Le Canada a pris résolument le chemin qui mène vers les scandales. Le gouvernement conservateur qui se voulait au-dessus de la mêlée et qui s’est fait élire sur la base d’un engagement à gouverner avec droiture ne cesse depuis quelques mois d’être éclaboussé. La presse canadienne consacre toutes ses unes à la démission du ministre des Affaires étrangères du Canada, Maxime Bernier.
Comme tout scandale, c’est par brides successives que les révélations se font de plus en plus croustillantes. Tout commence le jour de l’assermentation du député Maxime Bernier au poste de ministre des Affaires étrangères. Il se présente au bras d’une dame qui surprend à plus d’un titre par sa beauté et sa tenue vestimentaire. Une robe si échancrée qu’elle ne laisse place à aucun doute. Les charmes sont bien en place. La presse cherche aussitôt à connaître l’identité de cette compagne. Personne n’est en mesure ou personne n’a l’autorisation de révéler l’identité de cette personne qui se présente ainsi à une cérémonie hautement protocolaire.
Nommé aux Affaires étrangères en août 2007, Maxime Bernier, 45 ans, est, depuis plusieurs semaines, l’objet de nombreuses critiques que lui adresse inlassablement l’opposition en raison de ses gaffes ainsi que de sa relation avec une femme au passé trouble dont le nom n’a été révélé que ces dernières semaines. En effet, c’est le quotidien Globe and Mail qui, au début du mois de mai, a rendu public des documents judiciaires datant de 2003 établissant que madame Julie Couillard, aperçue à ses côtés lors de sa prestation de serment, en août dernier, avait été mariée à un membre d’une bande criminelle organisée.
Mise sur pied en septembre 1995, l’escouade Carcajou était un groupe d’élite principalement composé d’enquêteurs de la Gendarmerie royale du Canada, de la Sûreté du Québec, du service de police de la Communauté urbaine de Montréal et de divers autres corps de police municipaux du Québec. Madame Julie Couillard, puisque c’est bien d’elle dont il s’agit, a, en 1995, été soupçonnée et fait l’objet d’une garde à vue de 18 heures en raison de ses relations et des relations de son père, Marcel Couillard, avec les milieux criminalisés. Julie Couillard, son père, son conjoint et trois autres personnes ont été arrêtées relativement à un complot pour meurtre. Aucune accusation n’a, cependant, été portée contre madame Couillard. Plus tard, le conjoint de madame Couillard, monsieur Gilles Giguère, est assassiné, en 1996, en raison des soupçons de ces mêmes groupes criminalisés qui planaient sur cet homme. Plusieurs craignaient qu’il ne soit devenu un indicateur de police. Madame Couillard a vécu avec monsieur Giguère de 1993 à 1996. Par la suite, en 1999, alors âgée de 30 ans, quitte, autre membre des groupes criminalisés, les Hells Angels Nomads. En 2001, monsieur Marcel Couillard, le père de Julie, est condamné pour avoir fait pousser de la marijuana dans une serre hydroponique créée par le conjoint de cette dernière, monsieur Stéphane Sirois. Ce dernier est par la suite devenu délateur.
Questionné une première fois, aux Communes, le ministre des Affaires extérieures, Maxime Bernier, a opposé une fin de non recevoir prétextant que cette affaire concernait sa vie privée et que les liaisons précédentes de Mme Couillard étaient du « passé ». La presse, qui a multiplié à l’encontre de madame Couillard les enquêtes, a révélé qu’en 2004, Mme Couillard avait eu une nouvelle liaison, cette fois, avec monsieur Robert Pépin, un autre individu aux relations louches avec le milieu interlope. Pépin a, la même année de sa rencontre avec madame Couillard, plaidé coupable à une accusation de recel à la suite du vol d’une cargaison de marchandises. Le couple a rompu au début de 2005.
En mai 2007, monsieur Robert Pépin s’est suicidé dans les bureaux de son entreprise. Mme Couillard avait été vice-présidente et actionnaire de l’entreprise de monsieur Pépin. L’entreprise de monsieur Pépin était, en 2007, aux prises avec des difficultés importantes à la suite du retrait d’investisseurs potentiels, avec, en plus d’importantes dettes envers divers créanciers, dont le groupe criminalisé les Hells Angels. De plus, en mai 2007, quelques jours avant sa mort, monsieur Pépin avait reçu, de l’Autorité des marchés financiers (AMF), une assignation à comparaître.
Ces dernières années, madame Couillard exploitait une entreprise spécialisée dans les systèmes de haute technologie de sécurité. Présidente, secrétaire et trésorière de cette entreprise incorporée en février 2005, Itek Solutions globales, madame Couillard s’est s’intéressée à la sécurité dans les aéroports canadiens. Le député du Parti québécois et ancien solliciteur du Québec, monsieur Serge Ménard, a jugé « invraisemblable » et inquiétant qu’une agence de sécurité, dirigée par Julie Couillard et un individu lié au monde criminel, ait tenté de s’immiscer dans la sécurité des aéroports.
