L’IRIN (Integrated Regional Information Networks) est un organisme lié à l’Organisation des Nations Unies. Selon cet organisme, toutes les deux heures, une femme meurt au Niger, pendant sa grossesse ou pendant l’accouchement – une réalité qui traduit le sous-financement des services de santé, l’abandon des infrastructures en matière de transport et d’éducation et l’absence de sensibilisation des femmes à leurs droits. L’organisme d’information vient de publier un rapport dévastateur dans lequel il affirme : « Pour accoucher, le Niger est un des endroits les plus dangereux du monde ».

Deux millions de filles et de femmes dans le monde souffrent, selon l’Organisation mondiale de la santé, de fistules, déchirure des tissus qui survient lorsque la circulation du sang vers les tissus du vagin et de la vessie et/ou du rectum est bloquée au cours d’un travail avec obstruction prolongée. Presque toutes ces femmes vivent dans des pays en voie de développement. Selon les estimations de l’ONG, Fistula Foundation, 100 000 nouveaux cas se produisent chaque année dans le monde, mais seules 6 500 femmes sont traitées tous les ans, en raison d’un manque de fonds et de médecins. Bon nombre de femmes sont rejetées par leurs familles et leurs communautés, et se voient même interdire l’accès aux transports publics, en raison de leur odeur nauséabonde. Lorsque les tissus se nécrosent, un orifice se forme, qui laisse inévitablement échapper l’urine et les fèces. La fistule est le symbole par excellence des accouchements ratés, conséquences d’un accès insuffisant aux soins de santé et de la fréquence élevée des mariages entre hommes mûrs et fillettes mineures, au Niger.

Le Niger fait partie des pays les plus pauvres du monde, 85 pour cent des Nigériens vivent péniblement d’une agriculture de subsistance dépendant de la pluie. Avec une population de 13,5 millions d’habitants, disséminés sur un territoire désertique grand comme l’Europe de l’Ouest, le Niger n’a pas connu un développement comparable à celui de la plupart des autres pays africains du continent. Force est de constater que, dans ce pays, bon nombre de familles – dirigées généralement par les hommes – consultent encore des charlatans, ou encore des chefs religieux et des guérisseurs traditionnels en cas de complications, lors des accouchements, avant de faire appel à un médecin.

Lorsque des femmes, qui se rendent d’elles-mêmes vers un centre de santé, ont payé le transport et les autres frais, bien souvent il ne leur reste plus rien pour payer le traitement au dispensaire ou à l’hôpital. Et comme le déplore Amoul Kinni Ghaichatou, responsable médical au Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA) à Niamey : « Des femmes meurent à cinq mètres de ces centres de santé parce qu’elles n’ont pas les moyens de s’y faire soigner ». Dans tout le pays, il n’y a que 17 médecins capables de réaliser des césariennes ; sept à Niamey et 10 autres dans les régions. Dans certaines capitales régionales comme Diffa et Tillaberi, il n’y a aucun personnel médical pour réaliser des actes de chirurgie obstétricale.

L’histoire de la nigériane Hadjo Garbo

Hadjo Garbo a 15 ans. Fillette menue, elle rêvait autrefois de devenir femme au foyer. Elle a été mariée, il y a deux ans, à un des hommes mûrs de son village de la région de Dosso, dans le sud-ouest du Niger. Elle avait à peine 13 ans. Hadjo Garbo tombe enceinte à 14 ans de son premier enfant. Avant même de fêter son 15e anniversaire, Hadjo perd son bébé. Le corps d’Hadjo n’étant pas prêt-à-porter une grossesse, au terme de trois jours d’efforts insoutenables, le fœtus à naître, mort-né, a été extrait chirurgicalement. La fillette souffre aujourd’hui d’une fistule obstétricale. Depuis, Hadjo est repoussée par son mari et sa belle-famille, et elle est contrainte de se soustraire aux regards curieux et aux ricanements de ses anciennes amies de classe.

Selon Idrissa Djibrilla, qui dirige les bureaux nigériens de Défense des enfants International (DEI), une organisation non-gouvernementale, ce qui est arrivé à Hadjo serait qualifié, ailleurs, de pédophilie et l’agresseur serait appréhendé et mis en prison. Au Niger, ce mot ne s’applique qu’aux hommes qui ont des rapports sexuels avec des fillettes hors mariage. « Si l’on envisage la question d’un point de vue biologique, physiologique, il est clair qu’à neuf, 10, 11 ou 12 ans, une fillette n’est tout simplement pas prête à avoir des rapports sexuels et à porter un enfant. La réalité est telle, mais il est difficile de le faire comprendre à nos communautés », soutient Idrissa Djibrilla. Selon une étude confidentielle, réalisée par une ONG et portée à la connaissance d’IRIN, les rapports sexuels forcés, la privation de liberté et la violence domestique sont « fréquents » dans les cas de mariages précoces dont les conséquences à long terme sont mal comprises.

