jeudi 22 mars 2007

Le juge Garzon croit "venu" le temps de traduire Bush devant un tribunal

Le juge espagnol Baltasar Garzon, qui avait cherché à faire juger Augusto Pinochet, estime qu’il est temps que le président américain George Bush et ses alliés soient traduits devant un tribunal pour répondre du conflit irakien. Dans une tribune publiée le 20 mars 2007, à l’occasion du quatrième anniversaire de l’invasion du pays par les États-Unis et leurs alliés, le juge Garzon affirme que le conflit irakien a été « l’un des épisodes les plus sordides et les plus injustifiables de l’histoire récente de l’humanité ». […] « Nous devrions étudier plus attentivement l’éventuelle responsabilité pénale des personnes qui sont, ou qui ont été, responsables de cette guerre et voir s’il existe suffisamment de preuves pour qu’elles en répondent », écrit le magistrat dans le quotidien El Pais.


Le 16 mars 2004, un rapport de la Chambre des représentants préparé par le démocrate Henry Waxman dresse l’inventaire des exagérations, approximations et mensonges dont l’administration Bush s’est rendue coupable afin de favoriser l’invasion de l’Irak. « Notre banque de données a recensé 237 déclarations trompeuses faites par le président Bush, le vice-président Cheney, le secrétaire [à la défense] Rumsfeld, le secrétaire [d’État] Powell, la conseillère pour la sécurité Rice. Ces déclarations ont été faites au cours de 40 discours, 26 conférences de presse, 53 entretiens, 4 déclarations écrites, et 2 dépositions devant le Congrès. La plupart des déclarations étaient trompeuses parce qu’elles exprimaient une certitude là où il n’en existait aucune, ou omettaient de mentionner les doutes des services de renseignement. Mais 10 de ces déclarations étaient purement et simplement fausses » (Le Monde diplomatique).


Ce 22 mars 2007, combien de mensonges nouveaux dénombrerions-nous ?


Henry Waxman, le président démocrate de la Commission de la Chambre des représentants sur la réforme du gouvernement, révèle, en février 2007, au cours d'une intervention qui fera date, que : « En treize mois, entre mai 2003 et juin 2004, la Réserve fédérale à New York a expédié en Irak près de 12 milliards de dollars en espèces. Pour ce faire, elle a dû emballer 281 millions de billets, dont 107 millions de billets de 100 dollars. Les chiffres sont si importants qu’il paraît impossible qu’ils soient vrais ». L’argent a été dépensé ou a disparu dans d’improbables circuits. Selon Stuart Bowen, l’inspecteur spécial pour la reconstruction de l’Irak, 8,8 milliards de dollars ont été distribués « sans certitude que l’argent serait utilisé correctement ». Le mémorandum remis à la Commission Waxman exprime son pessimisme: « Il apparaît que beaucoup de ces fonds ont été perdus par corruption ou gaspillage, des milliers d’«employés fantômes » recevaient des sommes de l’Autorité provisoire de la coalition (CPA, sous contrôle américain). Certains de ces fonds pourraient avoir enrichi des criminels et des insurgés qui combattent les États-Unis ».


 


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Georges W. BushTout va de mal en pis pour Georges W. Bush qui s’était très certainement fait une autre idée de la fin de son deuxième mandat. L’affaire Valérie Plame, les photos des tortures d’Abu Ghraïb, les vols secrets de la CIA, les abus du FBI, les écoutes illégales de la NSA, les accusations d’ingérence politique dans le renvoi de sept procureurs fédéraux : le président américain George W. Bush multiplie les efforts pour ne pas offrir à ses adversaires démocrates la tête d'un deuxième ministre éminent en moins de cinq mois.


Après l'affaire Libby, du nom de l'ex-directeur de cabinet du vice-président Dick Cheney, une autre tête vient de tomber : le chef de cabinet du ministre de la Justice, Kyle Sampson. La position du président Bush est d’autant plus fragilisée que des voix critiques au sein de son propre camp politique ne se gênent plus pour exiger la démission du ministre de la Justice, Alberto Gonzales. Les sénateurs républicains, John Sununu et Gordon Smith, ont en effet rejoint les Démocrates ce sens.


Les procureurs sont nommés par le président pour quatre ans. Ils sont chargés d'appliquer la politique pénale et ils sont révocables à tout moment sans justification. Les républicains ne se sont d'ailleurs pas privés de rappeler que Bill Clinton avait renvoyé les 93 procureurs fédéraux d'un seul coup. Cette fois, la polémique a pris une certaine ampleur autour du départ forcé de huit procureurs fédéraux, dont certains chargés d'enquêtes sensibles pour le pouvoir, après que certains d’entre eux eurent témoigné avoir subi des pressions d'élus républicains et que des documents eurent révélé que de hauts responsables de la Maison-Blanche étaient impliqués. « Beaucoup parmi nous croient que cela vient du fait que (les procureurs) étaient en charge de dossiers de corruption publique, et ils ont payé le prix pour avoir fait leur travail », a déclaré à la chaîne CNN le parlementaire démocrate Rahm Emmanuel.


