vendredi 7 septembre 2007

Dominique de Villepin - Mon horizon, ce n’est pas Nicolas Sarkozy, c’est la France

Nous ne parlerons pas de l’affaire Clearstream. Elle occupe déjà tant de place dans l’actualité qu’il serait bien inutile et complexe de la remettre en avant-plan. Nous parlerons par contre de Dominique de Villepin. L’homme qui se réclame de l’esprit de Napoléon, dont il vient de publier Le Soleil noir de la puissance 1796-1807 : « Napoléon possède le génie de la conquête mais pas celui de la conservation. Le premier nécessite l'alliance de l'instinct, du courage et de la volonté. Le second, une réelle capacité d'écoute et de questionnement sans laquelle la politique s'abîme dans l'habitude et l'artifice entretenus par l'adulation intéressée des courtisan ». L’homme devenu le citoyen. Ce citoyen qui estime devoir porter la critique dans un pays où il n'y a « plus d'opposition ».


En quelques entrevues, en quelques phrases assassines, il semble décidé à commenter l’action présidentielle et gouvernementale. En premier lieu, il s’interroge non sans conséquences : « Je pose une question: est-ce que si on se contente d'appliquer toutes les promesses de Nicolas Sarkozy, la France ira mieux? Et je dis : c'est pas sûr ». En second lieu, en bon littéraire qu’il est, il s’est dit « sidéré » et « inquiet » par la lecture du livre de Yasmina Reza : « Le pouvoir n'est pas fait pour être ainsi consacré, il est fait pour rendre des comptes ». « L'homme de pouvoir en France est toujours mis dans la position d'être flatté ». Il a dit souhaiter que « les amis de Nicolas Sarkozy soient capables de lui dire les choses, de lui donner un autre son de cloche ».


Sur le pouvoir, Dominique de Villepin a ce mot très français : « On confond parfois le pouvoir et la gloire. Le Bourgeois gentilhomme, c'est toujours celui qui se met en scène. C'est forcément celui vers lequel les regards se tournent ». Il ne pouvait bien évidemment taire ce qu’il constate être un « esprit de cour » qui menace l'action du chef de l'État, un rival d'antan : « Ce n'est pas quand vous êtes entouré de béni-oui-oui, de cire-pompes et de courtisans que vous faites avancer un pays », invoquant l'exemple du « Bourgeois gentilhomme », personnage fat, entiché de noblesse. « L'esprit de cour est un virus dangereux », déclare l’ex-homme politique. Interrogé sur le rôle de Claude Guéant, Villepin affirme qu’un secrétaire général de l’Élysée n’a « pas de légitimité politique » à s’exprimer publiquement.


Le citoyen déplore l’absence d’une opposition structurée : « Je suis dans une majorité, dans un pays où il n'y a plus d'opposition et dans cette majorité j'estime que nous devons porter la critique ». Dominique de Villepin se voit comme celui qui remplit le rôle de conscience et d'aiguillon d'une majorité qui ne doit pas s'endormir sur ses lauriers. Il rappelle les « courtisans » à la réalité d' «une conjoncture économique difficile », d'un « investissement pas glorieux » et d'un commerce extérieur qui « atteint les chiffres les plus mauvais ».


Lui-même ancien ministre des Affaires étrangères, Dominique de Villepin dit souhaiter que le nouvel exécutif « fasse mieux » sur plusieurs dossiers diplomatiques, critiquant sans détour les « interprétations éminemment discutables » de Nicolas Sarkozy sur l'Afrique et s'alarmant d'une possible « caution » donnée à l'administration Bush en Irak. Celui qui a défendu aux Nations-Unies le refus de la guerre, invite la France à avancer « les yeux ouverts » et à « être lucides ». « Pour avancer en Irak, il faut un préalable, un gouvernement d'union nationale et un vrai calendrier de retrait des troupes américaines ». Dominique de Villepin n’a pas manqué de commenter la toute récente visite de Georges W. Bush en Irak : « Puisque nous avons porté l'étendard de la paix, et que nous avons été la conscience internationale dans ce domaine, avec un certain nombre d'autres pays, nous devons dire aux Américains qu'il y a aujourd'hui un certain nombre d'actes qui sont nécessaires, si on veut réenclencher une logique positive en Irak », a-t-il ajouté, avant de préciser que « ce n'est pas le cas aujourd'hui ». « Je vois que George (W.) Bush est (...) dans une phase ascendante, il continue d'imaginer qu'en envoyant plus de soldats en Irak, il réussira à stabiliser ce pays. Force est de constater qu'il se trompe depuis le début et qu'il persévère dans l'erreur ».


Répliquant aux critiques de la droite gouvernementale relativement à ses analyses de l’action présidentielle, Dominique de Villepin déclare que « sa posture était d'essence sarkozienne » et ne manque pas d’ironiser : « J'ai été dans un gouvernement où Nicolas Sarkozy n'a pas arrêté d'expliquer qu'il fallait animer le débat, qu'il y ait des grandes voix, des consciences capables de porter le débat et de nous permettre d'aller plus d'animer le débat. Nicolas Sarkozy avait raison ». Faute d'une gauche crédible, Dominique de Villepin considère que c'est à la majorité d'organiser, en son sein, le débat contradictoire avec le gouvernement.


Sur le discours de Dakar du président de la République, Dominique de Villepin se déclare très critique vis-à-vis de la politique africaine de Nicolas Sarkozy. Il a souhaité marquer sa désapprobation des propos « tenus à Dakar sur l’homme africain qui n’entrerait pas suffisamment dans l’avenir ». Pour l’ex-Premier ministre, avec la construction du Musée du Quai Branly : « Nous sommes le pays qui (…) comprend sans doute le mieux aujourd’hui l’Afrique et l’aime le plus ». C’est pourquoi il a appelé à « tenir compte des réalités et des sensibilités ». Pour rappel, Nicolas Sarkozy avait déclaré, notamment : « Le paysan africain, qui depuis des millénaires, vit avec les saisons, dont l'idéal de vie est d'être en harmonie avec la nature, ne connaît que l'éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles », jugeant « l'homme africain » étranger à toute « idée de progrès ».


En 2004, le ministre de l'Économie, Nicolas Sarkozy, s'était engagé à ne pas privatiser Gaz de France. Après l'annonce de la fusion avec Suez, la gauche et les syndicats ont dénoncé le « reniement » du chef de l'État, alors que le gouvernement insistait sur le poids de l'État dans le nouvel ensemble. Dominique de Villepin a salué le « très bel accord » réalisé par Nicolas Sarkozy. L'ancien Premier ministre, interrogé sur Europe-1, a estimé qu'il s'agissait d'une version « améliorée » de son projet.


Comme on peut le voir, tout n’est pas noir, tout n’est pas blanc. Il y a place au gris. La réplique est venue du secrétaire général de l'UMP, Patrick Devedjian : « S'il estime qu'on manque d'opposition, après tout, il y a des emplois vacants ».


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