Le prix du pétrole a battu un nouveau record, mercredi à New York, dépassant pour la première fois la barre des 134 dollars. Le département américain de l’Énergie a annoncé mercredi que les stocks de pétrole brut des États-Unis ont diminué de 5,4 millions de barils, à 320,4 millions de barils au total, au cours de la semaine qui s’est achevée le 16 mai.
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Intéressante conjoncture qui permet aux langues de se délier à mesure que se rapproche le départ de Georges W. Bush. Sa visite au Moyen-Orient, deux fois en quatre fois, n’a laissé personne indifférent. Il stigmatise l’Iran et le Hamas puis se rend chez les Saoudiens pour demander plus de pétrole. Même si Riyad avait, la semaine précédente, augmenté la production de 300 000 barils par jour (bpj), ce qui a été perçu comme un échec politique et économique pour les États-Unis, monsieur Bush est venu dire au roi saoudien Abdullah bin Abdul-Aziz que la flambée des prix nuit aux plus importants clients du royaume, notamment les États-Unis. Les Saoudiens ont tout lieu de s’inquiéter de la politique énergétique des États-Unis qui vise à réduire leur « dépendance au pétrole » du Moyen-Orient.
Les Saoudiens soufflent le chaud et le froid. S’ils ont augmenté leur production de pétrole, ce n’est certes pas pour satisfaire l’insatiable appétit de l’Amérique. Mais plutôt parce qu’ils ont besoin de l’aide militaire américaine pour faire face aux Iraniens. Personne n’ignore que l’arme atomique pourrait conférer à l’Iran une position centrale au Moyen-Orient. Et comment ignorer un pays qui dispose de 20% des réserves de gaz dans le monde et de 7% des réserves de pétrole? L’exploitation des hydrocarbures représente, avec 70 milliards de dollars, 80 pour cent du revenu annuel en devises étrangères de l’Iran.
Quelques jours plus tôt, Georges W. Bush avait plaidé puissamment en faveur de la « terre du peuple choisi ». M. Bush n’a fait mention des Palestiniens qu’une seule fois dans son discours devant la Knesset. Ce n’est que du bout des lèvres que Georges W. Bush a bien voulu discuter de l’avenir de la Palestine. Dans 60 ans, Israël fêtera ses 120 ans, et « les Palestiniens auront le territoire qu’ils rêvent depuis longtemps » qui sera « un État démocratique gouverné par la loi, le respect des droits de l’Homme et le rejet du terrorisme ». Le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a annoncé sa démission si la paix n’est pas conclue avec Israël en 2008.
En même temps, Georges W. Bush a martelé son message sur la démocratie : « Certains (dans le monde arabe) disent que la démocratie est une valeur occidentale que l’Amérique veut imposer à des citoyens qui n’en veulent pas (…), or en vérité la liberté est un droit universel ». Le président égyptien Hosni Moubarak a simplement répliqué que son pays refusait « les tentatives d’imposer la démocratie par l’étranger ». Le premier quotidien égyptien Al-Ahram a estimé que : « le discours de Bush inspiré de la Torah soulève des interrogations sur la crédibilité du rôle des États-Unis au Proche-Orient ». Selon le quotidien : « Bush n’a d’autre but que d’apaiser Israël ». Al-Gomhouria, autre quotidien égyptien, décrit, dans un éditorial, le chef de la Maison Blanche comme un « président qui a échoué et qui ne livre rien d’autre qu’un infect discours ».
S’agissant du pétrole, en réponse aux demandes du président Georges W. Bush, le Ministre du Pétrole iranien, Gholamhossein Nozari, a déclaré : « Avec un pétrole à 126 dollars, ceux qui ont du pétrole seraient malavisés de ne pas satisfaire la demande ». Monsieur Bush, dont la politique au Moyen-Orient est en lambeau, est venu quémander les Saoudiens après avoir ignominieusement ignoré le plan de paix du roi Abdullah bin Abdul-Aziz. Il s’est fait bastonner par le même ministre Nozari : « Je pense que ce n’est pas le pétrole qui devient plus cher, mais que c’est le dollar qui devient meilleur marché ». Qu’à cela ne tienne, il se trouve des voix aux États-Unis pour soumettre le marché pétrolier aux règles anticartels du commerce international, voire de suspendre les ventes d’armes si Riyad n’accroît pas sa production pétrolière.
L’Iran, l’Inde et le Pakistan ont repris le dialogue pour relancer le projet de gazoduc, d’un montant de 7,6 milliards de dollars, reliant les trois pays. Le Pakistan et l’Inde ont passé outre les objections de Washington qui fait pression pour empêcher la conclusion de ce projet. Que dire de la Suisse qui s’approvisionne maintenant en Iran en vertu d’une entente de 27 milliards d’euros signée fin avril ?
