Pendant sa campagne électorale, Nicolas Sarkozy avait déclaré que la présence française en Afghanistan n’était « ni décisive » ni éternelle. La conjoncture d’un président en poste fait que certains engagements doivent changer de cap. Pour Nicolas Sarkozy, plus en lien avec les États-Unis que ses prédécesseurs, la France doit regagner les rangs de l’Otan et y jouer un rôle majeur. En août 2007, Nicolas Sarkozy avait indiqué qu’il souhaitait une rénovation de l’alliance atlantique dont il a rappelé que la France a été l’un des membres fondateurs. En septembre de la même année, dans une entrevue accordée au New York Times, le président français se disait prêt à joindre la structure de commandement militaire de l’OTAN après une absence, depuis 1966, par suite d’une décision du Général de Gaulle.

Le quotidien britannique The Times affirmait samedi que la France allait dépêcher « un peu plus de 1 000 hommes dans l’est » du pays. En Afghanistan, la France a perdu treize soldats et 109 ont été blessés. Contrairement à ce qui s’est passé en Allemagne et au Canada, notamment, cette décision est prise en dehors de tout débat parlementaire, au grand déplaisir du député socialiste Jack Lang qui a demandé au Premier ministre, François Fillon, « de consulter, au plus vite, le Parlement au sujet de l’envoi éventuel de troupes supplémentaires en Afghanistan, alors que les opérations de l’OTAN dans ce pays sont un demi échec ». Nicolas Sarkozy officialiserait le tout lors du sommet de l’Otan, à Bucarest, du 2 au 4 avril prochain. Au cours de la récente visite de John McCain, candidat républicain à la Maison Blanche, reçu à Paris par Nicolas Sarkozy, l’entretien de 45 minutes, entre les deux hommes, a essentiellement porté sur le réchauffement climatique et la situation en Afghanistan. Il a été question que Paris puisse bientôt y renforcer sa présence, comme le souhaite Washington. Le candidat américain a salué l’énergie et la détermination du chef de l’État à renforcer le lien franco-américain.

Au Canada, la Chambre des communes avait accepté récemment de prolonger la présence militaire canadienne en Afghanistan à condition d’obtenir des renforts des autres pays de l’Otan. Le Canada en faisait même une condition pour prolonger sa mission jusqu’en 2011. Le Premier ministre canadien, Stephen Harper, avait contacté Nicolas Sarkozy pour lui demander des renforts de soldats et de matériel dans l’éventualité où le Canada demeurerait en Afghanistan. Nicolas Sarkozy devrait annoncer, lors de sa visite d’État au Royaume-Uni, du 26 au 28 mars, au premier ministre britannique, Gordon Brown, l’envoi de ce millier de soldats supplémentaires en Afghanistan. La nouvelle aurait de quoi réconforter Stephen Harper. Mais voilà. Rien ne garantit que cette aide tant attendue soit destinée aux forces militaires canadiennes dans le Sud, en raison notamment des options sur la table.

Au sein de la Force internationale d’assistance à la sécurité (Isaf) de l’Otan en Afghanistan, la France n’est, pour rappel, que le septième contributeur avec 2.200 soldats français engagés sur le théâtre d’opérations afghan, dont 1.500 en Afghanistan même, derrière les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie, le Canada et les Pays-Bas. C’est donc au cours du prochain sommet de l’Otan, du 2 au 4 avril à Bucarest, que Nicolas Sarkozy annoncera un renforcement significatif de sa présence militaire en Afghanistan, à la plus grande satisfaction de l’Alliance atlantique et de Washington. Cette décision fait l’objet de discussions avec les alliés et surtout avec les États-Unis qui ont demandé, avec insistance, à la France d’utiliser sa prochaine présidence de l’Union européenne, en juillet, pour inciter les pays membres à accroître leurs dépenses militaires et l’investissement dans le matériel et les troupes. De cette façon, les alliés européens des États-Unis pourraient jouer un plus grand rôle militaire dans l’occupation de l’Afghanistan et l’Irak. Le durcissement de ton du président français à l’égard du programme nucléaire de l’Iran était un bon pas dans cette direction. Et sa décision d’établir en 2009 une première base militaire permanente près des côtes de l’Iran, dans la région du golfe Persique, également.

En Afghanistan, la préférence des militaires français irait pour un déploiement à l’Est alors que le Canada se débat au Sud. Les forces spéciales françaises préfèrent cette région puisqu’elles la connaissent mieux et que cette option, comme l’indique l’AFP, assurerait une « cohérence tactique et logistique » entre les unités françaises de Kaboul, les instructeurs présents dans les provinces voisines du Logar, du Wardak et de Kapissa et de nouvelles unités qui seraient déployées sous commandement américain.