Au Niger, des fillettes sont fréquemment mariées à l’âge de 13 ans, et certaines ont à peine neuf ou 10 ans le jour de leur mariage. Elles seront forcées d’avoir des rapports sexuels avant même leurs premières menstruations. C’est ce même pays qui a rejeté l’adoption, en 2006, d’un Code de la personne et de la famille – une législation nationale qui aurait défini la relation légale entre maris et femmes, et enfants et parents, et aurait fixé un âge minimum légal pour le mariage et les rapports sexuels. Le Code de la famille a été « diabolisé et abandonné » après que les principales associations islamistes s’y furent opposées, comme l’a indiqué Alice Kang, chercheuse à l’université du Wisconsin. Mais selon Mme Kang, les hommes ne seraient pas les seuls à devoir être convaincus de la nécessité d’un changement. « J’ai été […] surprise d’apprendre que certaines femmes s’étaient opposées au Code de la famille et qu’elles avaient manifesté publiquement pour y faire obstacle, et les experts juridiques avec qui je me suis entretenue ont insisté pour que j’étudie ce phénomène », a-t-elle noté.

Pour monsieur Diadié Boureima, représentant adjoint de l’UNFPA, au Niger, le gouvernement est « un peu réticent » à s’attaquer à la question des mariages précoces « en raison de la réaction religieuse ». Monsieur Boureima affirme que « s’il y avait une loi contre la pédophilie, elle serait appliquée, ici ». « Mais l’Islam a préféré légaliser [cette pratique] en déclarant que le prophète avait eu une épouse âgée de neuf ans, bien que ce mariage-là n’ait pas été consommé ».

L’histoire de l’indonésienne Heldina Irayanti

Cela faisait, en 2002, cinq ans que l’indonésienne Heldina Irayanti, aujourd’hui âgée de 28 ans, se droguait. Elle consommait des drogues injectables. Elle a fait tellement de séjours dans des cliniques de désintoxication qu’elle en a perdu le compte. Et c’est en 2002 qu’elle apprend sa séropositivité. Une fois remise de ses émotions, Heldina Irayanti décide de se révéler publiquement. Elle en parle à sa famille, ses amis et son fiancé de l’époque, Yulius Adam, aujourd’hui son mari, qui est lui aussi ex-consommateur de drogues injectables et séropositif, diagnostiqué avant elle. Mme Irayanti réalise qu’il lui faudra affronter, en tant que femme, musulmane et séropositive, beaucoup de préjugés. La discrimination a commencé dans sa propre famille. Selon madame Irayanti, les femmes musulmanes séropositives souffrent davantage de préjugés que les hommes dans la même situation. Ce que confirme Zahra-Tul Fatima, conseillère de l’AMAN Pakistan Foundation. Dans l’histoire de l’Islam, les femmes étaient des leaders, déclare Mme Zahra-Tul. « Aujourd’hui, il est difficile de trouver une femme qui interprète le Coran en raison de la domination masculine chez les dirigeants islamiques. Mais le Coran respecte les genres ».

Pour Hany El-Banna, président de l’IRW, c’est la frontière ténue entre la culture et la religion qui alimente ce système de « deux poids, deux mesures ». « Le Coran prêche l’égalité dans la récompense et le pardon des péchés », a-t-il dit. « La mentalité de la différence n’est pas correcte, mais dans certains pays, la culture est plus forte que la religion ». M. El-Banna a cité l’exemple des « crimes d’honneur » pratiqués dans certains pays du Moyen-Orient : une jeune femme qui entretient – ou qui est soupçonnée d’entretenir – des relations sexuelles avant le mariage est assassinée afin de préserver l’honneur de la famille. « Pourquoi ne tuent-ils pas aussi le garçon ? Il faut qu’il y ait un équilibre et une justice », a-t-il affirmé.

Selon Mme Lina Al-Homri, docteur en Sharia, la loi musulmane, à la Faculté de Dawa (enseignement musulman) à Damas, en Syrie, la prévention du VIH parmi les femmes musulmanes est directement liée aux droits de la femme, tels que le choix du mari, le droit de demander le divorce, de solliciter que son partenaire fasse le test de dépistage du VIH, de refuser les relations sexuelles avec son mari, d’exiger l’usage du préservatif et de se séparer d’un mari séropositif. « Il faut accorder aux femmes le droit qu’Allah leur a donné de s’éduquer et de s’exprimer ».