Portée par l’ancienne responsable des services juridiques de la Maison Blanche et fidèle de longue date de M. Bush, Harriet Miers, il y aurait eu, en 2005, une volonté, de remplacer les 93 procureurs. Cette initiative a finalement été abandonnée en faveur d’une démarche plus en finesse de Karl Rove, conseiller politique du président, qui aurait alors préféré garder les procureurs considérés comme politiquement loyaux - les «loyal Bushies» comme les appelle le renommé quotidien Washington Post - et limoger, en revanche, ceux qui se montreraient trop embarrassants pour la Maison Blanche. De nombreux fonctionnaires dans la Division des droits civiques du ministère auraient été remplacés par des activistes de la « Federalist Society » et autres gens d’extrême droite.


Un nouveau mensonge tente de corriger le tir : après qu'Alberto Gonzales eut affirmé que la Maison Blanche n'avait rien à voir avec les limogeages, 150 pages de documents et de courriels sont apparus sur la place publique, certains attestant de discussions durant depuis plus de deux ans avec Harriet Miers Karl Rove. Rove a survécu à plusieurs controverses, y compris l'affaire Valerie Plame, qui a causé la perte de Lewis (Scooter) Libby, ancien chef de cabinet du vice-président. « Je n'ai jamais soulevé aucun cas particulier, et je n'ai jamais donné d'instructions particulières », a déclaré George Bush. Le secrétaire américain à la Justice, Alberto Gonzales, a, après coup, reconnu qu'il aurait dû être plus alerte dans le scandale du renvoi de huit procureurs fédéraux.


Charles Schumer, sénateur de l'État de New-York, a qualifié de « faible » l'excuse présentée par le procureur général, Alberto Gonzales. Au Sénat, il a encore une fois rappelé que ce dernier ne devrait pas être en poste s'il ne savait pas que huit procureurs fédéraux allaient être congédiés. Hillary Clinton, candidate démocrate à l'élection présidentielle de 2008 et sénatrice de New York, s'est également jointe à la liste de ceux qui réclament la démission de M. Gonzales.


Il y a pire. Un collège de la Chambre des représentants a approuvé la convocation devant un grand jury de Karl Rove, conseiller politique du président américain George W. Bush. Le président démocrate de la commission des Affaires judiciaires de la Chambre, John Conyers, est donc autorisé de convoquer, pour comparaître sous serment, Harriet Miers, l'ancienne responsable des services juridiques de la Maison Blanche ainsi que deux assistants afin que ces personnes répondent du limogeage controversé ces derniers mois de huit procureurs fédéraux.


Le président Bush a proposé que les personnes concernées témoignent plutôt à huis-clos, sans avoir à prêter serment, afin d'éviter le spectacle médiatique d'une audition de Karl Rove, considéré comme son éminence grise. Seule concession, certains d'entre eux pourraient débattre avec des congressistes mais sans avoir prêté serment et sans que leurs propos ne puissent être repris ultérieurement. « Je m'opposerai à toutes les tentatives pour citer à comparaître des responsables de la Maison Blanche », a dit George W. Bush dans une déclaration très vigoureuse devant la presse. Face à l'impasse, M. Bush a menacé d'attaquer les démocrates en justice pour empêcher la convocation de ses collaborateurs, et l'affaire pourrait finir devant la Cour suprême américaine. Le but recherché par le président américain est de protéger son ministre de la Justice, important allié dans le déroulement de la guerre contre l'Irak, et d'autre part d'essayer d'étouffer une nouvelle affaire gênante alors que la controverse se poursuit sur plusieurs dossiers relatifs à la gestion de la guerre contre l'Irak.


Ce n’est pas la première fois qu’Alberto Gonzales est citée par la presse. Il avait fait l'objet d'une vive controverse pour sa participation à l'élaboration de la politique de l'administration Bush sur le traitement des prisonniers capturés dans le cadre de la lutte contre le terroriste. En 2001, alors qu'il était conseiller juridique à la Maison-Blanche, il considérait que les terroristes d'Al-Qaïda ne jouissaient pas des droits établis par la Convention de Genève. Le 25 janvier 2002, Alberto Gonzales remit au président Bush un mémo indiquant que « la guerre au terrorisme est une nouvelle forme de guerre », « ce nouveau paradigme rend obsolètes les strictes limitations des Conventions de Genève sur l’interrogatoire des prisonniers ennemis et rend caduques certains de leurs dispositions », une analyse en droite ligne de celle qu’il avait formulée au Texas sur l’applicabilité de la Convention de Vienne. C’est en vertu de ce document que les prisonniers détenus à Guantanamo ne sont pas protégés par les Conventions de Genève. Le 1er août 2002, Alberto Gonzales franchit un pas de plus en approuvant dans un nouveau mémo le recours à la torture. C’est ce document qui a servi de base légale à la généralisation de la torture en Afghanistan et en Irak, notamment sur la base militaire de Bagram et à la prison d’Abu Ghraib.


