vendredi 3 août 2007

Abbas s’oppose à une aide humanitaire à Gaza, Israël développe une centrale nucléaire

Selon le journal Le Maariv, le président palestinien serait opposé à l’apport d’aide humanitaire à la bande de Gaza, estimant que, si la situation venait à se détériorer, la responsabilité en incomberait au Hamas. Pendant ce temps, Israël étudie la possibilité de construire une première centrale nucléaire destinée à la production d’électricité. À 18 mois de son départ, Georges W. Bush accélère la mise en place de sa conférence internationale pour l’établissement d’un État palestinien et finance un bouclier défensif contre l’Iran et la Syrie. Espoir et scepticisme sont au rendez-vous.

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Comment représenter les enjeux du Proche-Orient ? En les séparant en cinq temps.

Premier temps

Mahmud Abbas revient de Moscou avec une reconnaissance officielle. « Je veux vous assurer, lui a dit Vladimir Poutine, que nous allons vous soutenir en tant que dirigeant légitime du peuple palestinien. Nous sommes certains que vous ferez tout pour rétablir l’unité ». Moscou ménage le chou et la chèvre : elle ne considère pas, en contrepartie, le Hamas comme une organisation terroriste. La capitale russe a d’ailleurs reçu à deux reprises, depuis janvier 2006, le chef du bureau politique du mouvement, Khaled Mechaal. Ce qui lui donne, selon le quotidien officiel Rossiskaïa Gazeta, « une carte à jouer pour ramener le Hamas à la table des négociations ». Georges W. Bush avait demandé, rappelons-nous, aux Palestiniens de choisir le président Mahmoud Abbas et dénoncé le Hamas soutenu par la Syrie et l’Iran.

Au cours de sa visite, Mahmoud Abbas, a déclaré qu’il était ouvert à un rapprochement avec le Hamas, si ce dernier accepte de céder le contrôle de la bande de Gaza. « Toute partie souhaitant intervenir est la bienvenue (…) que ce soit nos amis russes ou nos frères arabes », a déclaré le dirigeant palestinien sur la chaîne de télévision Al Arabia à Moscou. La Russie vient de réinviter le responsable du bureau politique du Hamas, Khaled Mashaal, à se rendre à Moscou après la visite du président palestinien Mahmoud Abbas. « La Russie est dans une position objective et nous nous félicitons de sa médiation et attendons un rôle similaire des Arabes », a affirmé le Hamas dans un communiqué remis à la presse. Lors de leurs récents entretiens, Condoleezza Rice et son homologue israélienne, Tzipi Livni, ont soutenu l’idée d’un accord politique entre l’État hébreu et le gouvernement palestinien de Cisjordanie de Mahmoud Abbas, laissant de côté la Bande de Gaza contrôlée depuis juin par le Hamas. Moscou persiste et signe : « La Russie va fournir de l’aide humanitaire à l’Autorité palestinienne », a déclaré le vice-ministre des Affaires étrangères, Andrei Denisov, ajoutant qu’elle maintiendra ses contacts avec le mouvement islamiste Hamas pour promouvoir le dialogue.

Deuxième temps

S’agissant du Hamas, le Qatar a saisi le Conseil de sécurité des Nations-Unies d’un texte sur la situation humanitaire dans la bande de Gaza. Le Premier ministre, Ehud Olmert, et le président de l’Autorité palestinienne, Mahmud Abbas, cherchent à convaincre les pays membres du Conseil de sécurité d’ignorer la proposition qatari, par crainte que celle-ci n’offre au Hamas une légitimité sur la scène internationale. Selon le journal Le Maariv, le président palestinien serait en effet opposé à l’apport d’aide humanitaire à la bande de Gaza, estimant que si la situation venait à se détériorer, la responsabilité en incomberait au Hamas. Selon un diplomate israélien, si Riyad Mansur et Dany Gilerman, l’ambassadeur d’Israël aux Nations-Unies, ont tous deux combattu la proposition qatari, les Palestiniens « ont fait le gros du travail », ajoutant que cette convergence d’intérêt entre Israël et l’Autorité palestinienne créait un « précédent intéressant » (Ambassade de France en Israël, Revue de presse, 1er août 2007).

