mercredi 7 mai 2008

Même si c’est un désastre naturel, on sait que les militaires birmans vont favoriser leur famille

Deux événements majeurs marquent, par ces heures tragiques, le Myanmar. 22 000 personnes sont mortes en Birmanie depuis le passage, il y a quelques jours du cyclone Nargis, et au moins 41 000 autres sont portées disparues, a annoncé la télévision d'État, dans un nouveau bilan officiel. Selon le quotidien Le Monde, le département de météorologie de l'Inde a indiqué, mardi 6 mai, avoir averti ses voisins birmans deux jours avant de l'arrivée du cyclone et de sa puissance. « Quarante-huit heures avant que Nargis frappe, nous avons fourni aux agences birmanes le point d'impact, sa gravité et toutes les questions qui y sont liées. Il y avait suffisamment de temps pour prendre des mesures de précaution telles que l'évacuation », a affirmé B.P. Yadav, porte-parole du département.


Parallèlement à ce drame épouvatable, l’honneur qui échoit à l'opposante birmane Aung San Suu Kyi, 62 ans, marque ses 12 ans de privation de liberté sur 18 ans, parce que son parti, « la Ligue nationale pour la démocratie », avait obtenu 80 % des voix lors des premières et seules élections libres du pays en 1990. Elle reçoit du Canada le titre de citoyenne d'honneur. Élections qui avaient nommé un parlement qui ne s’est jamais réuni depuis!


En plein cataclysme, c’est le cousin de Mme Suu Kyi et premier ministre du gouvernement birman en exil, Sein Win, qui a accepté cet honneur en son nom. M. Win a remercié le Canada pour l'hommage rendu sur la Colline du Parlement et pour le don de 2 millions de dollars de l'Agence canadienne de développement international destiné à venir en aide aux survivants du cyclone. « Nous sommes inquiets que la junte minimise les dégâts pour ne pas que les médias et les organisations internationales viennent en grand nombre et voient ce qui se passe dans le pays », a dit à La Presse le premier ministre du gouvernement birman en exil, Sein Win, de passage à Ottawa hier. Le Canada réclame à nouveau du régime birman qu'il libère Mme Aung San Suu Kyi et tous les autres prisonniers politiques, et qu'il respecte les droits de la personne et les libertés fondamentales de tous les Birmans.


D’autre part, George W. Bush promulguera la loi décernant la plus haute distinction civile du Congrès américain à Aung San Suu Kyi.


Le cyclone, qui venait du Golfe du Bengale, s'est abattu sur la côte sud-ouest de la Birmanie. Puis il a frappé Rangoon, la capitale. Les vents qui se sont abattus sur la région atteignaient jusqu'à plus de 200km/heure. Des centaines de milliers de personnes ont perdu leur maison et tous leurs biens. Selon les médias officiels, 70% des arbres de Rangoon ont été déracinés, des hôpitaux ont été partiellement détruits. Vision Mondiale est pessimiste : deux millions de personnes auraient été « durement touchées ».


Qui oserait croire que, plusieurs jours après le passage d'un cyclone qui a dévasté le pays, les équipes des organisations d'aide humanitaire des Nations Unies sont toujours en attente de visas pour apporter leur aide à la Birmanie? L’Organisation des Nations Unies est en attente : elle a débloqué 30 millions de dollars pour venir en aide à la population birmane. Non pas qu’elle refuse cette aide, mais la junte militaire entend bien négocier avec les équipes, qui se rendront dans le pays, leur entrée sur le territoire. Les États-Unis ont aussi offert d'envoyer une équipe de secours, mais la junte ne leur aurait toujours pas accordé de visa. Des renforts de l'Unicef et d'autres agences de l'Onu attendent d'obtenir leur visa. De nombreux pays à travers le monde ont annoncé des aides pour les rescapés, mais plusieurs ont indiqué vouloir éviter que l'assistance ne transite par le régime. Les autorités, après de multiples tergiversations, ont revu le bilan des victimes à la hausse, le portant, provisoirement, à 22.500 morts.


