lundi 22 octobre 2007

La Pologne et la Suisse en élections

« Je souhaite le succès à Donald Tusk et le félicite », a déclaré le Premier ministre conservateur sortant Jaroslaw Kaczynski. Donald Tusk, plate-forme civique (PO), centre-droit, est largement vainqueur des élections législatives anticipées en Pologne. Les libéraux de Donald Tusk sont très près de la majorité absolue de 230 sièges sur 460 à la Diète (chambre basse). Les Polonais ont marqué leur choix de le voir former un gouvernement. Le parti Droit et Justice (PIS) des jumeaux Kaczynski a été rejeté par la population polonaise. Quelque 30,5 millions de Polonais étaient appelés aux urnes pour renouveler les deux chambres du Parlement. 460 députés ont été élus à la proportionnelle et 100 sénateurs ont été élus au scrutin uninominal majoritaire à un tour. La participation a dépassé 55 pour cent, soit le taux le plus élevé enregistré en Pologne depuis la fin du régime communiste en 1989. Avec le Parti des paysans polonais (PSL), son probable partenaire de gouvernement, la PO de Donald Tusk obtiendrait la majorité absolue à la Diète, avec 251 sièges sur 460.

Le peuple suisse, après des mois de débats souvent houleux, connaît maintenant les noms de ses représentants pour la prochaine législature. Le peuple a choisi : l’Union démocratique du centre (UDC, populiste), en tant que première formation du Conseil national (chambre basse du parlement suisse), remporterait, selon des résultats partiels, près de 29 pour cent des voix. Le Parti socialiste arrive en deuxième position (19,1%) mais recule de quatre points, selon une projection nationale. Les Verts progressent, à 9,5%. Le taux de participation est proche des 50 pour cent.

Depuis jeudi, cinq millions d’électeurs étaient appelés aux urnes pour renouveler les deux chambres de leur Parlement. Force est de constater, comme l’indique SwissInfo, que l’UDC n’a cessé de susciter réactions et débats, reléguant au second plan les thèmes des autres partis, en raison particulièrement des conférences de presse, déclarations, attaques, initiatives populaires visant les étrangers, affiches ou encore films publicitaires sur Internet. En clair, le marketing électoral de l’UDC a été marqué par des actions xénophobes et islamophobes. Selon l’hebdomadaire allemand Der Spiegel, ce fut « la campagne la plus sale de tous les temps en Suisse ». Le New York Times International Weekly a présenté une caricature dans laquelle la croix suisse était transformée en croix gammée. Le ministère suisse des Affaires étrangères s’est dit préoccupé pour l’image de la Suisse dans le monde.

En éditorial, Le Temps écrivait : « Nombreux sont les citoyens écœurés, sinon alarmés, par les méthodes et les ressources financières qui ont permis à l’UDC et à son conseiller fédéral Christoph Blocher d’imposer leur empire sur les débats ». […] « Des observateurs étrangers se sont émus, ces dernières semaines, du climat répandu sur notre légendaire quiétude : la Suisse irait donc si mal qu’on en vienne aux mains sur la place Fédérale, sur fond de marée xénophobe? C’est bien le paradoxe de cette campagne si polarisée. Car la Suisse en réalité va bien. Tous les indices de prospérité, de compétitivité, d’investissements dans le futur, tout ce qui dit le bonheur d’un peuple dans ce qu’il a de mesurable, dressent un portrait de premier de classe mondial, envié comme tel ».

La Pologne était face à une caricature que les jumeaux Kaczynski, au pouvoir depuis deux ans, leur avaient imposée. L’un est Président et l’autre est Premier ministre. Le tout fondé sur une rigueur morale faisant appel aux valeurs traditionnelles catholiques. Une Pologne repliée sur elle-même, refusant une ouverture à l’Europe et au monde. D’un autre côté, cette Pologne que d’aucuns préféraient voir : un pays plus moderne que celui des Kaczynski. Tournée vers l’extérieur, moins stricte au plan moral. Ce qu’incarnait Donald Tusk. Lech et Jaroslaw Kaczynski ont perdu ce dimanche le contrôle du gouvernement polonais. Ainsi en a décidé le peuple. Le parti des frères Kaczynski, Droit et Justice (PiS), doit céder la place. Le premier ministre Jaroslaw Kaczynski, dont le gouvernement a éclaté sur fond d’affaire de corruption, espérait bien obtenir cette fois un mandat plus solide pour gouverner. Le Premier ministre Kaczynski voulait exclure les ex-communistes et leurs collaborateurs de la vie publique. Sa loi sur l’examen du passé de quelque 700.000 personnes, dont des journalistes et enseignants, a été retoquée. Selon Kaczynski, les ex-communistes continuaient de tirer les ficelles dans les coulisses de la politique, des affaires et des médias. En élisant fortement le parti libéral de Donald Tusk, le peuple en a décidé autrement.

Alors que les jumeaux Kaczynski ont divisé la société polonaise en raison de leur fixation sur la « décommunisation », leur mainmise sur les médias publics et leur désintérêt pour les réformes économiques, le libéral Donald Tusk milite pour une réduction des impôts, moins de bureaucratie et d’autres mesures d’inspiration libérales afin d’engendrer un « miracle économique » et de tourner la page du chômage élevé ainsi qu’aux bas salaires qui ont incité de nombreux Polonais à émigrer au Royaume-Uni ou en Irlande. Du fait que le président Lech Kaczynski, frère jumeau du Premier ministre sortant, conservera son poste ainsi qu’un droit de veto sur les lois, la droite libérale de Donald Tusk se verra imposer une « cohabitation » indésirable qui pourrait être source d’instabilité.

Le futur gouvernement libéral polonais pourrait vouloir adhérer à la Charte des droits fondamentaux, implicitement incluse dans le nouveau traité européen. Un tel revirement constituerait une rupture forte par rapport à la politique menée depuis deux ans par les frères Kaczynski qui ont multiplié les blocages au sein de l’Union européenne.

(Sources : AFP, Cyberpresse, La Presse canadienne, Le Monde, Le Temps (Suisse))

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