Les étudiants, grand consommateurs de fichiers piratés, sont à leur tour attaqués. « L’industrie de la musique n’est plus une île au trésor : 90 millions d’internautes pillent quotidiennement ses coffres grâce aux logiciels d'égal à égal […] via des réseaux poste-à-poste (P2P) illégaux » (Soula, 2003).
La Recording Industry Association of America (RIAA) représente les grandes maisons de disque, comme Warner Music d’AOL Time Warner, BMG de Bertelsmann AG, EMI Group, Sony Music de Sony et Universal Music Group de Vivendi Universal. Elle vient d’informer 25 universités américaines qu’elles font l’objet de plus de 1000 plaintes des maisons de disques. Les cibles sont les étudiants qui utilisent des ordinateurs de l'établissement scolaire, ou uniquement son réseau, pour télécharger du contenu illégal. Elles visent un total de 15 000 étudiants pris la main dans le sac dans toute l'Amérique, soit 3 fois plus que durant l'année scolaire précédente. Le président de la RIAA, Carey Sherman, s'explique : « Nous devons faire savoir aux gens que s'ils s'engagent dans de telles activités, ils ne sont plus anonymes. »
Le ton a monté par suite d’une étude de la firme NPD qui montre que les universitaires obtiennent plus souvent de la musique que le reste de la population, de l'ordre de 25% contre 16%. « Le partage de fichiers est aujourd’hui la méthode la plus répandue pour l’acquisition de musique », a estimé Russ Crupnick, vice-président de NPD Group.
Aux États-Unis, l'institut NPD Group Music Watch évaluait en 2003 à 11,1 milliards le nombre de fichiers musicaux détenus par les internautes. Environ 7,5 milliards provenaient du téléchargement illégal (poste-à-poste (réseaux P2P), le reste des fichiers (seulement un tiers) proviendrait de copies effectuées à partir de CD et du téléchargement payant sur les plates-formes légales.
Le Monde des médias, qui fait état d’une nouvelle étude mise à jour par NPD, dévoile quelques statistiques intéressantes : le nombre de foyers américains connectés à un service d’échange de fichiers peer-to-peer (P2P), après avoir atteint un record de 14,5 millions en avril 2003, est tombé à 12,7 millions en mai, puis 10,4 millions en juin, selon les chiffres de la société d’études NPD Group à partir d’un échantillon de 40.000 sondés. Par extrapolation, NPD estime que le nombre de fichiers musicaux acquis, ce qui inclut les chansons échangées illégalement aussi bien que celles achetées sur un site web musical et celles copiées depuis un disque compact, est passé de 852 millions en avril à 655 millions en juin. Selon Russ Crupnick, vice-président de NPD Group : « Même si nous ne pouvons pas dire catégoriquement que les efforts juridiques de la RIAA sont la seule cause de la diminution de l’acquisition de fichiers, il semble que ce soit plus qu’une simple baisse saisonnière ».
Cary Sherman, président de l’association, explique : « Puisque nous savons que plusieurs catégories de personnes, notamment les téléchargeurs sur les campus, peuvent parfois être imperméables aux messages les plus simples de l’éducation ou aux alternatives légales, ces nouveaux efforts ont pour but d’aider les étudiants à reconnaître que les conséquences des téléchargements illégaux sont encore plus réelles qu’avant ».
La firme Big Champagne estime, pour sa part, que le nombre de fichiers musicaux téléchargés illégalement sur les réseaux P2P est supérieur à un milliard par mois. Les ventes de l'industrie du disque ayant diminué de 23 % entre 2000 et 2006, elle souhaite que les mélomanes téléchargent, mais par des voies légales comme les plates-formes d'Apple (iTunes) ou de Real Networks (Rhapsody).
Les étudiants qui ne souhaitent pas aller devant la justice auront la possibilité de payer une amende et de signer un document dans lequel ils feront la promesse de ne plus jamais télécharger illégalement. Il est possible, pour les étudiants des États-Unis, de régler leurs différends avec la RIAA sur un site Internet dédié : http://www.p2plawsuits.com.
