La France doit tout faire pour protéger l’écrivaine bangladaise Taslima Nasreen et la Néerlandaise d’origine somalienne Ayaan Hirsi Ali, menacées par les intégristes islamistes, a estimé la secrétaire d’État aux Droits de l’Homme, Rama Yade, dans une tribune publiée dans le quotidien Le Monde.

L’écrivaine bangladaise, Taslima Nasreen, et la Néerlandaise d’origine somalienne, Ayaan Hirsi Ali, menacées par les intégristes islamistes, viennent de recevoir le prix Simone-de-Beauvoir pour la liberté des femmes, créé cette année pour le 100ème anniversaire de la naissance de l’écrivaine française emblématique du féminisme. Taslima Nasreen vit en exil depuis qu’elle a été menacée de mort par des islamistes au Bangladesh en 1994. Ayaan Hirsi Ali, ex-députée néerlandaise menacée de mort après avoir été scénariste d’un film sur les femmes et l’islam, est rentrée en octobre aux Pays-Bas après un an d’exil volontaire aux États-Unis.

De Taslima Nasreen, voici ce qu’en dit, notamment, le site francophone, la République des Lettres : « Taslima Nasreen écrit sur les femmes qui laissent tomber leurs ambitions créatrices après le mariage car leurs maris les réprouvent. La société enrobe du halo du sacrifice ces mutilations. Ses exemples sont simples, mais convaincants. Ses piques les plus pénétrantes sont réservées aux sanctions religieuses discriminatoires appliquées aux femmes. Elle cite énormément le Coran et d’autres textes religieux qui confirment au-delà de tous soupçons que l’oppression des femmes est approuvée par la religion. Nirbachito Column s’ouvre par cet extrait enflammé : « Est-il vrai que les femmes ne seront libérées qu’à l’heure de leur mort? »

C’est cette même femme qui, du fond de son exil, avait lancé récemment cet appel de détresse au monde entier : « Je ne suis plus qu’une voix désincarnée. Ceux qui me soutenaient par le passé ont disparu dans les ténèbres ». Et Taslima de poursuivre : « Je ne suis qu’un simple écrivain qui ne connaît ni ne comprend rien à la dynamique politique. La force du fondamentalisme, à laquelle je me suis opposée et que j’ai combattue pendant des années, n’a été que renforcée par ma défaite ».

Ce prix Simone-de-Beauvoir pour la liberté des femmes devait être remis par Nicolas Sarkozy à Taslima Nasreen en Inde, lors de son dernier passage à New Dehli. À la veille de la visite d’État en Inde, le gouvernement indien avait refusé au chef de l’État français de remettre à l’écrivain son prix.

Comme le déclarait, dans le quotidien Le Monde, la ministre Rama Yade : « le crime de Taslima Nasreen est d’avoir écrit que l’islam n’autorisait pas l’humiliation des femmes : « Faut-il que je paie le crime d’être née femme ? » Elle paie si cher, Taslima, obligée de quitter son pays en 1994 ; contrainte à une longue errance qui l’a conduite en Inde, où, en 2007, sa tête a été mise à prix pour 500 000 roupies par un groupe islamiste. Nous aurions voulu la rencontrer pendant notre séjour indien pour lui dire que la France ne l’oubliait pas. Elle se rappelle à notre souvenir au moment où Benazir Bhutto est assassiné. Cet assassinat et l’errance de Taslima Nasreen nous rappellent que le pire peut côtoyer le meilleur, l’obscurantisme cohabiter avec la modernité. Pour l’avenir, selon qu’il tranchera dans un sens ou dans l’autre, le sous-continent indien sera un exemple ou un cauchemar pour le monde ».

Ayaan Hirsi Magan, connue sous le nom d’Ayaan Hirsi Ali, a fui à 22 ans la Somalie pour échapper à un mariage forcé. Elle vit maintenant aux Pays-Bas, vieille terre d’accueil. Elle a adopté les valeurs libérales et s’affirme athée. Le 2 novembre 2004, sa vie bascule : le cinéaste Theo Van Gogh, coauteur avec elle de Soumission, film qui dénonçait le sort des femmes musulmanes, est assassiné par un jeune islamiste néerlando-marocain. La députée Ayaan Hirsi Ali a décidé de poursuivre l’œuvre de son ami, avec un film sur « l’intolérance » des musulmans à l’égard des homosexuels.

Dans son intervention, la ministre Rama Yade déclarait à propos de l’ex-députée néerlandaise d’origine somalienne : « Ayaan Hirsi Ali arrive en France, chargée du poids d’une fatwa qui l’a conduite à se réfugier aux États-Unis. Qu’elles soient du Bangladesh ou de la Somalie, les combattantes de la liberté se ressemblent toutes : chez Ayaan comme chez Taslima, la douceur cohabite avec la hardiesse. Taslima dit ces mots froids : “Femmes, libérez-vous des morsures de la peur pour vous tenir debout, droites et fières !” Ayaan, elle, a l’audace de celles qui jouent leur va-tout, quand elle dit : “Vous pouvez exprimer votre opinion, mais votre tête sera coupée. Vivre dans une démocratie ne change rien à l’affaire, alors que c’est rien de moins que la liberté d’expression qui se joue ! »