Fait à noter : la Cour suprême d’Israël vient d’autoriser la construction de la barrière de sécurité autour de la localité d’Efrat, dans le Goush Etsion, rejetant ainsi le recours présenté par les Palestiniens de la région qui protestaient contre l’expropriation de leurs terres.

Gaza n’est pas sans intérêt pour Israël. Le commerce avec la seule bande de Gaza représente le quart de ses échanges avec les Territoires palestiniens, le reste (75%) étant réalisé avec la Cisjordanie. Autrement dit, les fournitures israéliennes à Gaza représentent à peine 0,8% du volume des exportations israéliennes. En 2006, Israël a acheté aux Territoires palestiniens pour 375 millions de dollars, soit 0,6% des importations israéliennes. La même année, Israël a vendu aux Palestiniens pour 2,3 milliards de dollars, soit 3,4% des exportations israéliennes (Source : Bank Leumi).

Troisième temps

La dépendance énergétique d’Israël, la hausse du prix du pétrole, la pollution de l’air provenant des centrales électriques et les difficultés croissantes rencontrées par la Compagnie israélienne d’électricité pour satisfaire la demande, font ressurgir un vieux projet : depuis un certain temps, Israël étudie la possibilité de construire une première centrale nucléaire destinée à la production d’électricité. Israël dispose déjà de deux petites centrales nucléaires destinées uniquement à la recherche. Le coût d’une telle centrale oscillerait entre 1,5 et 2 milliards de dollars, un prix qui avoisine celui de la construction d’une centrale au charbon. Pour faire face à une possible opposition internationale qui pourrait soupçonner Israël de vouloir détourner ce projet à des fins militaires, cette dernière pourrait faire appel à la coopération de la Jordanie ou de l’Égypte.

Quatrième temps

Pendant qu’Israël planifie ce projet, le secrétaire américain à la Défense, Robert Gates, appelle les alliés arabes des États-Unis à faire pression sur l’Iran afin qu’il renonce à son programme nucléaire : « Plus nous avons des pays dans le monde qui coopèrent pour (appliquer) les sanctions de l’ONU et exercer des pressions sur ce gouvernement (iranien), dont les politiques sont diamétralement opposées aux intérêts de tous ses voisins, le mieux nous serons ».

L’administration Bush entend vendre en dix ans pour 13 milliards de dollars à l’Égypte, 30 milliards à Israël et 20 milliards à l’Arabie saoudite de fourniture d’armements. Pour la secrétaire d’État américaine Condoleezza Rice, citée par Reuters : « Ces contrats visent à contrer les influences “négatives” de l’Iran, d’Al-Qaïda, du Hezbollah ainsi que de la Syrie dans la région. Il n’y a rien de neuf dans le fait que les États-Unis coopèrent avec leurs alliés dans le domaine de la sécurité. Nous sommes également déterminés à entretenir l’équilibre des forces, les équilibres militaires et stratégiques (…) L’Iran constitue le défi le plus important lancé aux intérêts américains dans la région et au projet de Proche-Orient que nous voulons ».

Les autres pays visés par Washington pour faire contrepoids à l’influence de l’Iran sont les cinq monarchies du Golfe suivants : les émirats de Bahreïn, du Qatar et du Koweït, le sultanat d’Oman, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis. Parmi les armes destinées à l’Arabie saoudite figurent des missiles air-air, des navires de guerre et des JDAM (Joint Direct Attack Munitions) qui transforment les bombes classiques en armes guidées de précision. Comme l’indique Libération, avec ces contrats, Washington témoigne au régime saoudien qu’il demeure son principal partenaire stratégique dans la région. A lui, en revanche, d’exercer un rôle de modération dans la vaste nébuleuse sunnite, qui va du Liban au Pakistan, où, par ses richesses, et en tant que gardien des lieux saints de l’islam, il exerce une influence certaine. L’adversaire le plus déterminé de ces ventes d’armes ­ultra-perfectionnées à l’Arabie Saoudite risque d’être le Congrès américain.

Le président démocrate de la commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants, Tom Lantos, souhaiterait obtenir du Qatar une modération du rôle de la télévision Al-Jazira dans la région. Le combat peut tourner en partie de bras de fer entre l’administration Bush et le Congrès, même si, selon plusieurs experts, un certain consensus existe entre républicains et démocrates sur « l’hégémonisme » iranien, y compris sur la façon de le combattre.

