Une population vieillissante
Le vieillissement de la population est le résultat d'un succès, le succès de l'humanité dans son projet de contrôler le nombre d'êtres humains. Il faut maintenant que des changements de société puissent permettre aux populations de bénéficier pleinement d'une vie plus longue et de vivre mieux. « La population mondiale continue de vieillir et dépassera les 9 milliards d'habitants d'ici à 2050 », confirme un rapport de la Division de la population de l'Organisation des Nations Unies, intitulé « Révision 2006 ». « La moitié de la croissance démographique mondiale sera attribuable à la longévité ou à l'augmentation du nombre de personnes de plus de 60 ans, entre 2005 et 2050. Ainsi, dans les régions plus développées, la population âgée de 60 ans et plus devrait presque doubler, atteignant 406 millions en 2050, contre 245 millions en 2005. Le Canada qui compte actuellement 31,7 millions de personnes aura 39,1 millions d'habitants en 2050, selon les prévisions de l'ONU. Sa croissance démographique sera inférieure à la moyenne mondiale avec un taux de 23,34 % ».
Les projections montrent qu’en 2031, les aînés constitueront entre 23 % et 25 % de la population canadienne (Bélanger et autres, 2005). Le vieillissement des baby-boomers, le faible taux de fécondité et l’augmentation de l’espérance de vie contribueront tous à la multiplication par deux prévue de la proportion des aînés au cours des 25 prochaines années.
« La vieillesse est comparable à l'ascension d'une montagne. Plus vous montez, plus vous êtes fatigué et hors d'haleine, mais combien votre vision s'est élargie ! » Ingmar Bergman
Toute personne âgée ou toute personne handicapée a droit d'être protégée contre toute forme d'exploitation. Toute personne a aussi droit à la protection et à la sécurité que doivent lui apporter sa famille ou les personnes qui en tiennent lieu. Article 48 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec (L.R.Q. c. C-12)
Selon le ministère de la Justice du Canada, il n’est pas possible de connaître toute l’étendue de la violence commise à l’égard des personnes âgées. Il est assez largement reconnu qu’il existe trois formes principales de violence à l’égard des personnes âgées :
- la violence commise à l’égard des personnes âgées qui vivent seules ou avec des membres de leur famille ou d’autres personnes dans des maisons privées (notamment les personnes âgées recevant des soins à domicile ou des soins communautaires);
- la violence commise en milieu institutionnel;
- la négligence de soi.
L'Organisation mondiale de la Santé (OMS) a fait sienne la définition adoptée par le Réseau international pour la prévention des maltraitances aux personnes âgées : « On entend par maltraitance des personnes âgées un acte isolé ou répété, ou l'absence d'intervention appropriée, qui se produit dans toute relation de confiance et cause un préjudice ou une détresse chez la personne âgée ».
Les études démographiques démontrent qu'un Québécois sur huit est actuellement âgé de 65 ans et plus. Cette proportion passera d'ailleurs à une personne sur quatre dans près de 20 ans (Statistiques Canada, 2001).
Malgré un taux de victimisation inférieur à celui de la population en général, la peur du crime chez les aînés est bien réelle. Bien que diverses mesures de protection visant à en atténuer les effets ont été mise en place, les aînés n'échappent pas aux phénomènes de violence et d'abus, non plus qu'aux situations qui compromettent leur sécurité.
« Les pleurs des vieillards sont aussi terribles que ceux des enfants sont naturels » Honoré de Balzac
Statistiques Canada vient de publier un rapport plutôt rassurant selon lequel les aînés subissent les niveaux les plus faibles de crimes avec violence et de crimes contre les biens comparativement aux personnes plus jeunes. Il est important de rappeler que les aînés constituent, au Canada, l’un des groupes de population dont la croissance est la plus rapide au Canada. Le recensement de 2001 a révélé qu’il y avait près de 4 millions d’aînés âgés de 65 ans et plus, ce qui représente 13 % de la population de la nation. Cela est particulièrement vrai dans le cas des aînés âgés de 80 ans et plus, soit le groupe d’âge qui augmente au rythme le plus rapide. De 1991 à 2001, le nombre de membres de ce groupe d’âge a bondi de 41 %, passant d’environ 660.000 à 932.000. On estime qu’en 2011, le nombre d’aînés plus âgés au Canada atteindra 1,3 million.
Les aînés du Canada (c.-à-d. les personnes âgées de 65 ans et plus) seraient donc moins susceptibles d'être victimes de crimes avec violence et de crimes contre les biens que les personnes plus jeunes. Près de la moitié des personnes aînées, qui ont été victimes de violence, l’ont été par un membre de la famille, comparativement à 39 % pour les victimes plus jeunes. Un peu plus du tiers (35 %) des auteurs de cette violence familiale, contre les aînés, étaient des enfants adultes et 31 % étaient le fait de conjoints actuels ou d’anciens conjoints. Dans la plupart des cas où il y a eu des blessures, celles-ci étaient mineures et ne nécessitaient aucuns soins médicaux ou nécessitaient uniquement des premiers soins de base. Seulement 2 % des cas de violence sur des personnes aînées et des victimes plus jeunes ont causé des blessures majeures.