Échec cuisant pour Georges W. Bush : Londres, Paris et Washington n’ont pas obtenu que les sanctions visant l’Iran soient étendues au domaine de l’énergie. Pourtant, ce mardi, un article du « Jerusalem Post» affirmait que le président américain George W. Bush avait toujours l’intention d’attaquer l’Iran avant la fin de son mandat, qui expire en janvier 2009. Selon l’article, un « membre important » de l’entourage de M. Bush avait livré cette confidence lors d’un huis clos au cours de la visite du président américain la semaine dernière en Israël. Cet article « qui cite des sources non identifiées ne vaut pas le papier sur lequel il est écrit », a réagi Dana Perino, porte-parole de la Maison Blanche.
La politique brutale des faucons de Georges W. Bush n’est pas sans conséquences. Le quotidien Le Monde résume en peu de mots la situation : « Une région déstabilisée et un crédit réduit presque à néant : le bilan des deux mandats de George W. Bush pour le Proche et le Moyen-Orient, où il vient probablement d’achever sa dernière tournée en tant que président des États-Unis, se résume à un magistral fiasco ». Joschka Fischer, ministre des Affaires étrangères et vice-chancelier de l’Allemagne entre 1998 et 2005, en vient à la même constatation dans le quotidien Le Figaro : « L’échec monumental qui s’appelle la « guerre en Irak », la fin du nationalisme laïque arabe et la hausse du prix du pétrole et du gaz ont entraîné de profonds changements dans la région. […]Si Israël, la Palestine et le Liban sont les principaux points chauds de l’ancien Moyen-Orient, la lutte pour le pouvoir dans le sillage de la guerre en Irak se déroule maintenant dans le Golfe persique, théâtre de nouveaux enjeux politiques. Le principal facteur de crise n’est plus le conflit israélo-palestinien, mais le risque d’une confrontation entre l’Iran et l’Arabie saoudite pour la suprématie subrégionale et entre l’Iran et les États-Unis pour l’hégémonie régionale ». Et Libération n’est pas plus tendre à l’égard du président américain : « Avec le départ du plus calamiteux de ses présidents, l’Amérique ne fermera pas une parenthèse. Elle n’en reviendra pas à l’époque où elle semblait encore capable de canaliser les crises et gérer les chaos d’un nouveau siècle. Elle découvrira, au contraire, que l’aventure irakienne a durablement réduit sa puissance en mettant son prestige et ses finances à mal, réduisant ses marges de manœuvre et diminuant, surtout, ses capacités d’intimidation ».
Autre crispation pour Georges W. Bush, au plan international. Un diplomate français de haut rang à la retraite, Yves Aubin de La Messuzière, s’est rendu, il y environ un mois, à Gaza pour y rencontrer les chefs du Hamas, Ismaïl Haniyeh et Mahmoud Zahar. La France venait d’admettre avoir repris contact avec le Hamas. « Le déplacement à Gaza de M. Yves Aubin de la Messuzière, chercheur associé à Sciences-Po, dont le ministère était informé, s’est déroulé sur une base individuelle comme cela est le cas pour des personnalités de nombreux pays, et encore récemment le président Carter », avait expliqué la porte-parole du Quai au cours d’un briefing de presse. Washington a réitéré lundi son opposition à tout contact avec le Hamas, « organisation terroriste ». « Nous ne pensons pas qu’un contact avec le Hamas rapprochera le peuple du Moyen-Orient de la paix », a déclaré le porte-parole du Département d’État américain, Sean McCormack.
Ce que Georges W. Bush n’a jamais su, et n’a jamais voulu, saisir dans sa politique extérieure est le fait que, comme l’a indiqué à juste titre, l’ancien président américain Jimmy Carter, le Hamas représente la moitié du peuple palestinien et que les israéliens et les américains ne pourraient jamais isoler son pouvoir de la scène palestinienne. Il semble que la France en vienne lentement à cette même constatation. Mais attention, « si les Français avancent trop vite, les Israéliens vont ruiner la visite de Sarkozy fin juin à Jérusalem », a commenté un expert du renseignement cité par Le Figaro.
Pour l’ancien ministre israélien de la Défense et des Affaires étrangères, Moshe Arens, interrogé par l’agence chinoise Xinhua : « L’ensemble des négociations politiques est un gaspillage de temps, parce que nous négocions avec une partie affaiblie de l’Autorité nationale palestinienne (ANP) qui ne peut s’engager à quoi que ce soit ». S’agissant du président Bush, Moshe Arens en vient à la conclusion que : « Il est tout à fait possible que le président américain n’ait pas totalement conscience des problèmes auxquels cette négociation est confrontée, malgré ses indubitables bonnes intentions ». Pour sa part, Sattar Kassem, professeur en sciences politiques de l’Université nationale An-Najah, près de Naplouse, se montre très dur à l’égard des États-Unis : « le plus grand problème chez Israël et les Etats-Unis est leur position émanant d’ « un état d’âme occidental ». Les États-Unis et Israël ont échoué à plusieurs reprises à parvenir à un accord de paix avec les Palestiniens, du fait qu’ils ne savent pas et ne comprennent pas la situation globale. Ce qu’ils font vraiment est de se préparer à la prochaine guerre ».
(Sources : AFP, Cyberpresse, Jerusalem Post, Le Monde, Libération, Le Figaro, Xinhua)
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