Condoleezza Rice a obtenu la promesse des alliés arabes des États-Unis de les aider à stabiliser l’Irak, en proie à une insurrection. Elle a réaffirmé de son côté l’engagement de Washington à la création d’un État palestinien.

Cinquième temps

En préparation de la conférence internationale qui devrait se tenir cet automne, sur l’initiative des Américains, dans le but de promouvoir la paix entre Israël et les Palestiniens, le Premier ministre Ehud Olmert souhaite la présence de l’Arabie saoudite pour ainsi illustrer les progrès diplomatiques qui ont été marqués. Si la question de la participation saoudienne à cette conférence est cruciale pour Israël, nul ne se fait d’illusion : il est peu probable que l’Arabie saoudite accepte de reconnaître Israël uniquement pour participer à cette rencontre. Toutefois, le prince Saoud al-Fayçal, ministre saoudien des Affaires étrangères, a indiqué à l’issue d’une rencontre avec Mme Rice et le secrétaire à la Défense Robert Gates que son pays, qui n’a pas d’accord de paix avec Israël, était prêt à participer à une conférence internationale de paix s’il était invité. La secrétaire d’État a affirmé qu’il était encore trop tôt pour décider qui y serait convié.

Les chefs de diplomatie des pays arabes, à l’exception de la Syrie, ont apporté leur soutien à la proposition du président américain George W. Bush d’organiser une réunion internationale sur le Proche-Orient : « La paix n’est pas possible sans retrait du territoire syrien, toutes les parties doivent donc être présentes », a déclaré Amr Moussa, secrétaire général de la Ligue arabe, exigeant implicitement la participation de Damas et la reprise des négociations israélo-syriennes au point où elles sont restées en 2000. La Syrie invite la communauté mondiale à accorder une attention de premier plan à la paix entre les Palestiniens. Cette conférence devra se concentrer sur l’établissement d’un État indépendant palestinien sur la base de l’initiative de paix arabe.

Abbas voudrait bien mettre sur la table le « statut final » d’un État palestinien - l’avenir de Jérusalem, les frontières et le droit au retour des réfugiés -, mais Olmert préfère s’en tenir à une déclaration de « principes ». Abbas, au risque de perdre en crédibilité aux yeux de l’opinion palestinienne et arabe, doit éviter de fraterniser de trop près avec les États-Unis. L’impopularité d’Olmert, qui a fortement perdu en crédibilité auprès des électeurs israéliens, n’améliore pas la situation. Les commentateurs américains ne cachent pas leur pessimisme quant au succès de l’entreprise de Georges W. Bush, alors même que les territoires palestiniens sont partagés entre les islamistes du Hamas, qui ont pris le contrôle en juin de la bande de Gaza, et les laïcs du Fatah, dont les forces dominent la Cisjordanie. Le mandat du président Bush se termine dans 17 mois. Si Washington qualifie de priorité la résolution du conflit israélo-palestinien, il est surtout préoccupé à l’heure actuelle par la guerre d’Irak.

« Les efforts américains pour vendre des milliards de dollars d’armes et pour propager des scénarios montés de toutes pièces dans la région sont improductifs », a déclaré le chef de la diplomatie iranienne, Manouchehr Mottaki. Son homologue syrien, Walid Mouallem, a ajouté que « celui qui veut faire la paix ne commence pas par une initiative d’armement dangereuse dans la région ». Mme Rice « ne vient pas pour créer un État palestinien mais pour mettre sur pied des escadrons de la mort chargés de travailler contre la résistance y compris le Hamas », a précisé le porte-parole du Hamas, Sami Abou Zouhri.

Pour le Jerusalem Post : « les pays arabes exhortent les États-Unis à agir tout en refusant de lever le petit doigt pour leur faciliter la tâche. Ils sont pourtant en grande partie responsables des obstacles qui se dressent devant Washington. […] Les pays arabes doivent arrêter leur guerre diplomatique contre Israël, mettre un terme à leur boycott commercial illégal, combattre l’antisémitisme qui sévit dans leurs pays et commencer à expliquer aux Palestiniens que le « droit au retour » ne concerne que le futur État palestinien et non Israël » (Courrier International).

Voyez-vous poindre une solution à l’horizon ?

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