Le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme (BIDDH), l’Assemblée parlementaire de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et le Conseil nordique (qui regroupe le Danemark, la Norvège, la Suède, la Finlande et l’Islande) ont refusé d’envoyer leurs délégations pour surveiller la journée du 2 mars prochain, jour de scrutin en Russie. Ce boycotte s’explique par les restrictions relatives au nombre d’observateurs et au calendrier de leur mission imposés par Moscou. « Il est évident que M.Medvedev recueillera la plupart des voix cette année tout comme le président russe Vladimir Poutine a obtenu la majorité écrasante il y a quatre ans », déclarait le représentant de l’OSCE. Pour l’OSCE, la durée de la mission d’observation et le nombre des observateurs auraient dû être définis par les observateurs eux-mêmes. Pour, le scrutin du 2 mars prochain ne sera qu’un « simulacre d’élections libres ». Le Kremlin a restreint les libertés à l’approche des élections présidentielle et législatives de dimanche, accuse l’organisation de défense des droits de l’homme. Amnistie internationale voit dans la répression des manifestations de l’opposition, le harcèlement de militants et de journalistes et les restrictions imposées à des organisations de la société civile le signe d’un déclin des libertés.

« La Russie ne laissera personne lui dicter ses conditions, mais respectera ses engagements internationaux, notamment en matière de suivi de l’élection présidentielle du 2 mars prochain », avait clairement déclaré le président russe Vladimir Poutine. « Nous ne nous nous soumettrons à aucun diktat, mais nous respecterons ce que nous avons signé. C’est un principe fondamental du droit international », avait indiqué le chef d’État. Il commentait ainsi le refus du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme (BIDDH) et de l’Assemblé parlementaire de l’OSCE d’envoyer leurs observateurs à l’élection présidentielle.

Par contre, les observateurs de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE), l’assemblée parlementaire de la CEI (Communauté des États indépendants) et par leurs collègues de l’OCS (Organisation de coopération de Shanghai) seront présents sur place. L la mission électorale de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) avait déploré l’absence, en Russie, des observateurs du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme (BIDDH) de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) « qui effectuaient, en règle générale, un long suivi des élections ». Au lendemain de l’élection, le 3 mars prochain, le chef de la mission des observateurs fera connaître son appréciation de l’élection au cours d’une conférence de presse à Moscou.

Pour Vladimir Poutine, il est clair que la politique russe, dans l’espace de la Communauté des États Indépendants (CEI), ne changera pas en cas de victoire du premier vice-premier ministre, Dmitri Medvedev, aux prochaines élections présidentielles. Le président sortant est déjà en mesure de confirmer lui-même la politique que poursuivra le nouveau président élu, Dmitri Medvedev. « J’estime qu’il ne devrait pas y avoir de changements révolutionnaires puisque Dmitri Medvedev est l’un des auteurs de la politique (russe) sur cet axe ». Personne n’ignore que Medvedev est le dauphin de l’actuel président et que Vladimir Poutine s’est réservé le poste de Premier ministre. « Nul ne l’ignore, j’ai jugé possible de l’appuyer de la façon la plus énergique », n’a pas hésité à déclarer Vladimir Poutine à l’égard de son grand ami, Dmitri Medvedev. « Je connais Dmitri Anatolievitch depuis très longtemps, nous travaillons ensemble depuis plus de 17 ans. Dmitri Anatolievitch, surtout lorsqu’il dirigeait l’administration présidentielle, a été l’un des membres de mon équipe les plus proches de moi, et c’est avec lui que nous avons mis au point les principales décisions, y compris dans l’axe le plus important pour nous, celui de la Communauté des États indépendants (CEI) ».

La presse russe s’est montrée fort complaisante à son égard. Fort du soutien de Vladimir Poutine, ne faisant face à aucune opposition structurée, Dimitri Medvedev a tout lieu de croire à une victoire certaine aux prochaines élections qui auront lieu ce dimanche. Vladimir Poutine, qui convoite lui-même le poste de Premier ministre, prépare le terrain : il a loué la façon dont son dauphin, Dimitri Medvedev, a mené les grands programmes de santé, d’éducation, de logement et d’agriculture.