Que vaut une seule vie aux yeux du généralissime Than Shwe? En 1988, l'intervention de l'armée dans la rue aurait fait quelque 3.000 morts lors de la répression des manifestations contre la situation économique et politique. De la même manière, le 26 septembre 2007 dernier, l'armée écrase la « révolution safran ». L'organisme Droits et Démocratie est inquiet. « Même si c'est un désastre naturel, on sait que les militaires vont favoriser leur famille. L'aide humanitaire servira d'arme au régime ». Un fonctionnaire, dépassé par l'ampleur des dégâts, s'interrogeait, ironiquement : « Où sont les soldats et la police » ? Tout en ajoutant :« Ils ont été très rapides et agressifs lorsqu'il y a eu des manifestations, l'an dernier », note Ouest-France.


Cinq travailleurs humanitaires de l'ONU, spécialisés en catastrophes naturelles, sont arrivés à Bangkok mais ils attendent toujours l'accord de la junte pour entrer en Birmanie, selon CNN.


L’infâme régime des généraux maintient pour samedi la tenue d’un référendum contesté sur un projet de Constitution.


Qui aura le goût d’aller voter quand vous recherchez vos enfants, vos parents, vos amis, vos voisins dans les ruines fumantes laissées par le meurtrier cyclone Nargis? Ce cyclone est le plus meurtrier depuis celui qui, en 1991, avait fait 143 000 morts au Bangladesh. Pourquoi l’infâme régime des généraux, résolument orientés par leurs profits personnels et résolument insensibles au drame de leur peuple, se préoccuperait de ces questions humanitaires? Plusieurs agences des Nations Unies critiquent la lenteur dans la délivrance des visas qui ralentit l'aide internationale.


La junte militaire affirme que ce projet de constitution, document de 194 pages, ouvrira la voie à des élections multipartites en 2010, ce que récuse l'opposition conduite par Aung San Suu Kyi. Ce que ne dit pas la junte militaire est qu’une clause interdirait à la dirigeante de l'opposition, Aung San Suu Kyi, d'accéder à la présidence de l'Union birmane au motif controversé qu'elle a été mariée à un étranger, le Britannique Michael Aris décédé d'un cancer en 1999. D’autre part, un quart des sièges dans chacune des deux Chambres du futur Parlement serait réservé à des officiers désignés par le commandant-en-chef de l'armée et trois ministères (Intérieur, Défense, Affaires frontalières) ne pourraient être attribués qu'à des militaires. Parmi les autres incongruités de cet odieux régime, notons qu’en mars dernier, le généralissime Than Shwe (75 ans) avait rejeté une offre d'observateurs des Nations unies.


Dans une déclaration adoptée à l'unanimité, les 15 membres du Conseil de sécurité de l’ONU ont appelé la junte birmane à ce que « le processus du référendum soit libre et équitable ». Le Conseil de sécurité « souligne la nécessité pour le gouvernement de Birmanie d'établir les conditions et de créer une atmosphère contribuant à un processus crédible et complet qui permettra la totale participation de tous les acteurs politiques et le respect des libertés politiques fondamentales ».


L'ambassadeur birman à l'ONU, Kyaw Tint Swe, rejette cette résolution, la jugeant « hautement contestable ». Bien évidemment, selon l’ambassadeur : « C'est sans précédent, puisque la Birmanie ne menace la paix et la stabilité ni au niveau régional, ni au niveau international ». Fait à noter : la version finale de la déclaration abandonne toute référence à Aung San Suu Kyi après que la Chine, alliée de la Birmanie, s'y soit opposée. Les deux textes appelaient au dialogue avec l'opposante Aung San Suu Kyi et sa participation à l'organisation du référendum. Prompte à dénoncer une résolution aux Nations-Unies, lente à ouvrir ses frontières à une aide humanitaire.


La junte birmane reportera au 24 mai le référendum dans les zones les plus touchées par le cyclone Nargis, soit dans 40 des 45 municipalités de la région de Rangoon et dans sept du delta de l'Irrawaddy, mais impose le vote, le samedi 10 mai, dans le reste du pays. Pour l’heure, la junte militaire reste sourde aux appels de l'opposante birmane Aung San Suu Kyi qui estime « totalement inacceptable » le maintien de son référendum constitutionnel dans les circonstances actuelles.


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