samedi 12 mai 2007

Pendant que Dick Cheney élève le ton, la diplomatie murmure

La mission de Dick Cheney, telle qu’expliquée par Georges W. Bush, est d’assurer aux alliés de Washington dans la région que les États-Unis comprennent les « conséquences qu’aurait un Iran doté de l’arme nucléaire ». L’Iran est la bête noire des États-Unis dans la région et la possibilité qu’il détourne ses activités nucléaires civiles pour fabriquer la bombe atomique est une préoccupation primordiale pour M. Bush. Le président américain avait affirmé la semaine dernière que le voyage de Dick Cheney au Proche-Orient visait aussi à renforcer le front contre l’Iran. Réponse du Vice-président depuis le porte-avions américain USS John C. Stennis à l’égard de l’Iran : « We will stop you ! ». Dick Cheney a expliqué, devant des milliers de marins, sa menace en ces termes : « Nous allons nous mettre aux côtés de pays alliés pour empêcher l’Iran d’avoir des armes nucléaires et de dominer cette région ». Le porte-avions USS John C. Stennis accueille 65 avions, dont 44 de combats, et a été utilisé dans le cadre des opérations en Afghanistan.

La réponse de l’Iran ne s’est pas fait attendre. Selon l’agence officielle Irna et l’Agence France Presse, le général Hassan Firouzabadi, commandant des forces armées iraniennes, a révélé que ses hommes avaient identifié les « points faibles » de l’adversaire et étaient prêts à faire face à toute attaque. « L’Occident murmure des menaces », a-t-il déclaré. Les forces armées iraniennes « ont identifié de manière réaliste les points faibles et les points forts de l’ennemi, ont échafaudé en conséquence des plans pour faire face à la menace, et sont prêtes », a poursuivi le général iranien.

Après Bagdad, Dick Cheney a passé la nuit au Camp Speicher, près de la ville de Tikrit, l’ancien bastion de Saddam Hussein à 180 km au nord de Bagdad, qui héberge entre 10.000 et 12.000 soldats. Puis, il s’est rendu à Abou Dhabi pour une visite officielle dans les Émirats arabes unis. Concernant l’Irak, M. Cheney a répété que le succès des États-Unis « demeurait nécessaire pour notre sécurité ». […] « Le peuple américain ne soutiendra pas un plan de retrait », a ajouté M. Cheney, alors que les sondages montrent qu’une majorité d’Américains sont en faveur d’un calendrier de retrait d’Irak. La diplomatie américaine essaie de fédérer les pays modérés de la région contre les forces et les pays qu’elle considère comme extrémistes. Le vice-président a rappelé que l’Irak se trouvait en première ligne de la « guerre contre le terrorisme ». Il a soutenu de plus que « nous livrons une guerre au terrorisme. Par dessus tout, nous sommes ici parce que les terroristes qui ont déclaré la guerre à l’Amérique, entre autres pays libres, ont fait de l’Irak le front central de cette guerre ».

Fait intéressant. Les déclarations de Georges Tenet, ex-directeur de la CIA, ont rejoint le vice-président, Dick Cheney, à Abou Dhabi par une question que lui a posé un journaliste de Fox News. Dick Cheney a réfuté que l’attaque de l’Irak était une affaire courue d’avance. M. Tenet avait dirigé la CIA jusqu’en 2004. Il a été la principale victime politique de la faillite du renseignement américain face aux attentats du 11 septembre, puis dans la justification de la guerre en Irak. « Je n’ai pas lu le livre de George mais (…) nous avons eu de longues discussions. Peut-être George n’en faisait-il pas partie, mais le fait est que cette décision a été soupesée et examinée avec plus de soin qu’aucune autre à laquelle j’ai pris part, et j’ai travaillé pour quatre présidents », a répondu Dick Cheney.

Dans un communiqué diffusé dimanche, l’État islamique en Irak, un groupe affilié à Al-Qaïda, a affirmé avoir capturé plusieurs soldats américains dans l’attaque contre une patrouille qui a fait cinq morts et trois disparus la veille dans le sud de l’Irak. En effet, depuis vendredi, trois GI’s sont portés disparus après une embuscade meurtrière. Quatre mille soldats américains sont à pied d’oeuvre pour les retrouver en parcourant des canaux d’irrigation et des vergers de palmiers dattiers environnants. Des barrages sont érigés pour empêcher tout mouvement éventuel des soldats disparus hors de la région. Quarante-trois personnes ont été arrêtées au cours de ces opérations. Les forces irakiennes sont absentes de ces opérations. La capture de ces trois GI’s américains, on s’en doute bien, pourrait avoir des conséquences fâcheuses si les insurgés décidaient de négocier leur prix pour leur libération.