L’histoire de la zambienne Maria T

Selon des experts, il est particulièrement difficile pour les Zambiennes d’obtenir des conseils, de l’information ou d’effectuer des tests de dépistage « en raison du contrôle perçu ou réel qu’exercent les hommes [en particulier leurs compagnons] sur leurs vies ». Selon l’ONUSIDA, environ 1,6 million de personnes sont, en Zambie, séropositives sur une population de 11,7 millions, et 57 pour cent d’entre elles sont des femmes ; pourtant, seules 100 000 personnes reçoivent des médicaments antirétroviraux (ARV) par le biais du programme de traitement gratuit mis en place par le gouvernement.

Dans son rapport, intitulé Hidden In The Mealie Meal : Gender-Based Abuses and Women’s HIV Treatment in Zambia [Cachés dans la farine de maïs - Maltraitances sexistes et traitement du VIH chez les femmes de Zambie], le groupe de pression new-yorkais, l’association internationale de défense des droits humains Human Rights Watch, dit avoir découvert que de nombreuses femmes prenaient des médicaments antirétroviraux (ARV), susceptibles de prolonger leur espérance de vie, sans en informer leurs maris, et qu’elles étaient forcées de recourir à des moyens extrêmes pour cacher leurs médicaments. Maria T raconte : « Je ne veux pas dire à mon mari [mon statut sérologique] de peur qu’il me crie [après] et demande le divorce. Il me dit de vilains mots ». Et pour se protéger, Maria T. révèle : « Je cache les médicaments, je les mets dans une assiette et je verse de la farine de maïs [semoule de maïs], pour que quand il ôte le couvercle, il ne les trouve pas [les médicaments]. Quand je prends mes médicaments, je dois m’assurer qu’il est dehors. C’est pour cela que j’ai oublié de les prendre quatre fois depuis que j’ai commencé le traitement. L’année dernière, il m’a frappé à coups de poing dans le dos ».

Conformément à la loi coutumière en vigueur dans une majorité des 72 groupes ethniques zambiens, les femmes ont des droits de propriété limités par rapport aux hommes, et choisissent généralement de rester auprès d’un mari qui les maltraite de crainte de perdre leurs domiciles, leurs terres et le reste de leurs biens. « La violence domestique est indiscutablement un des principaux facteurs de la propagation du VIH/SIDA dans ce pays, et au cœur de ce problème, il y a la question du statut économique et de l’émancipation insuffisante des femmes », estime Elizabeth Mataka, envoyée spéciale des Nations Unies sur le VIH/SIDA en Afrique.

Selon Nelson Mwape, de la branche zambienne de la Young Women’s Christian Association [YWCA], sur les 874 victimes de violence domestique inscrites sur les registres de l’organisme depuis 2006, 427 ont été déclarées séropositives. « Dans environ 75 pour cent des cas, les femmes sont maltraitées par leur époux ou les membres de leur famille, c’est pourquoi nous disons qu’aujourd’hui plus aucun foyer n’est sans danger, ni pour les femmes, ni pour les enfants ». Les groupes de femmes ont accusé le gouvernement zambien de n’avoir pas pris assez de mesures en vue de garantir le respect du droit des femmes : aucune loi n’a été spécifiquement adoptée pour criminaliser la violence sexiste, et le code pénal n’aborde par les maltraitances et les viols conjugaux.

Pour madame Elizabeth Mataka, envoyée spéciale des Nations Unies, il n’y a pas trente-six solutions : « Le temps est venu de prendre des mesures concrètes, qui auront un impact direct sur la vie des femmes sur le terrain. Il n’y a pas mille façons de s’y prendre : nous devons tout simplement donner aux femmes de notre pays assez de ressources pour leur permettre de devenir indépendantes de tous ces hommes violents ».

Pour un complément d’information, une image valant mille mots, je vous recommande cette exposition de photographies de Stéphanie Sinclair qui nous raconte en images la vie de la petite afghane, Ghulam Haider, 11 ans. Madame Sinclair vient de remporter le premier prix de la photo de l’Unicef.

Ce sujet a été abordé sur le site des Questions et réponses de Yahoo.

Enfin, si votre coeur est solide, à lire : « Ventes aux enchères, location, cession. Face à la misère, des parents n’hésitent pas à brader leurs petits. Un véritable trafic s’installe, faisant rappeler les marchés d’esclaves d’antan », sur Al-Ahram Hebdo.

(Source : ONU - Bureau pour la coordination des affaires humanitaires)

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