mercredi 15 août 2007

États-Unis - Le présumé terroriste José Padilla a perdu ses capacités mentales sous la torture

José Padilla est interpellé le 8 mai 2002, à l’aéroport de Chicago. Il est soupçonné de préparer un attentat à la «bombe sale» (bombe contenant des éléments radioactifs) contre une ville des États-Unis. D’abord détenu par le ministère américain de la Justice en tant que « témoin important » dans le cadre des investigations menées par un « grand jury » (jury d’accusation), il est désigné le 9 juin 2002 « combattant ennemi » en vertu d’un décret présidentiel et transféré dans une prison de la Marine à Charleston, en Caroline du Sud. Le gouvernement affirme qu’il prévoyait des attentats meurtriers sur le sol américain, notamment avec une bombe radiologique, accusation abandonnée par les autorités lors du transfert du prisonnier vers la justice fédérale.

En tant que « combattants ennemis », les États-Unis peuvent détenir quiconque sans les inculper ni les juger, pendant « toute la durée des hostilités », dans le cadre de la « guerre contre le terrorisme » et en vertu des pouvoirs spéciaux conférés au président en temps de guerre. José Padilla, né dans le quartier new-yorkais de Brooklyn, le 18 octobre 1970, est citoyen américain, né d’une famille originaire de Porto Rico. Il s’est converti à l’Islam sous le nom d’Abdullah al-Muhajir. Il est, depuis 2002, considéré comme un terroriste islamiste et détenu, depuis, dans une prison militaire, en tant que « combattant ennemi ».

Après cinq années de détention, dont près de quatre au secret sur une base militaire, M. Padilla comparaît depuis avril, avec deux autres hommes, Kifah Wael Jayyousi, 45 ans, et Adham Amin Hassoun, 44 ans, accusés maintenant d’avoir animé en Floride un réseau de soutien à Al-Qaïda. Les trois hommes ont plaidé non coupable et ils risquent la réclusion criminelle à perpétuité. D’attentat à la « bombe sale », José Padilla fait face à une accusation d’avoir participé à un réseau de soutien à Al-Qaîda. L’accusation s’appuie maintenant que sur un document présenté comme un formulaire d’inscription rempli par M. Padilla pour rejoindre un camp d’entraînement d’Al-Qaïda en Afghanistan. Ce formulaire, remis aux forces américaines par un Afghan, se trouvait parmi une liasse de documents.

Les avocats de Padilla, et ses proches, disent qu’il a quitté le sud de la Floride pour l’Égypte en septembre 1998 dans un but spirituel. Ancien jeune délinquant, sa conversion à l’islam participait de ses efforts pour rentrer dans le droit chemin, expliquent-ils. Il avait expliqué à des proches, à des amis et à des agents du FBI, qui l’avaient interrogé en 2002, que sa mosquée de Fort Lauderdale avait financé son voyage. Parmi des dizaines de milliers de conversations enregistrées, quelques 230 communications téléphoniques constituent le cœur du dossier de l’accusation, dont 21 qui font référence à M. Padilla. La voix de Padilla ne serait présente que dans seulement sept d’entre elles. Le Times, qui a pu obtenir copie de ces enregistrements, constate que M. Padilla ne discute jamais de projets d’attentats. Aujourd’hui, José Padilla est passé du statut d’ennemi combattant à celui d’accusé dans une affaire criminelle.

M. Padilla aurait donné lui-même, pendant ses interrogatoires, des informations, pouvant l’incriminer : il aurait avoué avoir subi une formation terroriste de base, puis accepté la mission de faire sauter des immeubles d’habitation aux USA et enfin avoir assisté, avant de s’envoler pour Chicago, en 2002, à un dîner d’adieu avec Khaled Sheikh Mohammed, le présumé maître d’œuvre des attentats du 11 septembre. De tels aveux, extorqués sans la présence de son avocat, seraient irrecevables. Il y a plus grave. Sur les bases des affirmations des avocats de José Padilla, selon lesquelles la santé mentale de ce dernier est altérée en raison de son isolement prolongé et de ses interrogatoires au cachot, le juge Coke a ordonné une expertise psychiatrique que le service de médecine pénitentiaire a terminée. Deux psychiatres et un psychologue ont mené des examens approfondis chez M. Padilla pour le compte des avocats de la défense. Leur diagnostic vient de tomber : « la détention prolongée et les interrogatoires à la US Naval Consolidated Brig de Charleston l’ont laissé avec de graves dysfonctionnements d’ordre mental. Les trois experts doutent que son état soit réversible ». Selon les experts, la santé mentale de Padilla, en son état actuel, démontre irréfutablement que les tactiques de détention et d’interrogatoire perpétrées par gouvernement Bush sont allées trop loin.

