier ministre. Elle vient de le dire tout haut : « Olmert doit partir ». La relève est prête : la vice-Première ministre est sur les rangs.


Daphné Matthieu de Libération écrivait, le 9 janvier dernier : « Sodome et Gomorrhe », « Montrez-leur la porte ». Depuis plusieurs jours les gros titres de la presse israélienne sont consacrés à un scandale de corruption impliquant les plus hauts responsables de l'administration fiscale ».


Aujourd’hui, c’est la vice-Première ministre qui invite son premier ministre à prendre la porte.


Ehud Olmert, âgé de 61 ans, est un homme au verbe acerbe. Il convoitait depuis longtemps le siège de Premier ministre. Il l’a obtenu. A quel prix ! Son poste lui vaut aujourd’hui plus de soucis que de gloire.


Selon un sondage du Dahaf Research Institute pour Knesset TV, un an à peine après avoir pris le pouvoir, Ehud Olmert perdait les faveurs de la population choquée par une série de scandales : quelque 77% des personnes interrogées désapprouvaient déjà l'action du chef du gouvernement. La moitié des Israéliens estimaient alors que les événements de 2006 étaient à l'origine de ses difficultés mais pour 31%, c'est sa personnalité. 60% s'interrogeaient sur son intégrité.


En mai 2007, la situation ne s’est pas améliorée. Olmert, qui est touché par plusieurs enquêtes pour corruption, pourrait être victime d'une révolte au sein de son parti, Kadima, et être poussé vers la sortie : le président du groupe parlementaire de ce parti à la Knesset, Avigdor Yitzhaki, serait en train de réunir des signatures en vue de rédiger une lettre au chef du gouvernement l'invitant à démissionner.


Selon un sondage express réalisé par Radio-Israël, 69% des personnes interrogées pensent maintenant que le Premier ministre devrait abandonner son poste.


Tzipi Livni est considérée comme la personnalité la mieux placée pour succéder à Olmert.


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Un signe astrologique particulier


Astrothème, un site Internet, dresse quelques uns des traits dominants de la vice-première ministre d’Israël : « Tzipi Livni, vous fonctionnez par le cœur et par les émotions, et rien de ce que vous faites sur cette terre ne peut se faire sans que vous ne ressentiez - d'ailleurs le mot ressentir est à la base de votre fonctionnement - pleinement une charge affective suffisante. Il vous faut aimer pour comprendre, ressentir pour agir. Au détriment d'une vulnérabilité certaine que vous devriez apprendre à combattre. […] Tzipi, le Feu prédomine dans votre thème natal et vous apporte intuition, énergie, courage, confiance en vous et enthousiasme ! Vous êtes encline à la passion et savez affirmer votre volonté, aller de l'avant et contre vent et marée, avec force, aller jusqu'au bout de vos rêves et de vos buts. La faiblesse relative de cet élément est sans doute le manque de recul ou peut-être une forme de hardiesse qui peut vous pousser à des imprudences risquées ».


Une carrière organisée


Plus sérieusement, Tzipi Livni est née à Tel Aviv le 5 juillet 1958 et y vit toujours. Elle est mariée et mère de deux enfants. Elle est la fille d’Eitan Livni, un immigré d'origine polonaise, ancien de l'Irgoun, membre du Likoud et parlementaire. Elle a été lieutenant dans l'armée et a travaillé pour le Mossad au début des années 1980. Elle est diplômée de la faculté de droit de Bar Ilan, et a exercé en tant que juriste, spécialisée dans le droit public et commercial. Tzipi Livni a largement supporté le plan de désengagement des territoires occupés d'Ariel Sharon et s'est impliquée fortement pour que ce plan soit approuvé par la Knesset, notamment en tentant une médiation avec les membres du parti opposés à cette opération. Elle est également considérée comme faisant partie des membres pacifiques du Likoud. Plus près des colombes que des faucons.


Depuis 2001, elle a accumulé une expérience ministérielle considérable, ayant occupé les portefeuilles de la Coopération régionale, de l’Agriculture et du Développement rural, de l’Immigration, du Logement et de la Construction, de la Justice, puis des Affaires extérieures.