En 2006, Ayaan Hirsi Ali reconnaît avoir menti sur son pays d’origine dans sa demande de droit d’asile, comme le rapportait RFI. Elle avait prétendu venir directement de Somalie, alors que ses parents vivaient depuis dix ans au Kenya et en Allemagne, où elle aurait dû déposer sa demande d’asile. Elle a également menti sur son identité et son âge. D’après des membres de sa famille, elle n’aurait jamais été contrainte au mariage forcé, ce qu’elle avait prétendu pour obtenir le droit d’asile. Rita Verdonk, la ministre de l’immigration de l’époque, tente donc de retirer à Ayaan Hirsi Ali sa nationalité hollandaise pour ces mensonges. La ministre est contestée : une motion des députés votée à la majorité, la désapprobation de figures du VVD, comme Gerrit Zalm et Neelie Kroes, ainsi que le désaveu du Premier ministre, Jan Peter Balkenende, obligent la ministre à faire une volte-face. Ayaan Hirsi Ali quitte alors le pays où elle était rejetée de toute part pour rejoindre un groupe de réflexion conservateur aux États-Unis. Ayaan Hirsi Ali revient aux Pays-Bas en octobre 2007 après que le gouvernement américain lui ait refusé sa protection. Avant de quitter l’Amérique, madame Ayaan Hirsi Ali avait, en octobre dernier, voulu corriger , sur le site Rue89, certains propos qui avaient été tenus à son encontre.

Depuis, madame Ayaan Hirsi Ali publie son propre blog qui porte son nom. Le 6 janvier dernier, l’ex-députée hollandaise publie, dans le New York Times, un article qui commente le livre « The Suicide of Reason », de l’auteur Lee Harris. Madame Ali dénonce l’approche de Harris qui consiste à montrer que l’entrée de l’Islam dans une autre culture produit des changements à chaque niveau, de la politique à l’individu : « Partout où l’Islam s’est répandu, il y a eu une transformation totale et révolutionnaire dans la culture de ceux qui ont été conquis ou convertis ».

Madame Ali oppose à cette approche de Lee Harris l’argument suivant : « Je ne suis pas d’accord, par exemple, que la façon de sauver la civilisation Occidentale de sa trajectoire de suicide est de remettre en question sa tradition de raison. En effet, malgré sa compréhension de l’augmentation du fanatisme en général et de sa manifestation Islamique en particulier, l’utilisation par Harris du terme « raison » est défectueuse. […] Harris est pessimiste d’une façon que les penseurs des Lumières ne l’étaient pas. Il a une vue darwinienne de la lutte entre les cultures qui s’affrontent, critiquant l’Occident pour une philosophie d’égoïsme et il suit Hegel en affirmant que quand l’intérêt de l’individu heurte celui de l’état, c’est l’état qui devrait prédominer. C’est pourquoi il attribue une telle force au fanatisme Islamique. La collectivité de l’umma met l’intérêt commun au-dessus de celui du croyant individuel. Chaque Musulman est un esclave, d’abord de Dieu, ensuite du califat. Bien que Harris n’approuve pas cette subversion extrême du moi, on sent une pointe d’admiration dans ses descriptions de la solidarité féroce de l’Islam, son adhérence à la tradition et la volonté des Musulmans de se sacrifier pour le plus grand bien ».

La secrétaire d’État aux Droits de l’Homme, Rama Yade, a conclu son exposé en ces termes : « Taslima, Ayaan, deux femmes pourchassées pour avoir osé dire leur vérité de femmes libres. On peut les trouver dérangeantes, excessives, sulfureuses. On n’est pas obligé d’être en accord avec leurs propos, mais elles doivent avoir le droit de les tenir. Toutes les fureurs qu’elles portent en elles doivent être entendues par le pays des droits de l’homme. Le long sanglot de ces Voltaire des temps modernes est celui de femmes qui ne veulent pas vivre à genoux. Leur détresse est notre humiliation. Leur désarroi, notre remords ». Et la secrétaire d’État a rappelé que : « C’est à elles que les femmes françaises ont décidé d’attribuer le prix Simone-de-Beauvoir. Mais Ayaan veut aussi que nous l’aidions à assurer sa sécurité où qu’elle soit. Taslima, elle, souhaite que l’Inde lui accorde la nationalité indienne. Ce que veulent ces deux femmes, c’est la liberté de circuler sans risquer d’être tuées ».

Le 10 février prochain à 20h, l’ancienne députée des Pays-Bas d’origine somalienne Ayaan Hirsi Ali sera présente lors d’un meeting organisé à l’École normale supérieure (Paris) pour défendre la liberté de penser. Organisé par l’hebdomadaire Charlie-Hebdo, le quotidien Libération, SOS Racisme, la revue ProChoix et La Règle du jeu, ce rassemblement réunira également, entre autres, Élisabeth Badinter, Pascal Bruckner, Julia Kristeva, Bernard-Henri Lévy, Philippe Val (directeur de la rédaction de Charlie-Hebdo), la secrétaire d’État aux Droits de l’homme Rama Yade ou l’ex-candidate socialiste à l’élection présidentielle Ségolène Royal.

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