En décembre 2005, Le Devoir écrivait : « On le présente souvent comme une sorte de Bernard-Henri Lévy de l'anglophonie ». L'intellectuel Michael Ignatieff a, un jour, quitté son prestigieux poste de professeur à Harvard pour se lancer en politique canadienne. Paul Ignatieff, grand-père de Michael, a, poursuit Le Devoir, été le dernier ministre de l'Éducation du dernier tsar, Nicolas II. Réfugié avec sa famille en Ukraine pendant la révolution bolchevique, il a ensuite fui vers l'Angleterre avant d'arriver au Canada, dans les Cantons-de-l'Est, une histoire que Michael Ignatieff a racontée dans L'Album russe (1990, Boréal). Son père, le diplomate George Ignatieff, décédé en 1989, a servi dans les années 60 sous Pearson, notamment comme ambassadeur du Canada aux Nations unies.
L’homme a de l’étoffe. Un grand canadien, diront de lui des Canadiens de vieille souche. Il s’est présenté en politique. Il a perdu la course à la chefferie libérale. Il n’est plus que simple député. Cela ne l’empêche pas de réfléchir. Il vient de publier son mea culpa. Il avoue s’être trompé. Il avait fait confiance à Georges W. Bush. Il ne constate que « Catastrophe » et « débâcle » relativement à l’occupation de l’Irak. Richard Hétu, de Cyberpresse, lui consacre sa chronique du dimanche.
Comme l’écrit le chroniqueur « « aujourd’hui, l’ancien professeur de Harvard devenu politicien à Ottawa signe cet article dans le magazine du New York Times, où il admet s’être royalement trompé sur les conséquences de l’invasion américaine ». Ignatieff écrit de Georges W. Bush : « Le bon jugement en politique repose sur la capacité de s’autocritiquer », écrit-il. « Ce n’est pas seulement que le président ne s’est pas soucié de comprendre l’Irak. Il ne s’est également pas soucié de se comprendre lui-même ».
En 2003, Michael Ignatieff écrivait, dans le New-York Times : « Some of the immediate consequences of the Iraq intervention have been good indeed : a totalitarian regime is no longer terrorizing Iraqis; Shiites marching in their hundreds of thousands to celebrate at their shrine at Karbala, along with professors, policemen and office workers demonstrating in the streets of Baghdad, are tasting freedom for the first time; Iraqis as a whole are discovering the truth about the torture chambers, mass graves and other squalid secrets of more than two decades of tyranny ».
Dans un élan d’une grande naïveté, Ignatieff poursuivait ainsi son apologie de l’intervention irakienne : « Human rights could well be improved in Iraqi as a result of the intervention. But the Bush administration did not invade Iraq just to establish human rights. Nor, ultimately, was this intervention about establishing a democracy or saving lives as such. And here we come to the heart of the matter -- to where the Bush administration's interventions fit into America's long history of intervention. All such interventions have occurred because a president has believed going in that it would increase both his and his country's power and influence. To use Joseph S. Nye Jr.'s definition, ''power is the ability to obtain the outcomes one wants.'' Presidents intervene because successful interventions enhance America's ability to obtain the outcomes it wants ».
Aujourd’hui, Michael Ignatieff fait son examen de conscience : « An intellectual’s responsibility for his ideas is to follow their consequences wherever they may lead. A politician’s responsibility is to master those consequences and prevent them from doing harm. I’ve learned that good judgment in politics looks different from good judgment in intellectual life […] Measuring good judgment in politics is not easy. Campaigns and primaries test a candidate’s charm, stamina, money-raising ability and rhetorical powers but not necessarily judgment in office and under fire».
Et comme l’écrit Richard Hétu : « Le texte d’Ignatieff, qui se veut une réflexion sur le jugement politique, contient le passage suivant : « La leçon que je retiens pour l’avenir est d’être moins influencé par les gens que j’admire - les exilés irakiens, par exemple - et moins entraîné par mes émotions. Je suis allé dans le nord de l’Irak en 1992. J’ai vu ce que Saddam Hussein avait fait aux Kurdes. Dès lors, j’ai cru qu’il devait partir… J’ai laissé mes émotions me transporter au-delà des questions difficiles : les Kurdes, les sunnites et les chiites peuvent-ils maintenir par la paix ce que Saddam Hussein a maintenu par la terreur? »
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