lundi 21 mai 2007

Jimmy Carter dénonce haut et fort Bush et Blair

Toute dissidence à la politique de Georges W. Bush est fort mal vue comme nous le rappelle la déclaration de Dick Cheney à Fox News de Jordanie : « Le vice-président a pratiquement accusé les démocrates au Congrès qui appuyaient les mesures législatives, comme Feingold, de trahison en faveur des terroristes. « Donc, si vous êtes un représentant public défendant le retrait de l’Irak, dit Cheney, en fait, ce que vous dites également, c’est que ce que vous recommandez, c’est de valider la stratégie d’Al-Qaïda ». Jimmy Carter est-il un mauvais patriote et pencherait-il maintenant du côté d’Al-Qaïda ?


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Un concert d'éloges


Lors de leur récente rencontre, la semaine dernière à Washington, George W. Bush et Tony Blair ont déclaré n’avoir aucun regret sur l'intervention en Irak. Blair et Bush ont rivalisé de compliments l'un pour l'autre et ont tous les deux défendu leur décision d`intervenir en Irak, malgré leur chute de popularité qui en a résulté.


Selon Michael Cox, spécialiste des relations transatlantiques, Tony Blair a davantage d'amis aux États-Unis qu'en Grande-Bretagne même, et davantage d'admirateurs dans le seul Texas qu'en France et en Allemagne réunies. « Les Américains admirent la loyauté », souligne, dans le Financial Times, Ted Wilmer, un ancien conseiller de Bill Clinton, en regrettant que Blair n'ait pas tenu tête à Bush sur l'Irak comme Jacques Chirac.


« Il y a beaucoup de fanfarons dans le monde politique, mais Tony Blair est quelqu‘un qui reste fidèle à ses convictions », s'était enthousiasmé le président américain lors d’une conférence de presse conjointe la semaine dernière à Washington. Tony Blair venait à Washington pour une tournée d’adieu avant de quitter son poste. « Il va me manquer, c'est quelqu'un de remarquable, et je le considère comme un bon ami », a déclaré Bush, commentant l'annonce du départ du pouvoir de M. Blair. En retour, Blair a loué les qualités de son hôte, décrivant Bush comme « un leader puissant dans un monde qui en avait besoin ». Cette loyauté aura-t-elle des suites ?


Du sable dans l'engrenage


Selon le Sunday Telegraph et CNN, Georges W. Bush a été informé par ses collaborateurs qu'il devait se préparer à un retrait possible des troupes britanniques d'Irak. Cette annonce devrait intervenir au cours des 100 jours suivant l'entrée en fonction du nouveau premier ministre britannique, donc après le remplacement de Tony Blair par Gordon Brown au 10 Downing street. Gordon Brown voudrait rapidement mettre un terme à la participation militaire de son pays dans cette guerre très impopulaire, qui coûte très cher politiquement au Parti travailliste. En effet, selon une enquête d'opinion réalisée pour l'"Observer ", 58 % des sondés estiment que l'aventure irakienne est le plus gros échec du premier ministre Tony Blair. Ils en veulent surtout à Tony Blair de les y avoir entraînés sur la base d'un faux prétexte : celui des armes de destruction massive que Saddam Hussein aurait accumulées, mais dont les forces occidentales n'ont trouvé aucune trace. Fait à noter : 5500 soldats britanniques sont encore stationnés en Irak, contre 7100 en 2006.


Une voix discordante dans le concert des éloges


Ces congratulations mutuelles ne sont pas au goût de Jimmy Carter. Quelques jours plus tard, le prix Nobel de la Paix, âgé de 81 ans, vient de remettre les pendules à l’heure. Brutalement. Habitué au ton feutré des salons des Nobel de la Paix, l’ex-président envoie un message au monde politique américain qui le reçoit comme une onde de chocs. Jimmy Carter qui dénonce vertement Georges W. Bush et Tony Blair. Jimmy Carter connaît la Maison Blanche puisqu’il l’a occupée de 1977 à 1981 en tant que 39e président des États-Unis.


Son constat est impitoyable : « As far as the adverse impact on the nation around the world, this administration has been the worst in history » […] « L'administration Bush est la pire de l'histoire en matière de relations internationales », a déclaré, dans les colonnes de l’Arkansa Democrat-Gazette , l’ancien président américain.


En entrevue, Jimmy Carter a monté sa critique d’un cran : « We now have endorsed the concept of pre-emptive war where we go to war with another nation militarily, even though our own security is not directly threatened, if we want to change the regime there or if we fear that some time in the future our security might be endangered » […] « Nous avons désormais avalisé le concept de guerre préventive (...) alors même que notre propre sécurité n'est pas directement menacée, quand nous voulons changer un régime ou redoutons que notre sécurité puisse à l`avenir être compromise ». […] « Cela marque un changement radical par rapport aux politiques menées par toutes les autres administrations ».


Le prix Nobel de la Paix critique sans détours le président George W. Bush pour sa politique au Proche-Orient, relevant qu'il y a « zéro pourparlers de paix » entre Israël et Palestiniens : « Le revirement manifeste des valeurs essentielles de l’Amérique exprimées par les précédentes administrations, y compris celles de George H.W. Bush, Ronald Reagan, Richard Nixon ou d’autres, a été à mes yeux le plus perturbant ».


Selon Jimmy Carter, l'administration Bush a de surcroît « abandonné ou directement » remis en cause tous les accords négociés par ses prédécesseurs en matière d`armes nucléaires et d`environnement.


Décidé de manifester son profond mécontentement, Jimmy Carter est sorti de sa réserve pour porter son jugement jusqu’en Angleterre. Interrogé au micro de la BBC sur la personnalité du Premier ministre britannique Tony Blair, qui quittera ses fonctions le 27 juin, M.Carter a répondu : « Abominable. Loyal, blind, apparently subservient ». […] « Lamentable, fidèle, aveugle, apparemment servile ». Et d'ajouter : « Je pense que le soutien presque indéfectible de la Grande-Bretagne aux politiques mal avisées du président Bush en Irak a été une tragédie majeure pour le monde ».


Un départ...


Monsieur Georges W. Bush est généreux lorsqu’il s’agit de ses amis : « Paul Wolfowitz est un homme honnête, passionnément attaché au sort des pauvres dans le monde entier. Nous aurions préféré qu'il reste à la Banque mais le Président (Bush) accepte avec réticence sa décision. La Banque mondiale est une institution importante pour sortir les gens de la pauvreté et nous sommes des donateurs très généreux. Le Président (Bush) annoncera bientôt un candidat afin de permettre une transition ordonnée qui permettra à la Banque mondiale de se concentrer à nouveau sur sa mission », ajoute-t-on de même source.


Une arrivée pressentie


« On ne rencontre guère, pour se déclarer satisfaits du pouvoir, que ceux qui y participent » (Maurice Druon). Le successeur pressenti ? La rumeur désigne monsieur Tony Blair qui quittera à la fin de juin ses fonctions, en même temps que monsieur Paul Wolfowitz. Joseph Stiglitz, ancien vice-président et économiste en chef de la Banque Mondiale, s'est déjà positionné en faveur de « quelqu'un avec une vraie expérience du développement ». Il a ajouté que « M. Blair a clairement été un leader politique qui a le type de relations dont on a besoin, ce qui serait utile pour le chef de l'institution ».


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