Le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, est prêt. Avec 64 candidats qui seraient actuellement désignés et 2,4 millions $ déjà dans les coffres des organisations de comté, le chef du Bloc entreprendra, en 2008, sa cinquième campagne électorale à la tête de sa formation politique. Les bloquistes croient fermement que 2008 sera une année électorale. « Vous regarderez tous les sondages, encore hier, le Bloc était à 44 %, avant-hier à 43 %, et les conservateurs autour de 20. Ça fait que la vague de sympathie est plutôt atténuée parce que les gens commencent à comprendre qui est Stephen Harper », a lancé le chef souverainiste dans le Bas-Saint-Laurent. En janvier 2006, sept circonscriptions de la région de Québec étaient passées aux mains des conservateurs. Le Bloc en avait conservé une seule.

Gilles Duceppe est en tournée préélectorale. Il galvanise ses troupes et fourbit ses armes. Lors de son passage, plus tard, à Saguenay, les travailleurs de l’industrie forestière ont conspué Stephen Harper pour s’être montré chiche envers leur secteur en crise. Ils ont dénoncé, en compagnie du chef du Bloc québécois, l’insuffisance de l’aide de 1 milliard $ annoncée la semaine dernière par le gouvernement conservateur.

Mais pourquoi pareille hâte ? Le chef du Bloc québécois n’en doute plus : les Canadiens pourraient être appelés aux urnes d’ici un mois. Et la raison en est fort simple : il anticipe un vote à la Chambre des communes, au cours des prochaines semaines, sur le plan annoncé par Stephen Harper destiné à aider les industries forestières et manufacturières. Plan dont l’adoption est conditionnelle à l’adoption du prochain budget conservateur. Mais voilà. Le gouvernement conservateur pourrait ne pas survivre au dépôt de son prochain budget. La formation de Gilles Duceppe n’en décidera pas seule. Monsieur Duceppe devra rechercher impérativement l’appui de libéraux et du NPD pour défaire le gouvernement conservateur minoritaire. La question se pose : ces deux partis d’opposition montreront-ils la même ardeur à défendre les milliers de travailleurs des secteurs forestiers et manufacturiers au chômage ?

L’octroi d’un milliard de dollars, sur trois ans, pour aider ces secteurs, ne sera réellement versé que si le Parlement adopte le prochain budget conservateur. Par les faits mêmes, Stephen Harper se donnerait une année supplémentaire de gouvernement au mépris de la situation catastrophique de l’industrie forestière. « Stephen Harper, plutôt que de se préoccuper de personnes qui ont perdu leur emploi, veut faire de la politique sur le dos de ceux et celles qui ont perdu leur emploi pour protéger sa job. C’est inacceptable », a commenté Gilles Duceppe dans le Bas-Saint- Laurent. « Il y a 922 millions $ en baisses d’impôt pour les pétrolières. On voit où sont les priorités du premier ministre », a lancé monsieur Duceppe.

Même le premier ministre du Québec, Jean Charest, a vu cette aide comme une forme de « chantage politique ». « Non seulement les mesures d’aide aux secteurs forestier et manufacturier arrivent trop tard et sont nettement insuffisantes, mais elles sont inéquitables pour le Québec, puisqu’elles ne tiennent pas compte de l’importance des activités manufacturières et forestières au Québec et des impacts que la crise y a entraînés. Depuis le début de 2007, le Québec a ainsi perdu 50 000 emplois en raison de la crise. C’est la majorité des emplois perdus au Canada », a dénoncé Gilles Duceppe à Saguenay.

Le Bloc québécois exige « un changement de cap majeur » et 15,3 milliards $ de nouvelles dépenses fédérales en échange de son soutien au gouvernement conservateur minoritaire. Ce qu’on lui demande, c’est de passer du militaire à l’humanitaire non seulement à l’étranger, mais aussi au Canada, a insisté le chef, Gilles Duceppe. « En deux jours, le gouvernement fédéral est capable de dépenser 17 milliards $ pour des équipements militaires », a répondu le député de la circonscription Richmond-Arthabaska, André Bellavance, à qui la question a été posée.

