Selon Le Devoir, édition du samedi 30 juin 2007, un nouveau sondage mondial indique que les citoyens de 32 des 47 pays interrogés souhaitent un retrait immédiat des troupes de ce pays instable. Dans certains pays très engagés dans le conflit, les résultats sont parfois serrés.
Le sergent Christos Karigiannis était un instructeur militaire. Le 20 juin dernier, en compagnie du soldat Joel Wiebe de l'Alberta, du caporal Stephen Bouzène de Terre-Neuve, le sergent Christos Karigiannis circulait à bord d'un véhicule blindé de type Gator lorsqu'un engin explosif a explosé, environ 40 kilomètres à l'ouest de Kandahar. Ils sont morts tous les trois. Samedi, les populations de leurs patelins assistaient à leurs obsèques respectives.
Le sergent Mac Dougall, membre de la première vague de soldats canadiens déployés en Afghanistan, a dit du sergent Christos Karigiannis : « Il était au courant des enjeux à venir, mais il était plus que disposé à se sacrifier et à risquer sa vie pour son pays et tout membre de sa section ».
Mais pourquoi revenir une nouvelle fois sur la question de l’Afghanistan ?
Parce qu’il y a une semaine, 25 civils, dont neuf femmes et trois enfants, avaient été tués dans des frappes dans cette région de Gereshk dans des bombardements aériens de l'Isaf qui avaient provoqué la colère du président afghan Hamid Karzaï. Au lendemain de cette colère du président afghan, Nicholas Lunt, porte-parole civil de l'ISAF, lui donnait raison : « Il a raison d'être en colère. Nous devons améliorer la façon dont nous opérons ».
Parce que les ministres de la Défense des 26 pays de l'Otan s'étaient engagés ce mois-ci à Bruxelles à limiter au maximum les pertes infligées aux civils qui minent le soutien de la population afghane à leur mission et ont un impact sur l'opinion publique de leurs pays.
Parce qu’un lieutenant-colonel porte-parole de l'Isaf, Maria Carl, indique clairement, après la déclaration de Bruxelles, que l’Alliance n'avait pas l'intention de revoir sa stratégie de bombardements aériens pour contrer l'insurrection, en raison d'effectifs au sol insuffisants : « Nous examinons de près nos opérations aériennes, mais ce n’est pas quelque chose que nous allons changer dans l`immédiat. La principale raison est que l’aviation nous permet de couvrir un territoire beaucoup plus vaste que nous le pourrions avec un nombre limité de troupes ». Politiques et militaires se concertent-ils ?
Parce que l’hécatombe se poursuit : ce samedi, quelque 65 civils, dont des femmes et des enfants, et 35 talibans ont été tués dans des frappes aériennes alliées dans la province d'Helmand (sud de l'Afghanistan). Un porte-parole de la force de l'OTAN, John Thomas, a répondu qu'il n'y avait jusqu'à maintenant « aucune preuve pour confirmer certains chiffres élevés dont les médias ont fait état ». La coalition internationale accuse toutefois les rebelles talibans d'avoir utilisé ces personnes comme boucliers humains. Une affaire qui risque de relancer la polémique à Kaboul sur les « dommages collatéraux » des forces internationales. Attaqués au mortier et au lance-roquettes, des soldats afghans et de la coalition « ont riposté et appelé en renfort l'aviation de l'Isaf et de la coalition » après avoir « clairement identifié les positions de tirs ennemis, incluant un système de tranchées », selon un communiqué de la coalition.
On enterre chez nous, on tue là-bas.
Interrogé au téléphone par l'AFP, un habitant d'un village voisin, Feda Mohammad, a affirmé que « six maisons avaient été bombardées, dont trois avaient été réduites en poussière ». « Des funérailles se déroulent à différents endroits », a-t-il dit.
Pew Research Center est un organisme indépendant. Il est situé à Washington. Le quotidien Le Devoir, édition du samedi 30 juin 2007, a publié, dans ses pages intérieures, les résultats d'un nouveau sondage mondial mené par Pew Research Center, fin avril-début mai, sur la mission militaire en Afghanistan.
Comme le rapporte Le Devoir : « Même si les efforts de l'OTAN et des États-Unis en Afghanistan reçoivent un meilleur appui diplomatique que la mission en Irak, le sondage montre tout de même un fort scepticisme envers les opérations militaires en Afghanistan », peut-on lire dans le rapport du Pew Research Center. « À l'intérieur des 12 pays membres de l'OTAN qui ont été interrogés, la population est très divisée, puisque sept pays voudraient un retrait des troupes d'Afghanistan ».
En Grande-Bretagne, deuxième contingent en importance en Afghanistan avec 6700 soldats, la population est également en faveur du maintien des troupes dans ce pays ravagé par 25 ans de guerre. En effet, 45 % des Britanniques appuient la mission, alors que 42 % voudraient un retrait. En France et en Allemagne, la population est également divisée: 48 % des Français et 44 % des Allemands sont en faveur du maintien des soldats en Afghanistan, alors que 51 % des Français et 49 % des Allemands s'y opposent.