Intervenir dans la région du Sud, aux côtés des Canadiens, dont plus de 80 soldats ont trouvé la mort depuis 2002, aurait pour conséquences fâcheuses, selon les stratèges militaires français, de disperser les unités en raison notamment des distances beaucoup plus importantes entre la capitale et les zones d’opérations. Outre le déploiement de nouvelles troupes, il faudrait maintenir celles déjà présentes dans la capitale ainsi que des avions de chasse français déployés sur la base de l’Otan de Kandahar. « Les décisions ne sont pas prises », assure-t-on à Paris, faisant valoir que « les discussions avec les alliés se poursuivront jusqu’au dernier moment ». Pour sa part, Berlin a consenti à déployer une force d’action rapide dans le nord du pays mais se refuse à l’idée de participer aux opérations dans le sud, en proie à des violences et des combats bien plus importants.

Quoiqu’il en soit, les deux régions sont davantage exposées aux violences et à l’insurrection des taliban que le reste du pays. Contrairement aux autres membres de l’Isaf (États-Unis, Royaume-Uni, Canada ou Pays-Bas), la France a été tenue à l’écart des affrontements sérieux au sol. Les forces spéciales françaises ont même été rapatriées, fin 2006, alors que, dans le Sud, la guerre gagnait en intensité. En revanche, l’aviation n’a cessé de participer aux frappes. Ainsi, au cours du second semestre 2007, environ 20 bombes françaises ont été larguées chaque mois.

Dans le sud du pays, les forces de l’Otan constatent que les combattants talibans se réinstallent dans les villages. « Nous sommes face à une guerre subversive et nous manquons d’hommes », a déclaré, au quotidien Le Monde, le général Guy Laroche, chargé du commandement des troupes canadiennes. Les talibans privilégient le harcèlement contre la coalition. Les États-Unis et l’Otan multiplient les pressions sur leurs alliés afin d’obtenir un renfort de 7 500 hommes. Alors qu’Allemands et Français occupent des zones relativement calmes (les Français dans les environs de Kaboul à l’exception des instructeurs), Britanniques, Canadiens, Danois et Néerlandais sont engagés, depuis l’été 2006, dans de violents combats au Sud.

La Turquie a fait savoir au vice-président, Dick Cheney, lors de son passage à Ankara, qu’elle n’accroîtra pas pour le moment son engagement en Afghanistan. Selon un interlocuteur turc, anonyme : « La Turquie attache de l’importance à la sécurité en Afghanistan et, en tant que membre de l’Otan, elle se conforma aux décisions de l’Otan. Toutefois, elle se pliera à ces décisions tant qu’elles n’affaiblissent pas son propre combat contre le terrorisme ».

Le renfort d’une vingtaine d’hommes que la Belgique s’était engagée à fournir à la force de l’OTAN en Afghanistan à partir du 1er avril partira plus tard qu’initialement envisagé. La raison de ce report réside dans les retards pris dans la construction des nouvelles installations de l’aéroport de Kaboul. L’armée belge a actuellement déployé quelque 360 militaires en Afghanistan.

Selon l’agence de coordination de l’aide à l’Afghanistan (ACBAR), les pays occidentaux n’ont pas fourni les 10 milliards d’aide promis à l’Afghanistan, sapant les perspectives de paix qui dépendent du développement du pays. La communauté internationale s’était engagée à octroyer 25 milliards de dollars à l’Afghanistan depuis 2001, année de la chute du régime des talibans. Les militaires américains dépensent environ 100 millions de dollars par jour en Afghanistan, comparé à une moyenne de 7 millions par jour de dons internationaux sur la même période, poursuit l’agence.

Les artilleurs canadiens en Afghanistan ont maintenant l’autorisation de tirer des obus d’artillerie guidés par un système de positionnement mondial (GPS) en direction des talibans - au coût de 150 000 $ pièce. L’obus Excalibur, présenté par ses fabricants comme la nouvelle génération de munitions d’artillerie, pourrait bien s’avérer la plus coûteuse des munitions conventionnelles jamais employées par l’armée. Son coût élevé suscite les critiques des adversaires de la guerre, qui disent que cela revient à tirer une Ferrari.

Quel sera le prix à payer pour cette folie menée en Afghanistan? « Mon sentiment est que l’avenir de l’Otan est en jeu en Afghanistan autant que l’avenir de l’Afghanistan (lui-même) », a affirmé le président de la Commission sénatoriale des Affaires étrangères, le démocrate Joseph Biden.

Sources : AFP, DW-World, Le Monde, Presse canadienne

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