Au cours de sa relation avec le ministre des Affaires étrangères, Maxime Bernier, Mme Couillard était présente dans ses voyages à l’étranger. Elle a exigé d’être présente aux séances d’information du ministre, ce qui déplaisait par-dessus tout aux fonctionnaires du ministère. Il semblerait que le Premier ministre a dû rappeler à l’ordre Maxime Bernier : madame Couillard n’était pas sa directrice des communications et n’avait donc pas à intervenir dans la stratégie de communication avec les médias.
Face aux questions de l’opposition, le Premier ministre se cantonnait derrière une réponse laconique : « Je n’ai pas l’intention de faire un commentaire sur une ancienne blonde d’un ministre. Ce n’est pas quelque chose que je prends au sérieux ». Pour le gouvernement, malgré tout embarrassé par cette affaire, la position officielle se résumait à dire que les relations de M. Bernier avec Mme Couillard étaient une affaire privée. Maxime Bernier et Julie Couillard ont entretenu une relation au moins jusqu’au 31 mars dernier.
La carrière de monsieur Maxime Bernier au poste de ministre des Affaires étrangères du Canada n’est qu’une suite de faux pas. Le ministre avait notamment mis Ottawa dans l’embarras en suggérant publiquement au président afghan, Hamid Karzaï, de limoger le gouverneur de la province de Kandahar, dans le Sud afghan, où sont déployés 2 500 soldats canadiens. Avant sa démission, le ministre Bernier avait pris l’engagement d’utiliser les quatre nouveaux avions de transport C-17 du Canada pour assurer le transport de quatre hélicoptères de l’ONU dans la région de la Birmanie. Sauf que les appareils n’étaient pas disponibles. Le Globe and Mail expliquait que deux appareils sont en réparation (l’un à Trenton, l’autre à Bangkok), un autre est l’objet d’ajout d’équipement additionnel au Texas et le quatrième est en Afghanistan. Le gouvernement fédéral a déboursé 3,4 milliards de dollars pour l’achat et l’entretien de ces quatre C-17. Le gouvernement du Canada a dépensé environ un million de dollars pour louer un avion russe Antonov afin de remplir cet engagement du ministre des Affaires étrangères qui n’avait pas, au préalable, vérifié la disponibilité des C-17.
Pourtant, le coup de grâce qui a terrassé Maxime Bernier n’est pas venu du cumul de ses faux pas. C’est plutôt l’amoureuse éconduite, madame Julie Couillard, qui l’a asséné en révélant, au cours d’une entrevue exclusive au réseau de télévision TVA, que le ministre avait laissé un document, un soir qu’il était venu la visiter à la mi-avril, à sa résidence. Une erreur qualifiée de « très grave » par le premier ministre Stephen Harper. Madame Couillard n’a pas donné plus de précision sur la confidentialité du document.
Au cours de son entrevue, madame Couillard a fait cette révélation surprenante : « Ils [les groupes de motards] n’étaient pas des enfants de chœur, sauf qu’ils m’ont toujours bien traitée. Je me sentais beaucoup plus respectée et en sécurité avec eux que je ne me suis sentie au cours des trois dernières semaines… » Madame Couillard a révélé que Maxime Bernier était bien au fait de ses anciennes relations avec des gens reliés de près ou de loin avec des groupes de motards criminalisés. Pour madame Couillard, le ministre Bernier « lui a manqué de respect ». Et selon madame Couillard : « Il y a eu un gros manque de jugement de sa part. Il aurait dû prévenir tout ce qui se passe présentement ».
D’où, semble-t-il, cette révélation fatale des documents ultraconfidentiels oublié par le ministre à sa résidence, endroit sans surveillance et non sécurisé. Selon une source, les documents en question comportaient des notes de préparation pour le ministre en prévision d’une réunion de l’OTAN à Bucarest, où la prolongation de la mission canadienne en Afghanistan allait être discutée.
Les fréquentations du ministre des Affaires étrangères avec une personne liée au monde interlope est une affaire privée, répète invariablement le Premier ministre. Mais oublier des documents chez cette même copine est : « une erreur très grave pour n’importe quel ministre. Nous devons tout le temps accepter des responsabilités pour des documents classifiés ». M. Harper a tenu à répéter que la démission n’avait rien à voir avec la relation qu’entretenait jusqu’à tout récemment M. Bernier avec Julie Couillard.
Dans la capitale française, première étape d’une tournée de quatre pays européens visant à préparer le prochain sommet du G8, le Premier ministre Stephen Harper n’a pu éviter ce scandale qui le poursuit jusqu’en Europe. Monsieur Harper a déclaré qu’il ne jugeait pas utile de tenir une enquête approfondie sur toute cette affaire. Pour l’heure, monsieur Harper est bien loin de la tourmente qui sévit sur la colline parlementaire. En éditorial, le quotidien La Presse note que : « Le premier ministre espère peut-être que la démission de M. Bernier et son propre départ pour l’Europe mettent un terme à la controverse. Ça ne sera évidemment pas le cas. Les partis de l’opposition et les médias ne lâcheront pas cet os, et ils auront parfaitement raison. M. Harper, qui connaît bien l’histoire, devrait savoir que les gouvernements qui cherchent à camoufler la vérité se font toujours bien plus de tort que s’ils l’avaient révélée dès le départ ».
(Sources : Canoë, Cyberpresse, Presse canadienne)
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