Au Canada, comme l’indique Alec Castonguay, du quotidien Le Devoir, les chiffres du Pew Research Center reflètent ceux que les maisons de sondage canadiennes affichent depuis plusieurs mois : 43 % des gens veulent garder les soldats en Afghanistan, alors que 49 % voudraient les voir revenir et que 8 % refusent de répondre.
Parmi les pays qui mettent à l'œuvre des soldats en Afghanistan, la population de la Turquie (1200 soldats) est la plus sceptique, avec 74 % des gens qui souhaitent un retrait et à peine 11 % qui veulent maintenir les troupes dans ce pays. L'Espagne (67 % en faveur du retrait et 22 % contre), la Pologne (63 % pour et 24 % contre), la Bulgarie (60 % pour et 21 % contre) et la Slovaquie (58 % pour et 29 % contre) sont les autres pays les plus en faveur d'un retrait immédiat. Les plus divisés? Les Tchèques, puisque 45 % des citoyens appuient le retrait des troupes et 45 % veulent les maintenir sur place.
Fait important à noter : si, en 2002, la vaste majorité des pays du monde appuyaient le combat contre le terrorisme, il est de plus en plus clair que le scepticisme s'est répandu partout, ce qui pourrait se refléter sur la mission afghane. Par exemple, au Canada, 68 % des gens appuyaient la guerre au terrorisme en 2002, quelques mois après les attentats du 11 septembre 2001. Ils ne sont plus que 37 %, selon le Pew Research Center. Aux États-Unis, l'appui reste fort, mais il est tout de même passé de 89 % à 70 % en cinq ans.
Pour tenter de comprendre la complexité de ce pays, l’Afghanistan, je vous recommande la lecture, sur le site L'aménagement linguistique dans le monde de l’Université Laval de Québec, la section consacrée à l’Afghanistan. Le lecteur y apprend notamment que : « Le 5 décembre 2000, ont commencé à Berlin les travaux du Groupe de soutien à l'Afghanistan, lequel regroupe une quinzaine de pays donateurs et divers agences humanitaires des Nations unies ou privées. Le haut-commissaire aux réfugiés a déjà rendu public un plan d'action régionale pour venir en aide aux millions d'Afghans déplacés, en Afghanistan comme dans les pays voisins. Le coût du plan est estimé à 205 millions d'euros, soit 182,4 millions de dollars US. Mais, à long terme, des milliards seront nécessaires pour remettre le pays à flot, qui se transforme rapidement en narco-État. En 2004, les cultures de pavot d’Afghanistan ont produit 87 % de l’héroïne vendue dans le monde. Évidemment, la réintégration de l’Afghanistan dans la communauté internationale en tant qu’État uni, souverain, stable et pacifique, vivant en harmonie avec ses voisins, constitue un facteur essentiel de stabilité et de sécurité régionale. Or, les principaux facteurs d’instabilité demeurent encore le trafic de stupéfiants et la criminalité organisée, ce qui représente des obstacles à la prospérité économique et à la stabilité politique du pays. Pour le moment, il semble que le président Hamid Karzaï n’aie pas trop envie de détruire sa fragile autorité pour calmer l’indignation morale des Européens et des Américains ».
En terminant, notre Premier ministre, Stephan Harper, semble cultiver l’assurance que le Canada s’est grandi avec cette décision qu’il a défendue âprement de combattre le terrorisme en Afghanistan. Sur la colline parlementaire, à Ottawa, devant 35 000 personnes, Stephen Harper a soutenu que le Canada était redevenu un joueur majeur sur la scène internationale avec sa contribution à la sécurité de l'Afghanistan et d'Haïti et avec sa production importante d'énergie. Mais en privé, il n’hésite pas à se plaindre du manque d’allégeance de son corps diplomatique : « Tous les leaders à qui j'ai parlé se plaignent que leurs diplomates veulent mener leur propre politique étrangère et pas celle du gouvernement du jour », a-t-il dit. M. Harper compare la diplomatie canadienne à un lourd navire auquel il est difficile de faire changer de direction. Mais il souligne en même temps que la plupart des gouvernements ont les mêmes problèmes. Le Premier ministre du Canada doit manquer singulièrement de sujets de conversations pour s'entretenir que des petites félonies de ses fonctionnaires avec les grands de ce monde.
En conclusion, se pourrait-il que ces mêmes diplomates et fonctionnaires ne soient pas dupes et qu’ils aient en leur fors intérieur les mêmes appréhensions que les citoyens des 32 pays qui souhaitent le retrait immédiat des troupes de l’Afghanistan ?
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C'était en 1988
Extrait du film The Beast (1981)