Des conseillers ont pour fonction de conseiller. Tautologie qui pourrait en rebuter plus d’un. Pourtant, il suffit de passer en revue l’actuelle campagne présidentielle aux États-Unis pour réaliser qu’un conseiller, si futé fut-il, peut être la source de dérives qui ont un impact particulièrement négatifs sur ceux ou celles qu’ils doivent éclairer de leur science, de leur savoir et de leur sagesse.
John McCain
Le télévangéliste Rod Pasley, de la World Harvest Church of Colombus, invitait le candidat républicain John McCain à son sanctuaire de 5200 sièges. Le révérend Pasley profitait de l’occasion pour louer le candidat républicain, un fils spirituel, comme étant « un vrai conservateur fort » tout en formulant le vœu que les chrétiens déclarent la « guerre » à la « fausse religion » de l’islam pour enfin la détruire (« Islam is an anti-Christ religion predicated on deception ». « The Muslim prophet Muhammad received revelations from demons and not from the true God ». « Allah was a demon spirit ». « The United States has historically understood herself as a bastion against Islam but history is crashing in upon us »). Il profitait également de la présence du sénateur candidat McCain pour dénoncer du haut de son prétoire ce qu’il a qualifié le « désespoir spirituel » de l’Amérique qui n’a d’autres sources que dans ces juges qui prônent la séparation de l’église et de l’État, dans la culture homosexuelle (homosexuals are anything but happy and carefree), dans l’industrie de l’avortement et cette autre immonde industrie du loisir et du spectacle (crass and profane entertainment industry) ».
« McCain aurait mieux fait de travailler à améliorer la proposition de Boeing plutôt d’envoyer des emplois en France ». Voilà la remarque lancée brutalement par un conseiller démocrate à l’endroit du candidat républicain. Le 29 février dernier, l’armée de l’air des États-Unis (US Air Force) donnait au consortium EADS-Northrop un contrat de 35 milliards de dollars (22,8 milliards d’euros) pour fournir 179 avions ravitailleurs. Contrat dénoncé dans les rangs politiques et syndicaux, au nom de la sécurité nationale et des emplois perdus. Des élus, notamment démocrates, ont dénoncé des « transferts de technologies sensibles vers la France ». McCain avait joué un rôle important dans le processus. Il avait contribué à bloquer un précédent contrat avec Boeing et poussé le Pentagone en 2006 à lancer des appels d’offres n’excluant pas Airbus.
Plus embarrassant pour le candidat est le fait que de proches conseillers ont effectué un travail de lobbying pour le groupe EADS (European Aeronautic Defense and Space) qui a décroché le contrat. EADS avait retenu les services des groupes de pression Ogilvy et Loeffler. Tom Loeffler et étaient les lobbyistes présents au dossier, selon ce que rapportent des rapports déposés au Sénat. Comme l’indique le New York Times, Susan Nelson a quitté la firme pour occuper le poste de directrice financière de la campagne McCain. Le lobbyiste pour Ogilvy, John Green, attaché également au dossier EADS, a pris un congé sabbatique pour participer à la campagne du candidat républicain. Selon ce dernier, il affirme être intervenu « dans un processus qui était clairement corrompu ». John McCain ne s’est jamais embarrassé de recruter les meilleurs lobbyistes, comme l’indiquait déjà, en février dernier, le Washington Post.
Boeing, en contre-attaque, vient de demander au Government Accountability Office (GAO) de réexaminer cette décision pour des motifs d’irrégularités qui l’ont placé dans une position « de désavantage compétitif » et l’avaient même « pénalisé ».
Barack Obama
Rully Dasaad était dans la classe de Barack Obama, en 1970, à Jakarta. Il revient, sur France24, sur la polémique autour de leur école primaire, qualifiée de « Madrasa islamique » par des médias conservateurs américains. « Les rumeurs selon lesquelles Barry a étudié dans une “madrasa islamique” ne sont que des mensonges. C’est juste parce que son beau-père et son père sont musulmans. À l’époque, il n’y avait pas de petite mosquée comme celle-là [Il y a aujourd’hui une mosquée à l’intérieur de l’école]. Cette école était une école publique normale. Il y avait des enfants chinois bouddhistes, des hindous de Bali, des chrétiens et des musulmans. Nous étions tous mélangés. Ce n’était pas une école réservée aux musulmans, pas du tout ».
Jeremiah Wright, de la Trinity United Church of Christ, à Chicago, a souvent été présenté comme le mentor de Barack Obama pendant sa jeunesse. Dans une vidéo non datée, le pasteur affirme que la sénatrice Clinton ne s’est « jamais fait traiter de nègre » ! Le pasteur Wright prend sa retraite sous peu. Ce qui ne lui interdit nullement d’aimer la controverse, au risque de nuire franchement au candidat démocrate, Barack Obama. À un point tel que Barack Obama n’a eu d’autre choix que de se dissocier, lors d’un entretien téléphonique, de celui qui fut son conseiller spirituel : « This is a pastor who is on the brink of retirement who in the past has made some controversial statements. I profoundly disagree with some of these statements ».
