Monsieur George W. Bush et monsieur Stephen Harper ont trouvé amusantes les contestations et inquiétudes exprimées par des groupes dissidents sur ce fameux Partenariat pour la sécurité et la prospérité. M. Harper a souligné que les trois pays étaient « de bons voisins et de bons amis », qui étaient à la fois « indépendants et interdépendants ». Pouvait-il en être autrement ?
Le président Bush a affirmé qu’il était dans l’intérêt des États-Unis de travailler en collaboration avec les Canadiens et les Mexicains. Il faut reconnaître à George W. Bush une capacité extraordinaire de retenir l’information compromettante et d’énoncer des vœux pieux qui ne se traduisent pas par des actions concrètes et des réussites. Selon les États-Unis, le Canada fait fi d’un plafond sur les exportations de bois d’œuvre. Selon eux, les firmes canadiennes continuent de bénéficier de subventions déloyales. Notre premier ministre, Stephen Harper, a-t-il discuté avec son vis-à-vis de ces questions fort irritantes qui mettent à mal les bénéfices de l’accord de libre-échange nord-américain (ALENA) que pourraient en retirer les deux voisins ? Plus de deux décennies de batailles juridiques et de discorde diplomatique entourent la question des exportations de bois d’œuvre canadien aux États-Unis. La Cour internationale d’arbitrage de Londres (CAIL), se penchera sur de nouvelles plaintes déposées par le gouvernement américain contre des pratiques qui, selon lui, contreviennent à l’entente signée le 12 septembre 2006.
Monsieur Harper fait de l’humour. Il a raconté en rencontre de presse qu’un dirigeant d’entreprise avait dénoncé que les normes pour les bonbons à la gelée (jellybeans) n’étaient pas les mêmes au Canada et aux États-Unis. « Notre identité sera-t-elle en danger si on change ces règles ? M. Dion le pense, mais pas nous », a-t-il ironisé. C’est avec une même ironie que le premier ministre du Canada s’est moqué des manifestations de dissidence à l’égard du Partenariat pour la sécurité et la prospérité (PSP). « Quelques leaders de l’opposition ont mentionné des détournements d’eau gigantesques, et des superautoroutes continentales — peut-être interplanétaires, je ne sais pas », a dit M. Harper. « J’ai même entendu parler d’un ancien premier ministre qui hanterait les couloirs. Je ne l’ai pas encore rencontré ». Monsieur Harper voit dans les contestations l’échafaudage d’un complot. Le président George W. Bush a emboîté le pas en jugeant « comique la différence entre la réalité et ce que certaines personnes disent à la télévision ». Bien placé pour commenter l’actualité, le président Bush a soulevé les « tactiques de peurs » employées par de nombreux opposants. Il s’est dit amusé par ceux-là qui soulèvent des théories du complot et forcent ceux qui sont visés à prouver que ça n’existe pas.
Lorsque les deux hommes se sont fait demander s’ils avaient eu l’occasion de jeter un œil sur les manifestations se déroulant aux pourtours du périmètre de sécurité, monsieur Harper a ironisé, rapporte Le Devoir : « J’ai entendu dire que ce n’est rien, a-t-il lancé. Quoi, il y en a quelques centaines ? C’est pitoyable ». M. Bush, qui se trouvait à ses côtés, s’est contenté de sourire aux caméras avant de tourner les talons avec son hôte pour entamer leur rencontre bilatérale.
Stephen Harper, faisant fi des craintes maintes fois exprimées par les entreprises exportatrices aux États-Unis, a déclaré : « Nous avons reconnu que la sécurité frontalière, aussi critique soit-elle, ne peut menacer les liens amicaux qui nous unissent ». Ce qu’il faut savoir c’est que ces contrôles frontaliers depuis le 11 septembre ont entraîné des blocages qui ont coûté des milliards de dollars. Pouvions-nous nous attendre à une déclaration différente de Stephen Harper, aligné sur son ami George W. Bush, lorsque les États-Unis sont le premier partenaire économique à la fois du Mexique et du Canada.
Sur la question de l’Artique, remise à l’ordre du jour par la récente expédition russe qui a planté un drapeau sous le pôle Nord, la rencontre de Montebello n’aura débouché sur aucune décision. M. Harper a beau réaffirmer la souveraineté canadienne dans le Grand Nord et considérer, contrairement à Washington, que ce passage qui se faufile entre des îles canadiennes fait partie de ses eaux territoriales, les États-Unis persévèrent et signe : « les États-Unis continuent à considérer que le Passage du Nord-Ouest est une voie de navigation internationale », a déclaré un porte-parole américain, M. Dan Fisk, après un entretien entre George W. Bush et le premier ministre canadien. Rien de spectaculaire ne ressort de cette rencontre de deux jours mais Stephen Harper se cramponne sur quelques accords en matière de réglementation, de propriété intellectuelle, de recherche énergétique et de lutte contre les pandémies.
Pour ne pas irriter son homologue américain, le premier ministre a choisi de ne pas aborder le cas d’Omar Khadr, ce jeune Canadien emprisonné, alors qu’il avait 15 ans, à Guantanamo et pris dans un imbroglio juridique, rapporte Le Devoir. L’homme, arrêté en Afghanistan parce qu’il aurait prétendument attaqué des soldats américains, ne peut être jugé depuis qu’une commission militaire a déterminé que les tribunaux militaires spéciaux mis en place pour le faire n’en ont pas la compétence.
Des groupes nombreux et divers n’ont de cesse de dénoncer le « secret » entourant, selon eux, les discussions du PSP, qu’ils soupçonnent d’être une machine de guerre néolibérale au service du monde des affaires et des États-Unis. Si le Canada a eu son lot de contestataires, le Mexique n’y a pas échappé. Gustavo Iruegas, secrétaire des affaires étrangères du gouvernement symbolique du Mexique, un Conseil des ministres fantôme formé par le candidat défait à la présidence Manuel Lopez Obrador, qui ne reconnaît pas la victoire de son rival et aujourd’hui président mexicain, Felipe Calderón, partage la principale crainte des 1500 manifestants réunis à Montebello : la perte de souveraineté des pays avec le Partenariat pour la sécurité et la prospérité (PSP). « Cette réunion est très mauvaise pour le Mexique », a dit Gustavo Iruegas au Devoir. « Le Mexique n’a pas d’ennemis, mais en se collant sur les États-Unis, on va en avoir. Et ce n’est pas ici, derrière des portes closes, que le Mexique va régler ses problèmes de pauvreté ».
En terminant, faut-il se surprendre que quelques grands leaders d’entreprise canadiens se soient absentés de cette rencontre ? Étaient notamment présents : Dominic D’Alessandro, PDG de la Financière Manuvie et E. Hunter Harrison, PDG de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada. Étaient notamment absents : Paul Desmarais fils, président du conseil et co-chef de la direction de Power Corporation du Canada et Michael Sabia, PDG de BCE (Cyberpresse).
En rencontre de presse, au terme de leur rencontre, les trois leaders « amigos » ont tenté de rassurer leurs électeurs respectifs au sujet du Partenariat sur la sécurité et la prospérité (PSP) considéré comme obscur par les partis d’opposition et les groupes de la société civile. Quelle conclusion faut-il tirer de cette rencontre de Montebello ? Ni accord ni traité, le PSP est présenté comme un instrument international de concertation s’appuyant sur les ententes déjà existantes entre les États-Unis, le Canada et le Mexique, dont au premier chef l’Accord de libre-échange nord-américain (Alena). À la seule condition que cet instrument ne heurte en rien les convictions et les intérêts de nos voisins américains.
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