La stratégie du chef du Bloc québécois se veut simple et directe : « mettre en lumière le bilan des conservateurs et, certes, en débattre avec eux dans les différentes circonscriptions ». Gilles Duceppe est déterminé à empêcher les conservateurs de former un gouvernement majoritaire, advenant la tenue d’élections au printemps. C’est pourquoi il choisit de ne s’attaquer qu’aux conservateurs. Tirer à boulets rouges sur Stephen Harper et fustiger le bilan de son gouvernement composeront l’essentiel de la stratégie bloquiste. Et monsieur Duceppe en est convaincu : « Force est de constater, à ce moment-ci tout au moins, que la bataille se passe entre les conservateurs et nous ». D’après le député bloquiste et organisateur électoral en chef, Mario Laframboise, les comités électoraux sont composés à 80 %. « Nous avons assez d’argent pour nous battre à armes égales avec les conservateurs… s’ils ne trichent pas! », a déclaré monsieur Laframboise, en allusion au fait que, selon Élections Canada, une soixantaine de candidats du Parti conservateur avaient enfreint de façon concertée les règles de financement lors de la dernière campagne électorale.

Tout en énumérant ce qu’il considère comme des promesses non tenues de l’actuel gouvernement envers la population du Québec, le chef du Bloc québécois en profite pour écorcher les ministres conservateurs du Québec : « Les conservateurs promettaient des ministres du Québec pour défendre nos intérêts. Deux ans plus tard, nous sommes obligés de constater que les ministres du Québec se sont écrasés les uns après les autres ». Il affirme, de plus, que le gouvernement Harper a trahi tant les personnes âgées que les femmes, les jeunes et les travailleurs.

« Le discours du Trône et la mise à jour économique des conservateurs ont ignoré la majorité des priorités identifiées par le Bloc Québécois, à savoir des mesures d’aide aux secteurs forestier et manufacturier qui correspondent aux besoins des travailleurs et des entreprises, la pleine rétroactivité du Supplément de revenu garanti pour les aînés, l’élimination du pouvoir fédéral de dépenser dans les compétences exclusives du Québec, une stratégie de lutte aux changements climatiques qui soit à la fois efficace et respectueuse des efforts investis au Québec, ainsi que le retrait d’Afghanistan d’ici février 2009 », a repris Gilles Duceppe. Le chef bloquiste prend un engagement : « Moi, je vais m’occuper de Stephen Harper. J’en fais une affaire personnelle. Ça va être la bataille la plus importante que nous aurons menée depuis longtemps ».

Dans sa tournée préélectorale, le Bloc québécois entreprend une vaste « consultation prébudgétaire », en vue de cerner les préoccupations des Québécois. « Le Bloc veut entendre les Québécois. Doit-on offrir une aide suffisante aux secteurs forestier et manufacturier présentement en crise ? Aider davantage les personnes âgées, les chômeurs et les travailleurs à traverser les situations précaires ? Poursuivre la lutte à l’élimination du déséquilibre fiscal, notamment par l’élimination du pouvoir fédéral de dépenser ? Faut-il que le gouvernement fédéral s’engage vraiment à lutter contre les changements climatiques ? Voilà des questions qui méritent réflexion et qui seront l’objet de discussions », a repris, dans Lanaudière, Gilles Duceppe.

Lors de son passage à Montréal, Gilles Duceppe a annoncé qu’il fera connaître ses demandes - en prévision du budget - à la fin du mois. « On se prépare, il faut être responsable. C’est possible qu’une campagne électorale soit déclenchée à la mi-février. Nous serons prêts », a-t-il réitéré. Dès la rentrée parlementaire, le Bloc va exiger un vote des communes sur les mesures fédérales, dans l’espoir de forcer Ottawa à revoir sa mise à la hausse. La formation souverainiste exige qu’Ottawa quadruple son enveloppe d’aide, la faisant passer de 1 milliard $ à 4,5 milliards $ pour l’ensemble du Canada (1,265 milliard $ pour le Québec).

Catherine Handfield, de La Presse, rappelle qu’un sondage, publié à la fin de décembre, montrait un recul pour les conservateurs dans les intentions de vote des Québécois. Le parti de Stephen Harper récoltait 17% des votes, une baisse de 11 points. Le Bloc québécois obtenait 40% de la faveur populaire, selon le sondage de Décima-Harris-La Presse Canadienne. La marge d’erreur était toutefois élevée en raison de la taille réduite de l’échantillon. Un autre sondage, tout récent, montre que 58 pour cent des 1000 Canadiens sondés seraient prêts pour des élections en 2009, tandis que seulement 22 pour cent en voudraient dès cette année, soit en 2008. La plupart des Canadiens semble manquer de passion à l’égard des partis. Par conséquent, il semble logique qu’ils ne souhaitent pas aller aux urnes dans un avenir rapproché. Ce sondage a été réalisé par Harris-Décima pour le compte de la Presse canadienne.

(Sources : Cyberpresse, Presse canadienne, presses régionales)

____________________________