À 42 ans, Medvedev deviendra, s’il est élu, le plus jeune dirigeant de la Russie depuis le tsar Nicolas II. Intelligent et direct, Medvedev est reconnu pour sa proverbiale prudence. Il n’aime pas le risque. Plusieurs le qualifient d’homme dur qui n’hésiterait pas à prendre des décisions les plus impopulaires au nom de la nation russe. Comme juguler la chute de la natalité en Russie : la population russe est passée de 149 millions à 142 millions d’habitants depuis la chute de l’URSS en 1991. La ministre de la Santé, Tatiana Golikova, s’est engagée jeudi à ce que le déclin démographique cesse en 2011 avec une population stabilisée à 143 millions d’âmes. Dmitri Medvedev fondera dans sa politique, en cas de victoire à la présidentielle, sur quatre « i » : institutions, infrastructure, innovations et investissements. Et pour réaliser cet objectif, il lui faudra venir à bout de sept problèmes : surmonter le nihilisme juridique, abaisser radicalement les barrières administratives, alléger le fardeau fiscal dans le but d’encourager les innovations et les investissements privés dans le capital humain. L’accès à un logement décent est la principale préoccupation des Russes. Medvedev donc entend porter la part des Russes en mesure de s’offrir un logement à 35% en 2012 contre 20% actuellement. Selon les statistiques officielles, environ deux millions de Russes sont logés dans d’anciens foyers de travailleurs construits du temps de l’Union soviétique. Bien plus, 14 à 20 millions, selon Irina Bergalieva, présidente du mouvement de défense des habitants des foyers. Plus d’un Russe sur dix, les laissés-pour-compte de la nouvelle Russie. D’ici 2012, il souhaite porter le volume de construction de logements à 1 mètre carré par personne et par an : « Les citoyens qui ont la possibilité d’acquérir un logement sur le marché, en faisant appel à leurs propres économies, aux crédits au logement et en profitant de l’aide de l’État doivent constituer au moins 35% de la population en 2012 contre 20% actuellement et atteindre à terme 60 à 70%, soit la part de la classe moyenne dans le pays ».

Au plan médiatique, Dimitri Medvedev impose, par sa posture, le respect et l’admiration. À quelques jours du scrutin, force est de reconnaître que le futur président occupe l’avant-scène de l’actualité, reléguant pour l’heure Vladimir Poutine au rôle de simple figurant. Il est difficile pour le futur candidat à la présidence russe de mal paraître, crédité d’ores et déjà de 61 à 80% des votes, et cela, en l’absence de véritable course électorale. Par ailleurs, l’acte de foi est on ne peut plus clair : « Si la direction de l’État m’est confiée, je m’engage à poursuivre dans la voie qui a déjà prouvé son efficacité, dans la voie du président Poutine », a déclaré Dimitri Medvedev à Nijni-Novgorod. En tout bon stratège qu’il est, le futur président de la Russie se réclame de la continuité pour assurer aux russes le bien-être qu’ils exigent de leurs chefs élus : « Je comprends très bien à quel point la stabilité et la continuité sont importantes pour le pays ». Et pour cela, il ne fait aucun doute dans son esprit que : « Si nous continuons à travailler ainsi, à deux, nous pourrons nous rendre utiles à l’État ».

Les élections russes sont placées en « position suspecte » par les observateurs internationaux. Le président de la Commission électorale centrale, Vladimir Tchourov, en est bien conscient. « La présidentielle russe ne serait ni libre ni équitable et cette opinion semble arrêtée d’avance et n’a rien à voir avec la réalité », soutient Tchourov, répondant ainsi au chef de la mission des observateurs de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, Andreas Gross. Ce dernier avait en effet évoqué « une série de signaux » montrant que des observateurs internationaux viennent suivre l’élection en Russie avec une appréciation faite d’avance. Le Chef de la délégation de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE), le Suisse Andreas Gross, n’hésite pas à souligner que l’élection, au cours de laquelle les candidats se heurtent à des obstacles quasiment insurmontables pour se faire enregistrer, pourrait s’avérer contraire aux critères de la liberté électorale. À la mi-février, une compilation, publiée par les trois seuls députés de l’opposition qui restent au parlement russe, montrait les temps d’antenne consacrés à chacun des quatre candidats à la présidentielle : 85 % à Medvedev, 7 % à Vladimir Jirinovski, 5 % au communiste Guennadi Ziouganov, et 2 % au démocrate Andreï Bogdanov.

Amnistie Internationale voit « dans la répression des manifestations de l’opposition, le harcèlement de militants et de journalistes et les restrictions imposées à des organisations de la société civile le signe d’un déclin des libertés ». « Il y a de moins en moins de place pour une information indépendante ». Son rapport fait écho à une étude similaire publiée, au début du mois, par l’organisation Human Rights Watch qui expliquait que : « de nouvelles lois restreignant les activités des organisations non gouvernementales (ONG), la dispersion, par la police, de manifestations hostiles au pouvoir et le harcèlement dont se disent victimes certains opposants s’inscrivent dans le cadre d’une destruction systématique des libertés civiques en Russie ».

« La liberté d’expression est d’abord et avant tout la liberté d’exprimer des points de vue différents », indique Mme Nicola Duckworth, directrice du programme Europe et Asie centrale d’Amnistie Internationale. « L’attaque continuelle de ce droit, notamment par le biais de restrictions aux droits à la liberté de réunion et d’association, a pour effet de bâillonner la société tout entière. […] Sans le droit à la liberté d’expression, d’autres droits de l’homme fondamentaux peuvent être bafoués plus facilement. Le silence est le meilleur terreau pour l’impunité - un outil puissant pour ébranler les principes du droit ».

(Sources : AFP, Le Monde, Figaro, Presse canadienne, Ria Novosti)

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