Plusieurs organisations de défense des droits de l'homme l'ont tenu pour l'un des principaux responsables des abus commis au nom de cette lutte. Le juge Alberto Gonzales prête serment en qualité de ministre de la justice le 14 février 2005. Il était le conseiller juridique du président George W. Bush depuis janvier 2001.


Privation de sommeil, obligation de rester debout ou encore torture par l’eau (waterboarding) : des détenus soupçonnés d’actes de terrorisme auraient été victimes d’actes de torture, au cours de leur détention dans les prisons secrètes de la CIA. Selon un rapport confidentiel du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), révélé par l’Associated Press, basé sur des entretiens avec quatorze détenus qualifiés de «grande valeur» par les autorités américaines, l’agence de renseignements américaine (CIA) utiliserait des méthodes de détention pour mater et faire parler les détenus au cours des interrogatoires. Des techniques qualifiées d’actes de «torture» pour les organisations de droits de l'Homme, mais réfutées par la CIA et la Maison-Blanche.


Ces prisonniers jusque-là sous contrôle de la CIA, puis transférés en septembre à Guantanamo, ont affirmé avoir subi des techniques dégradantes particulièrement dures à supporter lorsqu'elles étaient conjuguées. Parmi eux, le cerveau présumé des attentats du 11-Septembre, Khalid Cheick Mohammed a déclaré avoir été torturé. Selon le porte-parole de la Croix Rouge, Simon Schorno, les visites du comité aux 14 détenus avaient deux objectifs : évaluer leurs conditions de détention actuelles et leur donner l'opportunité de s'exprimer à propos de leur détention passée. « Nous ne souhaitons pas communiquer publiquement sur les conclusions de ce rapport. Il s'agit d'un document confidentiel », a déclaré Schorno.


En mars 2007, le FBI est accusé de pratiques illégales dans le cadre de la lutte antiterroriste aux États-Unis. Dans un audit, l'inspecteur général Glenn Fine du département de la Justice conclut que l'organisme fédéral a recouru de façon irrégulière, et parfois illégale, au Patriot Act pour obtenir secrètement des informations personnelles sur les citoyens. Le nombre de personnes concernées par ces lettres est estimé à 24 937 citoyens américains et 27 262 étrangers. « Le FBI a collecté des informations sur la population d'une ville d'environ 50 000 habitants et les a placées dans une base de données accessible à environ 12 000 agents fédéraux ou locaux et à certains gouvernements étrangers », résume le Washington Post.


Le rapport constate que le nombre de lettres de sécurité nationale, des mandats spéciaux permettant d'avoir accès à des informations sans l'aval d'un juge, s'est multiplié depuis l'adoption de la loi Patriot Act pour la lutte contre le terrorisme. En 2000, le FBI avait délivré environ 8.500 lettres; en 2003, 39.000; en 2004, 56.000; et finalement en 2005 le nombre est retombé à 47.000. Or en 2005, le FBI ne signalait au Congrès que 9.254 lettres pour 2003 et 2004. Selon le rapport, ces violations n’étaient pas intentionnelles.


Le ministre de la justice, Alberto Gonzales, reconnait que les problèmes identifiés dans le rapport étaient sérieux et devaient être traités immédiatement, tout en répétant que les lettres de sécurité étaient des outils d'enquête cruciaux dans la lutte contre le terrorisme. Il avait également déclaré devant un groupe de défense de la vie privée qu'il avait été inquiet d'apprendre que les contrôles étaient insuffisants au FBI, que l'agence n'assurait pas une formation adéquate et ne respectait pas ses propres principes. Au moment où M. Mueller prenait l’entière responsabilité des dérapages sur ses épaules, le secrétaire à la Justice, Alberto Gonzales, ordonnait au FBI de faire le ménage dans ses procédures.


Le département de la justice a tout de même rendu publics environ 3 000 documents privés, un geste qui fait dire à beaucoup d'observateurs que le temps d'Alberto Gonzales est bel et bien compté. Le site Politico.com, qui a révélé l'affaire, publie même une liste des possibles remplaçants. Parmi eux, Christopher Cox, le président de la Securities and Exchange Commission (SEC, le "gendarme" de Wall Street), Michael Chertoff, secrétaire d'Etat à la sécurité intérieure, Frances Townsend, conseillère en sécurité intérieure auprès du président, Larry Thompson, ancien numéro deux du ministère de la justice et Ted Olson, ancien avocat fédéral auprès de la Cour suprême. (Le Monde, 21 mars 2007)


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Le New York Times a, le 11 mars dernier, décrit Alberto Gonzales comme le « consigliere de la présidence impériale de M. Bush. Plus que toute autre personne au gouvernement, à l’exception du vice-président Dick Cheney, M. Gonzales symbolise le mépris de M. Bush envers la séparation des pouvoirs, les libertés civiques et l’État de droit ». Le quotidien appelle à sa démission.