En France, la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP) n’a, pour sa part, pas l’intention en 2007 de cesser de poursuivre les adeptes du poste-à-poste (P2P). Elle s’en prend également aux serveurs P2P et aux sites de téléchargement étrangers qui ne respectent pas les ayants droit. En France, pourtant, comme l’indique ZD.net : « les producteurs disposent d'un nouvel arsenal pour défendre leur droit face à la contrefaçon : la loi Dadvsi, qui a accaparé une grande partie du calendrier parlementaire en 2006. Un texte que de nombreux observateurs estiment être grandement en faveur des ayants droit que sont les producteurs de musique. […] La Cnil (commission nationale de l'informatique et des libertés), a refusé de donner son aval à un projet de «radar automatique» installé sur les réseaux P@P. C'est le Conseil d'État qui devra trancher cette affaire courant 2007 ».
Comme le fait remarquer ZD.Net : « La SCPP a obtenu depuis septembre 2006 dizaine de condamnations contre des internautes accusés de télécharger et de mettre illégalement des fichiers musicaux à dispostion, avec une amende et des dommages et intérêts de plusieurs centaines ou milliers d'euros à payer à la SCPP ».
Fait intéressant à noter, quelques compagnies de disques et revendeurs en ligne inclinent à penser que les protections – installées sur les CD contre la copie – constituent un frein au développement numérique. La maison de disques EMI a décidé de suspendre la mise en place de systèmes anticopie sur ses CD. Elle a cessé de produire ces derniers mois des CD protégés, a indiqué une porte-parole de la société américaine à Reuters. Ce gel temporaire ne concerne pas les systèmes DRM (gestion numérique des droits) greffés sur les fichiers numériques achetés en ligne. Selon Laurent Michaud, analyste en charge des loisirs numériques à l'Idate (Institut de l'audiovisuel et des télécoms en Europe) : « il est plutôt symptomatique de voir une major comme EMI annoncer qu'elle abandonne les fichiers anticopie sur ses CD. Elle a compris que cela nécessitait des investissements coûteux, qui au final ne rapportent pas ».
Fnacmusic.com et Virginmega.fr - deux plates-formes de téléchargement concurrentes - vont mettre à disposition de leurs clients une partie de leur catalogue au format MP3, sans protection anticopie grâce à des accords signés avec des maisons de disques et des agrégateurs indépendants (Believe, V2 Music, WildPalms, Babaorum) : 150.000 titres pour Fnacmusic, 200.000 titres pour Virginmega.fr. Cette décision est peut-être la conséquence de la stratégie adoptée notamment par Apple, qui entend rendre l'utilisateur captif de son système: les fichiers sur l'iTunes Music Store ne peuvent être lus que par un baladeur de la gamme iPod.
À l'instar de l'iTunes Music Store et de l'iPod, mis au point par Apple, le système de Sony fonctionne en cycle verrouillé: grâce à des mesures techniques de protection contre la copie (MTP ou DRM pour digital rights management), les morceaux téléchargés sur Connect Europe (édités par Sony UK) ne peuvent être lus que sur un baladeur Sony compatible (distribué par Sony France). L'UFC-Que Choisir a marqué des points dans son combat pour l'interopérabilité des plates-formes de téléchargement de musique et des baladeurs. L'association de consommateurs est parvenue à faire condamner la société Sony (France et UK) pour «tromperie et vente liée».
Selon Ratiatum.com, le Canada est devenu la bête noire des industries de loisirs de la musique et du cinéma, pointé du doigt par un rapport américain comme pays ne respectant pas le copyright. Les FAI canadiens ont cependant accepté de jouer le jeu et de notifier à chacun de leurs abonnés leurs écarts de conduite sur le volet du téléchargement par P2P sous le contrôle direct de ces industries. 60.000 e-mails de prévention et d'information ont déjà été envoyés l'année derniêre aux canadiens, et un fournisseur d'accès (Telus) a envoyé à lui-seul environ 4.000 mails par mois à ses abonnés. Un juriste canadien, le professeur Michel Geist, dit que ce message n'a aucune valeur juridique, mais qu'il fait très bien son rôle d'épouvantail à moineau dans la protection contre le téléchargement des œuvres copyrightés. Rappelons tout de même qu'en France, la CNIL a opposé son véto à de telles pratiques. « L'envoi de messages pédagogiques pour le compte de tiers ne fait pas partie des cas de figure où les fournisseurs d'accès à internet sont autorisés à conserver les données de connexions des internautes », avait indiqué la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) en octobre 2005.