Sur le plan de la sécurité personnelle, la satisfaction des aînés s'est améliorée légèrement au cours de la période allant de 1999 à 2004. En 2004, la vaste majorité (92 %) des personnes aînées ont déclaré être satisfaites de leur niveau global de sécurité par rapport à la criminalité comparativement à 89 % en 1999. Cette augmentation élimine l'écart entre les aînés et les Canadiens plus jeunes, ce qui donne lieu à des niveaux de satisfaction relativement comparables à l'égard de la sécurité personnelle (92 % comparativement à 94 %).
« [...] Les femmes regardaient Booz plus qu'un jeune homme,
Car le jeune homme est beau, mais le vieillard est grand.
Le vieillard, qui revient vers la source première,
Entre aux jours éternels et sort des jours changeants;
Et l'on voit de la flamme aux yeux des jeunes gens,
Mais dans l'oeil du vieillard on voit de la lumière » [...]
Victor Hugo, Booz endormi
Les formes de violence
Le ministère de la Justice du Canada souligne que les personnes âgées, victimes d’une violence, peuvent ne pas vouloir — ou ne pas pouvoir — signaler les actes commis à leur égard pour les raisons suivantes :
- déficience cognitive, notamment démence ou maladie d’Alzheimer
- fragilité physique ou invalidité
- difficultés à s’exprimer ou barrières culturelles empêchant l’accès à de l’information, à des ressources et à du soutien
- isolement social ou géographique
- dépendance par rapport à l’agresseur (émotive, physique ou économique)
- crainte de représailles ou d’abandon
- crainte d’être placées en établissement
- crainte d’une intervention extérieure (perte d’indépendance et contrôle)
- crainte de ne pas être crues
- honte ou stigmates
- croyances au sujet de l’importance du mariage et de la famille
- pressions visant à maintenir la réputation de la famille ou de la collectivité.
Tout acte verbal ou non verbal qui réduit la confiance en soi ou la dignité d’une personne âgée, en résidence ou sous la responsabilité d’un membre de sa famille, et qui menace son intégrité psychologique et émotive constitue de la violence, par exemple :
- menacer d’employer la violence
- menacer d’abandonner la personne âgée
- lui faire peur intentionnellement
- lui faire croire qu’elle ne recevra pas la nourriture ou les soins dont elle a besoin
- lui mentir
- ne pas se préoccuper des actes de violence qui auraient été commis contre elle
- l’insulter, blasphémer ou proférer des injures
- faire des remarques désobligeantes ou tenir des propos calomnieux à d’autres personnes à son sujet
- l’isoler ou l’empêcher de recevoir des visiteurs
- cacher des renseignements importants qu’elle a le droit de connaître
- l’humilier à cause de sa façon de parler
- mal interpréter intentionnellement ses pratiques traditionnelles
- parler constamment de la mort avec elle
- lui dire qu’elle cause beaucoup trop de problèmes
- l’ignorer ou la critiquer de manière excessive
- se montrer trop familier avec elle et manquer de respect envers elle
- lui donner des ordres de façon déraisonnable
- la traiter comme une servante
- la traiter comme un enfant.
Le ministère de la Justice du Canada identifie les signes suivants, entre autres, qui peuvent indiquer qu’une personne âgée est victime de violence :
- dépression, crainte, anxiété, passivité
- blessures inexpliquées
- déshydratation, malnutrition ou manque de nourriture
- hygiène négligée, rougeurs, plaies de lit
- sédation excessive
Une personne est susceptible d’être victime de violence à pratiquement toutes les étapes de sa vie — enfance, adolescence, début de l’âge adulte, âge moyen, vieillesse —, mais la nature et les conséquences de cette violence peuvent varier en fonction de sa situation. La violence commise à l’égard des personnes âgées reste encore un domaine négligé et trop peu exploré. Vieillir est un droit, la maltraitance est un crime. La tolérance n’a plus sa place dans une société dite civilisée.
Les vieux ne parlent plus ou alors seulement parfois du bout des yeux
Même riches ils sont pauvres, ils n'ont plus d'illusions et n'ont qu'un coeur pour deux.
Chez eux ça sent le thym, le propre, la lavande et le verbe d'antan
Que l'on vive à Paris on vit tous en province quand on vit trop longtemps
Est-ce d'avoir trop ri que leur voix se lézarde quand ils parlent d'hier
Et d'avoir trop pleuré que des larmes encore leur perlent [aux paupières
Et s'ils tremblent un peu est-ce de voir vieillir la pendule d'argent
Qui ronronne au salon, qui dit oui qui dit non, qui dit : je vous attends.
Jacques Brel, les vieux
Pour sourire à la vieillesse : Les vieux ne vieillissent plus
De retour le lundi 19 mars 2007