M. Cheney, au cours d’une halte de quelques heures en Arabie saoudite, a rencontré le roi Abdallah qui juge al-Maliki faible et trop proche des partis chiites pro-iraniens. Le roi avait refusé de le rencontrer lors de sa tournée dans la région à la fin du mois dernier. C’est le même roi Abdallah qui s’était élevé lors du dernier sommet de la Ligue arabe contre l’« occupation étrangère illégale » de l’Irak. À cette occasion, le roi avait indiqué que « l’occupation étrangère illégitime » était à l’origine du sectarisme en Irak. Le scepticisme des Saoudiens sur la sécurisation de Bagdad, sur la stratégie militaire américaine pour y parvenir et sur les capacités du premier ministre irakien Nouri al-Maliki pose un véritable défi au vice-président Dick Cheney.

Pendant que le vice-président menace, la diplomatie murmure

Le 9 mai, le vice-ministre iranien des Affaires étrangères Abbas Araghchi, a déclaré au Financial Times que l’Iran souhaitait aider les États-Unis à élaborer « une stratégie de sortie » d’Irak. « Leur invasion a été un désastre, faisons en sorte que le retrait ne soit pas aussi un désastre », avait-il ajouté. « Un retrait immédiat pourrait conduire au chaos, à la guerre civile. Personne ne réclame un retrait immédiat des forces étrangères. Mais il devrait y avoir un plan ». Washington et Téhéran ont donc officialisé la tenue des prochaines discussions sur l’avenir de l’Irak pour éviter davantage une déstabilisation désastreuse de la région. Mohammad Ali Hosseini, porte-parole iranien, a indiqué que la rencontre se ferait à Bagdad même, expliquant que ce sont « les responsables américains qui en ont fait une demande officielle ».

Dans un commentaire très lucide, Abed Charef note dans le Quotidien d’Oran qu’une nouvelle donne s’est imposée au Proche-Orient : l’absence de décision. […] « Les États-Unis se sont installés dans un immobilisme qui durera jusqu’à début 2009. Le Président Bush et le Congrès vont se neutraliser, chacun campant sur ses positions, ce qui permet de bloquer l’adversaire, mais ne suffit pas pour imposer sa vision. Les pays du Moyen-Orient semblent résignés à cette situation. […] Seul l’Iran semble avoir une meilleure gestion du temps. Avançant ses pions en Irak, il maintient ses choix dans le domaine du nucléaire, sachant que le temps joue en sa faveur. L’Iran a son propre agenda, alors que les pays arabes sont rivés à l’agenda américain. Et quand les États-Unis, pour des raisons internes, n’ont pas d’agenda, les pays arabes sont condamnés à attendre, pour se contenter de timides réactions visant à préserver le statu quo, jusqu’à ce qu’une nouvelle politique se dessine à Washington ».

Pendant ce temps-là en Amérique

Pendant ce temps-là en Amérique, Hillary Clinton déclare que la guerre d’Irak est la guerre de Georges W. Bush. « C’est sa guerre! C’est sa guerre, ce sont ses erreurs, ses mauvais jugements qui nous ont conduit dans la situation difficile où nous nous trouvons ». Selon madame Clinton : « Les Américains le tiennent responsable de la guerre en Irak et ne devraient pas sanctionner les candidats à la Maison Blanche qui, comme elle-même, ont initialement soutenu le conflit ». Des observateurs estiment que tout candidat à la présidentielle de 2008 qui soutiendra le financement du maintien des troupes en Irak devra payer un prix politique.

Georges W. Bush ne déroge pourtant pas à ses convictions tenaces. Lors de récents entretiens avec des chefs de file du Congrès sur le financement des opérations en Iran et en Afghanistan, le président américain leur a répété qu’ils devaient donner aux forces de la Coalition le temps d’exécuter la nouvelle stratégie militaire avant de tenter d’exiger la réduction des troupes américaines en Irak. M. Bush a indiqué qu’il avait fait part de son inquiétude au Congrès sur la possibilité d’une atteinte à la crédibilité des États-Unis si ceux-ci ne rétablissaient pas la stabilité en Irak ou s’ils ne tenaient pas leur engagement envers des millions d’Irakiens désireux « de vivre dans une société où règnent la stabilité, la sécurité et la liberté ».

« Une guerre qui a mis fin à tant de vies », a plaidé Nancy Pelosi, la présidente démocrate de la Chambre des représentants, « une guerre qui a coûté tant d’argent et a tant nui à la réputation de l’Amérique à travers le monde ne peut pas continuer indéfiniment », a poursuivi Nancy Pelosi. La Chambre des représentants vient d’adopter un projet de loi par 221 voix contre 205 qui ne prévoit de financer l’engagement américain que pour deux mois et demi. De Bagdad, le vice-président Dick Cheney a paru sceptique sur une approche « bureaucratique» au sujet des conséquences. « Il faut penser aux conséquences que les Irakiens ont déjà subies - en termes de morts, ils en ont eu beaucoup plus que nous », a-t-il dit à la chaîne Fox News.

Sources : Agence France Presse, Reuter, Agence officielle Irna, International Herald Tribune, Le Quotidien d’Oran