Le 5 janvier 2006, suite à l'hospitalisation du Premier ministre Ariel Sharon, elle déclare aux journalistes : « Nous prions pour Ariel Sharon, et je ferai personnellement tout mon possible pour aider le Premier ministre par intérim à assumer ses fonctions et à prendre les bonnes décisions », mettant fin en même temps aux rumeurs qui prétendaient qu'elle pourrait succéder à Sharon à la tête de la nouvelle formation Kadima.


Tzipi Livni est troisième parmi les têtes de liste du parti Kadima aux élections législatives israéliennes de 2006. Elle devient donc membre de la 17ème Knesset après la victoire du parti aux élections. Tzipi Livni est le premier membre d'un gouvernement israélien à faire la distinction entre les attaques palestiniennes visant des cibles militaires israéliennes et les attaques terroristes contre des civils. Elle déclare ainsi à la télévision américaine, le 28 mars 2006 : « Somebody who is fighting against Israeli soldiers is an enemy and we will fight back, but I believe that this is not under the definition of terrorism, if the target is a soldier ».


Une pensée structurée


Devant les Nations-Unies, en septembre 2006, Tzipi Livni livrait ce message : « Chaque victime innocente dans un conflit est une tragédie. Il n’y a pas de différence entre les larmes d’une mère israélienne pleine de chagrin et celles d’une mère palestinienne pleine de douleur. Mais il y a une différence morale entre les terroristes qui cherchent à viser les civils, et les soldats qui ciblent les terroristes tout en cherchant à éviter de porter atteinte aux civils. Pour protéger son intégrité, la communauté internationale doit soutenir cette distinction morale essentielle. Le terrorisme est du terrorisme, même quand on veut l’appeler résistance. Il ne peut être justifié et il ne peut être mis sur le même plan que les actions de ceux qui cherchent à s’en défendre ».


En janvier 2007, à Davos, Mahmoud Abbas estimait que le processus de paix pouvait reprendre, Shimon Peres déclarait pour sa part que la paix se « rapprochait » et Tzipi Livni qu’un État palestinien était « réalisable ».


En février 2007, Tzipi Livni constatait que : « L'antisémitisme est encore très vivant. Comme foyer du peuple juif, c'est un combat que nous devons mener. […] La négation globale de la Shoah par l'Iran est une manœuvre politique dont le but est de délégitimer Israël, et il est inacceptable qu'un pays qui nie la Shoah soit accepté par le Monde comme membre de la Communauté internationale ».


Lors de son récent passage, en France, le chef de la diplomatie israélienne invitait les chefs d’État européens à soutenir son pays : « Nous vivons un monde d’images et je sais que la vie n’est pas toujours facile pour les amis d’Israël parce que l’image qu’a Israël est vraisemblablement différente de ce qu’Israël est vraiment ? Et malheureusement il y a beaucoup de décideurs dans le monde qui prennent leurs décisions non pas sur la base des faits, non pas sur la base des valeurs mais sur la base de l’image. Très souvent des leaders qui soutiennent Israël sont attaqués publiquement. Mais je crois fondamentalement que nous avons des valeurs et des intérêts communs et donc chaque leader européen qui croit en ses valeurs se doit de soutenir Israël ».


La citation la plus controversée qu’on lui attribue date du 28 mars 2006 alors qu’elle a déclaré sur les ondes d’une chaîne de télévision américaine « Quelqu’un qui combat les soldats israéliens est un ennemi et nous riposterons. Mais je crois qu’il ne s’agit pas de terrorisme si la cible est un militaire ».


