L’air est beaucoup vicié dans l’entourage du président Georges W. Bush. Dans certaines coulisses qui font jouer très fortement les règles des influences occultes, on s’impatiente. Le ton doit être à la clémence. « Scooter Libby will go to prison six to eight weeks from now, unless President Bush intervenes », écrit John Dickerson, de Slate.com. Libby devra donc se présenter à une prison dans six à huit semaines à moins que ses avocats ne persuadent une cour d'appel de le libérer ou que les pressions soient suffisamment importantes pour que le président Bush le gracie.
Les conservateurs exhortent en effet le président George Bush d’accorder sa grâce à Libby avant qu'il ne soit incarcéré. Il serait inacceptable, à leurs yeux, de contraindre Scooter Libby de revêtir l’uniforme orange : « It has always been the view among Cheney loyalists and former Bush administration officials who have followed the case closely that the president would never allow Libby to spend a single day in an orange jumpsuit », comme l’écrit Dickerson.
Les éditorialistes du National Review Online sont unanimes sur le pardon qui s’impose dans les circonstances : « President Bush should pardon I. Lewis “Scooter” Libby. The trial that concluded in a guilty verdict on four of five counts conclusively proved only one thing : A White House aide became the target of a politicized prosecution set in motion by bureaucratic infighting and political cowardice ».
Si jamais Libby devait finir en prison : « It would be seen by the religious and policy conservatives as the president abandoning his loyalty virtue for the hedonistic pleasure of political expediency », écrit Mike Allen du site The Politico.
Lewis "Scooter" Libby avait imploré la Cour : « J'ai l'espoir que le tribunal et le jury tiendront compte de ma vie tout entière ». Ce à quoi le procureur Patrick Fitzgerald avait répondu : « Quelle que soit la sanction que vous choisirez de prononcer, elle devra affirmer clairement que c'est la vérité qui compte, pas le statut d'une personne dans la vie ». Le 6 mars dernier, le verdict est tombé :
- coupable de faux témoignage et d’entrave à la justice dans l’affaire Valerie Plame ;
- coupable d'avoir menti au FBI qui enquêtait sur la fuite ayant exposé le nom de Valerie Plame ;
- condamné à 30 mois de prison, d’une amende de 250 000 $US et d'une période probatoire de deux ans.
Le coup est dur à encaisser. Le juge Reginald Walton ordonne à Lewis Libby de commencer à purger sa peine sans attendre l'issue de la procédure d'appel : « Tout le monde est responsable au regard de la loi américaine », estime le juge Reginald Walton, qui, du même souffle, ajoute : « même si vous travaillez à la Maison blanche, vous devez respecter la loi comme tous les autres Américains ».
Une dizaine de juristes d’infléchir le juge Walton en l’informant que l'appel de Libby était recevable et qu’il devrait, en conséquence, recevoir favorablement sa demande de maintien en liberté. L’honorable juge persiste et signe : il est de son avis que la défense n'a pas montré qu'elle avait des chances de l'emporter en appel. « La preuve de la culpabilité de M. Libby dans ce dossier est accablante », dit-il. Le juge révèle même avoir été harcelé au téléphone avant de rendre son verdict et avoir reçu des lettres menaçant sa famille.
Le président (George W. Bush) se dit très mal pour tout ce que Scooter et sa famille, en particulier ses jeunes enfants, sont en train de traverser. « Scooter Libby a encore le droit de faire appel, et donc comme par le passé, le président va continuer à ne pas intervenir dans la procédure judiciaire », a déclaré une porte-parole de la Maison Blanche, Dana Perino. D’aucuns reconnaissent que Lewis "Scooter" Libby n’est pas le dernier venu dans les hautes sphères de Washington. Il ne faut pas par exemple sous-estimer le rôle qu’il a joué dans la prise de décision pour la guerre en Irak est central : c’était Libby qui avait élaboré une vaste étude pour démontrer les raisons justifiant une offensive américaine en Irak. D’un mensonge à l’autre…
Libby pourrait espérer bénéficier d’une grâce présidentielle à la fin du mandat de George W. Bush, en automne 2008. C’est au moins l’hypothèse avancée par plusieurs médias et analystes américains. Il faut rappeler les mots bienveillants du vice-président américain, Dick Cheney, dans cette affaire de condamnation : « En tant qu’amis, nous espérons que notre système (judiciaire) parviendra à un résultat final en conformité avec ce que nous savons de cet homme de bien ». À défaut des résultats attendus du système judiciaire pour cet « homme de bien » qu’est Lewis "Scooter" Libby, il devrait y avoir la grâce présidentielle. Georges W. Bush compte 113 grâces depuis le début de sa présidence, alors qu'en huit ans, son prédécesseur, Bill Clinton, en avait accordé 396. Une de plus ou de moins ? C’est là toute la question.
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