La presse américaine a, par ailleurs, fait ses choux gras avec une récente sortie du pasteur Wright particulièrement provocante : « The government gives them the drugs, builds bigger prisons, passes a three-strike law and then wants us to sing ‘God Bless America.’ No, no, no, God damn America, that’s in the Bible for killing innocent people. God damn America for treating our citizens as less than human. God damn America for as long as she acts like she is God and she is supreme ». Richard Hétu, correspondant de La Presse, à Washington, en a parlé dans une chronique : « Après avoir énuméré les fautes de son pays, le pasteur s’est demandé en 2003 si les Noirs devraient pas chanter God Damn America plutôt que God Bless America ». C’est ce même pasteur qui déclarait un 16 septembre 2001 : « We bombed Hiroshima, we bombed Nagasaki, and we nuked far more than the thousands in New York and the Pentagon, and we never batted an eye ».
La saga des faux pas ne s’arrête pas là. Il a suffi de quelques heures pour qu’une conseillère de M. Obama en politique étrangère, Samantha Power, 37 ans, démissionne après avoir traité Mme Clinton de « monstre » dans un quotidien britannique, The Scotsman (We f*** up in Ohio. In Ohio, they are obsessed and Hillary is going to town on it, because she knows Ohio’s the only place they can win. She is a monster, too – that is off the record – she is stooping to anything). Mme Power avait également affirmé à la BBC que l’engagement de M. Obama de retirer d’Irak toutes les troupes de combat en 16 mois, n’était que « le scénario le plus optimiste », susceptible d’être révisé. L’économiste Austan Goolsbee, 38 ans, professeur à l’université de Chicago, est cité dans une note d’un diplomate canadien comme ayant expliqué que les critiques de M. Obama contre l’Alena (Accord de libre-échange nord-américain) ne reflétaient pas son engagement en faveur du libre-échange. Le directeur de campagne de M. Obama, David Plouffe, a convenu que l’affaire Goolsbee avait été mal gérée, « de toute évidence nous aurions aimé que cela soit mené différemment ».
Hillary Clinton
Hillary Clinton a mercredi soir dernier posé un geste qu’elle ne fait presque jamais. Elle s’est excusée. Peu après la primaire de Caroline du Sud, remportée haut la main par Barack Obama, Bill Clinton avait alors rappelé que Jesse Jackson, autre candidat noir, avait lui aussi remporté la primaire de cet État en 1984 et 1988. Ce commentaire avait été interprété comme une volonté de déprécier la victoire du sénateur de l’Illinois. « Nous pouvons être fiers à la fois de Jesse Jackson et du sénateur Obama », a commenté Hillary Clinton. « Je suis désolée si quiconque a été offensé. Ce n’était certainement pas destiné à être offensant ».
Au cours de cette même occasion, madame Clinton avait également fait acte de contrition au nom de sa collaboratrice, Geraldine Ferraro. Chargée de lever des fonds pour le clan Clinton, Mme Ferraro a été contrainte de quitter ses fonctions à la suite de propos jugés déplacés à l’égard de Barack Obama : « Si Obama était blanc, il ne serait pas dans cette position. Et, s’il était une femme (blanche ou noire, NDLR), il ne serait pas dans cette position. Il a beaucoup de chance d’être ce qu’il est. Et le pays est pris dans ce concept ». Aussitôt, madame Clinton avait réagi à ces propos : « Je désavoue catégoriquement (ces propos) et je regrette profondément qu’ils aient été exprimés. Évidemment, elle ne s’exprimait pas au nom de l’équipe de campagne, elle n’exprimait aucune de mes opinions ».
Madame Clinton a profité de ces excuses pour en formuler un autre, celle-là adressée à la piètre gestion du président républicain Georges W. Bush : « Je l’ai dit publiquement, et je le dis en privé: je présente mes excuses, et je suis gênée de voir que notre gouvernement ait si mal traité nos compatriotes. C’est une honte nationale ». Mme Clinton parlait des victimes de l’ouragan Katrina et des défaillances des autorités fédérales pour leur venir en aide.
L’été 1995, Monica Lewinsky, 22 ans effectue un stage à la Maison Blanche. Trois ans plus tard, elle se confesse au procureur Kenneth Star et avoue avoir eu des relations sexuelles avec Bill Clinton dans le bureau ovale. Treize ans plus tard, le gouverneur démocrate, Eliot Spitzer, démissionne de ses fonctions. Il a été contraint de quitter son poste, deux jours après avoir été accusé de fréquenter des prostituées de luxe. Hillary Clinton perd l’un de ses soutiens les plus fervents. Comme l’indique le Washington Post, cette démission n’est pas sans effets sur la campagne d’Hillary Clinton qui avait émis un communiqué dès l’annonce du scandale : « Je suis profondément attristée par la tournure des événements et mes pensées accompagnent la famille du gouverneur Spitzer en cette période douloureuse ». Les humoristes américains s’en sont donnés à cœur joie, se payant la tête des Spitzer et des Clinton, comme l’indique le Post. David Letterman a dressé la liste des 10 excuses que pourrait citer Eliot Spitzer pour expliquer ses liens avec un réseau de prostitution. Excuse numéro un: « Je pensais que Bill Clinton avait légalisé ça ».
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