En raison de la politique de provocation que joue la Chine au Darfour, Steven Spielberg quitte l’organisation des Jeux Olympiques. La question avait été abordée ici même. C’est de guerre lasse qu’il laisse tomber : « J’ai décidé d’annoncer formellement la fin de mon engagement en tant que l’un des conseillers artistiques étrangers pour la cérémonie d’ouverture et de clôture des Jeux olympiques de Pékin ». Les raisons pour lesquelles il quitte l’organisation des Jeux sont claires : « Le gouvernement du Soudan porte l’essentiel de la responsabilité de ces crimes en cours mais la communauté internationale, et en particulier la Chine, devrait en faire plus pour mettre un terme aux souffrances” endurées par les habitants du Darfour ».
C’est bien tard que Steven Spielberg reconnaît éprouver des problèmes de conscience : « J’estime que ma conscience ne me permet pas de continuer mes activités (en ce domaine) comme si de rien n’était ». Steven Spielberg se joindra-t-il au combat que mène depuis des années Mia Farrow : « Il faut plutôt que je fasse tout ce qui est en mon pouvoir pour contribuer à faire cesser les crimes inqualifiables commis contre l’humanité qui perdurent au Darfour »? Il faut se souvenir que la collaboration du cinéaste avec les autorités chinoises dans le cadre des JO organisés en Chine en 2008 avait été critiquée par Mia Farrow.
Pour rappel, l’actrice américaine et ambassadrice itinérante de l’Unicef, Mia Farrow, avait accusé, en mars dernier, le cinéaste Steven Spielberg et des entreprises américaines d’aider à organiser les Jeux olympiques en Chine, malgré la crise humanitaire dans la province soudanaise du Darfour et le soutien persistant de Pékin à Khartoum. Dans une tribune publiée par le Wall Street Journal, Mia Farrow estimait que Spielberg et des sponsors privés comme Coca-Cola et McDonald devraient appeler la Chine à faire pression sur le régime de Khartoum pour arrêter les violences à l’encontre des civils dans la région du Darfour (ouest du Soudan), ravagée par une guerre civile.
Dans son commentaire, madame Farrow avait lancé ces phrases terribles à l’encontre du cinéaste sur la Shoah, dans cette tribune du Wall street Journal : « Est-ce que Mr Spielberg veut vraiment finir comme la Leni Riefenstahl des Jeux de Pékin? Est ce que Mr Spielberg, qui a fondé en 1994 la Shoah Foundation pour préserver les témoignages des survivants de l’Holocauste, est conscient que la Chine finance le génocide au Darfour? » (Does Mr. Spielberg really want to go down in history as the Leni Riefenstahl of the Beijing Games?). Après cette tribune, Steven Spielberg avait exhorté, dans une lettre ouverte, le président chinois Hu Jintao à faire pression sur le gouvernement soudanais pour qu’il change de politique à l’égard du Darfour.
Déjà en juillet 2007, Spielberg s’interrogeait sur sa présence au sein de l’organisation chinoise des Jeux Olympiques : « Steven (Spielberg) va se déterminer dans les prochaines semaines concernant sa collaboration avec les Chinois », avait indiqué le porte-parole du cinéaste, Andy Spahn, sur le site Internet de ABC Television. Ce n’est que six mois plus tard que la décision est tombée.
Le Sommet du millénaire de Montréal, « événement médiatico – humanitaire » de deux jours, rassemblait des intervenants de divers horizons, dont madame Mia Farrow. Dans un style qui lui est propre, madame Farrow avait fustigé le Canada, et le reste du monde, qui a abandonné les enfants du Darfour, principales victimes de ce conflit, en délaissant son rôle humanitaire traditionnel. Le Canada pourrait jouer un rôle de leadership dans ce pays. L’actrice avait qualifié la situation au Soudan d’ « holocauste des temps modernes ». Le monde s’attendait, a rappelé Mia Farrow, à une implication du Canada, reconnu pour aider les moins nantis. Le Canada est demeuré silencieux face au génocide du Darfour, avait déploré l’actrice.
Depuis les sorties publiques de Mia Farrow, il semble que les relations entre le cinéaste Spielberg et la Chine se soient dégradées en cours de route. Nous n’en sommes plus au portrait que tentait de nous dresser Zhang Yimou qui déclarait, en novembre, que les choses avaient évolué pour le mieux. Zhang Yimou, chargé des cérémonies d’ouverture et de clôture des Jeux olympiques de 2008, déclarait que : « Steven Spielberg a une affection profonde pour la Chine. Quand je l’ai invité il y a deux ans à m’aider pour obtenir de réaliser les cérémonies d’ouverture et de clôture, il a accepté avec plaisir. Maintenant, nous sommes chargés tous deux de l’équipe de réalisation. Pour parler franchement, il est difficile pour une personne aussi affairée que lui de venir s’occuper de toutes ces choses. Mais il insiste toujours pour participer à chaque réunion d’étude. En tant qu’étranger, il nous donne des suggestions sur des points que nous n’avons pas envisagés. Ces opinions sont extrêmement précieuses ».
Monsieur Yimou doit maintenant se sentir bien seul.
C’est encore Mia Farrow qui, voulant payer de sa propre personne, avait, le cinq août dernier, écrit au président soudanais, Omar el Béchir, pour lui proposer un échange : elle-même contre la remise en liberté du chef rebelle, Souleimane Djamouss, confiné depuis 2006 par le gouvernement de Khartoum dans un hôpital des Nations unies dans la province du Kordofan. Il aurait contribué à sauver des dizaines de milliers de vies humaines parmi les déplacés, d’avoir tenté d’unifier les groupes rebelles et d’avoir lutté contre la violation des droits de l’Homme, sans jamais prendre les armes.
La guerre civile au Darfour et ses conséquences ont fait 200.000 morts et deux millions de déplacés en quatre ans, selon des organisations internationales. Dans son communiqué de mardi, Steven Spielberg estime maintenant que le gouvernement soudanais, qui vend une grande partie de son pétrole aux Chinois, porte le gros de la responsabilité pour « la perpétuation des crimes perpétrés au Darfour ». Vaut mieux tard que jamais.