Warren Richey, de la revue scientifique The Christian Science Monitor a parcouru le dossier des experts. Selon le Commandant J.D. Gordon, porte-parole Secrétariat à la défense, le gouvernement réfute énergiquement que José Padilla ait pu être l’objet de tortures au cours de ses interrogatoires. De telles accusations ne sauraient être prises au sérieux, a soutenu Gordon. En réponse, les experts soutiennent que leur diagnostic peut être soumis à des contre-expertises qui confirmeraient l’état mental de monsieur Padilla. Les experts ont soutenu également que leur diagnostic porte sur l’état de monsieur Padilla, et non sur la politique des interrogatoires américaine.

Les experts, les docteurs Hegarty et Grassian, indiquent, sans l’ombre d’une hésitation, que : « Padilla’s psychological condition exceeds even the high standard for mental damage set by the 2002 torture memo. “This whole issue of torture turns on the question of what are the types of effects that one would expect from putting a person in this situation in the brig,” says Grassian. “If you would expect a person to become so deranged as to become psychotically terrified, to me that constitutes torture ».

Selon les médecins, il y a eu torture, cela est indéniable, et l’état de José Padilla le montre indéniablement. Le docteur Rodolfo Buigas, expert psychologue, attaché au bureau des institutions pénitentiaires de l’État, rejette les conclusions des trois experts indépendants. Il a constaté que José Padilla pouvait démontrer une bonne humeur, blaguer à l’occasion dans le cadre de son examen : « Dr. Rodolfo Buigas disagreed with the other mental-health experts on the severity of Padilla’s conditions, painting a somewhat rosy picture of the onetime military detainee. “I saw this individual happy. I saw this individual joking in the context of the evaluation. I saw the full, broad range of emotions ».

Les experts ont rejeté cette image embellie de l’état mental de José Padilla. Le psychiatre de Boston, Stuart Grassian, a même évoqué toute la terreur qui se dégageait de la personne même de Padilla : « You can see the terror come out of him ». Padilla nourrirait des idées suicidaires à l’idée de terminer ses jours dans cet isolement qu’il a connu depuis les débuts de son incarcération. Patricia Zapf, psychologue de New-York, rapporte les propos de Padilla en consultation : « He said he will go back there. He will die there. He is fearful of his time in the brig. Everything that he talks about is with respect to the time at the brig, no other time point ».

Il semblerait que José Padilla ne soit plus maintenant que l’ombre de lui-même, après cette longue descente aux enfers depuis 2002. De terroriste, il est maintenant un prisonnier de droit commun dans une Amérique qui nie l’utilisation de la torture sur son territoire.

« Ces poursuites ne sont rien d’autre qu’une manoeuvre politique », a plaidé Kenneth Swartz, dans sa plaidoirie. Il est l’avocat de José Padilla. « Où est la preuve qu’ils voulaient se transformer en combattants islamistes? Ce n’est qu’un fantasme de plus ».

Dernière heure :

Mon pays, malheureusement, laisse traîner une cause infâme, qui le touche directement, pour ne pas déplaire au président américain, Georges W. Bush. Le président de l’Association du barreau canadien, J. Parker MacCarthy, dans une lettre au premier ministre Stephen Harper, estime que le gouvernement canadien ne peut plus ignorer une violation aussi flagrante de la loi : Omar Khadr n’était âgé que de 15 ans au moment de son arrestation et de son transfert à Guantanamo. 15 ans. Il est le seul Occidental encore détenu dans cette infâme prison américaine. Amnistie internationale et une centaine de personnalités publiques canadiennes ont appelé le gouvernement conservateur à mettre fin à son indolence quant au respect des droits de l’homme et à réclamer le rapatriement d’Omar Khadr, maintenant âgé de 20 ans. Le fait que M. Khadr était mineur au moment de sa capture rend la situation encore plus urgente, écrit le président l’Association du barreau canadien, J. Parker MacCarthy. L’avocat américain de M. Khadr, le commandant William Kuebler, a estimé à plusieurs reprises que le jeune homme devait être ramené dans son pays pour faire face à la justice canadienne. Si le gouvernement canadien choisit d’ignorer l’appel l’Association du barreau canadien à une action rapide, alors je pense que le gouvernement fédéral devra répondre au public et expliquer pourquoi il se permet d’ignorer une violation aussi flagrante de la loi, conclut J. Parker MacCarthy.

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