En délicatesse avec son chef


Tzipi Livni s’est déjà placée en délicatesse avec son chef. Tout s’est déroulé à la fin de décembre 2006. Le quotidien Maariv a dévoilé le nouveau plan politique de Tsippi Livni, qui prévoyait le lancement de négociations sur les sujets urgents, même en temps de conflit avec les Palestiniens. Parmi ces points considérés comme urgents figurait la libération des détenus (terroristes) palestiniens et la question de Jérusalem. Après la publication, les représentants du Bureau du Premier ministre ont affirmé qu’ils ne savaient pas du tout de quoi il s’agissait et qu’Israël n’accepterait pas un dialogue sur une des étapes de la Feuille de route. Ils ont ajouté que le Premier ministre, Ehoud Olmert, n’était pas au courant du plan politique de Livni. « Nous ne connaissons aucun plan. Nous ne connaissons que l’existence de quelques idées, entendues de la bouche de Livni » ont-ils précisé. Les représentants ont cependant indiqué que la situation entre Livni et Olmert ne s’était pas dégradée comme les relations de ce dernier avec Amir Peretz, le ministre de la Défense. Quoi qu’il arrive, les représentants du Bureau d’Olmert ne se laissent guère impressionner par le plan de Livni : « Il s’agit d’une rencontre avec Salem Fiad qui est déjà hors jeu et avec Yasser Abed Rabou, qui est pour sa part un homme d’Arafat. Nous, de notre côté, nous avons rencontré Abou Mazen et c’est ce qui est important ». Et vlan !Madame la ministre a réagi ! Elle a déclaré qu’il « était nécessaire de réagir au terrorisme, tout en continuant d’examiner les possibilités qui s’offrent à Israël – et les exploiter ». Livni a ajouté qu’elle était convaincue que « trouver des solutions pour les modérés du camp palestinien faisait partie du combat contre le terrorisme ». La ministre a ajouté : « Les titres des journaux gênent généralement le gouvernement à agir ».


En janvier 2007, le Likoud a, lors d'une de ses réunions hebdomadaires, annoncé qu’il comptait lancer une vaste campagne contre la ministre des Affaires étrangères Tsippi Livni, de Kadima. Cette nouvelle initiative venait essentiellement du député Israël Katz. Ce dernier avait indiqué que de profonds changements étaient à prévoir prochainement au sein du parti au pouvoir, Kadima, suite à l’animosité croissante entre le Premier ministre et Livni. Selon certaines évaluations, cette dernière envisagerait sérieusement de présenter sa candidature à la tête du parti et devenir ainsi la principale rivale d’Olmert et de ce fait, l’adversaire directe du Likoud. La première cible du Likoud, dans le cadre de cette campagne, serait bien entendu le fameux plan élaboré par la ministre dont a parlé récemment le quotidien Maariv.


En dépit des sondages peu flatteurs pour Kadima, la ministre des Affaires étrangères Tsippi Livni parvient à échapper aux critiques. Elle poursuit une carrière prometteuse sans être touchée apparemment par la disgrâce de son parti. Il est vrai que Livni œuvre depuis des mois à soigner sa popularité, tant à l’étranger qu’en Israël, et ne lésine sur aucun effort pour se faire apprécier par ses interlocuteurs. A l’occasion du premier anniversaire de Kadima, Livni a laissé entendre qu’elle envisageait de briguer un jour ou l’autre la direction du pays mais elle a ajouté qu’elle préférait attendre le moment opportun. Il semble bien que ce moment est maintenant arrivé. Madame la ministre vient d’inciter son chef, le premier ministre Ehud Olmert, à quitter le navire après le rapport accablant d'une commission sur la guerre livrée l'été dernier au Liban.


Cent cinquante-huit Israéliens - 117 soldats et 41 civils – avaient péri durant cette guerre du Liban. Environ 1.200 personnes ont été tuées dans le même temps au Liban, dont environ 270 combattants du Hezbollah.


En terminant, un rappel : il s’appelait Uri. Uri Grossman. Il a participé de son plein gré à la guerre du Liban. Son père, David Grossman, l'une des figures les plus marquantes de la littérature israélienne, a adressé un mot à son fils à titre posthume. Uri était, selon son père, le gauchiste du bataillon : « Tu étais le gauchiste de ton bataillon, mais tu étais respecté, parce que tu restais sur tes positions sans renoncer à aucun de tes devoirs militaires ». Uri est parti pour ne plus revenir : « Il ne sera plus là, le jeune homme à la sagesse bien plus profonde qu'elle ne l'est à cet âge, au sourire chaleureux, à l'appétit plein de santé. Elle ne sera plus, cette rare combinaison de détermination et de délicatesse. Absents désormais, son bon sens et son bon cœur ». Il n’est pas revenu du Liban : « Quand tu es parti pour le Liban, ta mère a dit que la chose qu'elle redoutait le plus c'était ton "syndrome d'Elifelet". Nous avions très peur que, comme l'Elifelet de la chanson, tu te précipites au milieu de la mitraille pour sauver un blessé, que tu sois le premier à te porter volontaire pour le réapprovisionnement-des-munitions-épuisées-depuis-longtemps ».

Émouvant. Des mots que devrait relire la classe politique israélienne.


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