Le Premier ministre israélien Ehoud Olmert avait dénoncé, il y a moins de deux semaines, une « vague de rumeurs (...) malveillantes » le visant. Selon monsieur Olmert, une fois que les autorités judiciaires auraient élucidé cette affaire, cela « mettra fin aux rumeurs ». Parfois, force est de nous interroger devant la candeur des réponses du premier ministre israélien : « J'ai répondu à toutes les questions que l'on m'a posées. J'ai coopéré avec les enquêteurs. J'ai des tâches en tant que Premier ministre d'Israël. J'ai l'intention de les mener à bien ». Le procureur d'Israël avait ordonné l'ouverture d'une enquête criminelle contre M. Olmert le 16 janvier 2007.
La question qu’il convient de se poser est la suivante : le premier ministre traite-t-il avec désinvolture le fait qu’il soit l'objet de trois enquêtes de police ? En novembre 2007, les enquêteurs avaient procédé à une spectaculaire descente de police pour saisir des documents au sein d'une vingtaine d'institutions publiques et ministères. Selon la radio publique, M. Olmert a, depuis, été interrogé en tant que suspect sur des affaires de corruption. Et le plus fâcheux est que cette nouvelle affaire s’inscrit dans une longue liste de convocations judiciaires.
En pleines célébrations du 60e anniversaire de l’État d’Israël, dénouement spectaculaire de dernière heure : le premier ministre Olmert a rejeté des soupçons portés officiellement contre lui, tout en admettant avoir reçu des contributions financières, dont il se trouve accusé dans cette quatrième enquête. Il a lancé, dans une déclaration officielle, cet appel à la Nation : « Citoyen d'Israël, je vous regarde dans les yeux et je vous dis sans détour: je n'ai jamais perçu de pots-de-vin. Je n'ai jamais pris un sou dans mes poches ». Il s’est engagé : « Si la justice décide de m'inculper, je démissionnerai ».
L’explication du premier ministre est simple : « La candidature politique coûte de l'argent. Le législateur le reconnaît et permet de collecter des fonds avant et après la campagne. Il n'y avait rien d'illégal dans la façon dont j'ai reçu ces dons qui ont été collectés pour moi lorsque j'étais candidat à la mairie de Jérusalem puis à la direction du Likoud. L'argent des dons était mis entre les mains de mon avocat Ouri Messer, qui s'occupait de ces questions. Je n'ai pas le moindre doute qu'il les a utilisés légalement ».
Moshé Morris Talansky, un spéculateur financier de 75 ans, est soupçonné d'avoir recueilli, de diverses sources, des sommes d'un montant de plusieurs centaines de milliers de dollars en liquide qui ont été versées à M. Olmert, alors qu'il était maire de Jérusalem et ministre de l'Industrie et du Commerce, et cela durant une longue période. Le premier ministre a admis avoir reçu ces « contributions financières », pour différentes campagnes électorales, de la part de cet homme d'affaires juif américain qui vit à New York. Ehoud Olmer aurait, en retour, favorisé l’homme d’affaires lors de la privatisation de la banque Leumi. Talansky a été interrogé après être arrivé en Israël pour rendre visite à ses enfants pendant la fête de Pessah.
Mais à quoi ont donc servi ces sommes d’argent ? Elles ont servi à financer ses campagnes électorales pour la mairie de Jérusalem en 1993, ainsi qu'en 1998, 1999 et 2002, dans le cadre du parti de droite Likoud. Et le premier ministre Olmer dit croire que l'affaire, provoquée par une enquête de la police sur des allégations de gros pots-de-vin versés par l'Américain Morris Talansky, serait vite oubliée. « Les pièces à conviction sont accablantes pour le Premier ministre », titre le quotidien Haaretz. « Je refuse de céder à l‘hystérie », a-t-il déclaré.
Olmert fait l'objet de 3 autres enquêtes pour des transactions frauduleuses et des nominations politiques abusives. L'ex-directrice du cabinet de M. Olmert, Shoula Zaken, fait également l'objet d'une enquête policière sous le soupçon d'avoir usé de ses relations pour faire nommer de hauts fonctionnaires des services fiscaux afin d'obtenir des allègements au profit de proches.
La classe politique évoque déjà l'éventuelle démission ou la suspension de M. Olmert, voire des élections anticipées dans les prochains mois, alors que la législature s'achève en novembre 2010 et que sa majorité parlementaire se réduit à 64 députés sur 120. Ehud Barak, le chef du parti travailliste et ministre de la Défense, a avisé son parti, principal allié de M. Olmert au sein de la coalition au pouvoir, qu’il devait être en ordre de bataille pour d'éventuelles élections anticipées, tout en déclarant : Nous sommes contre la corruption, néanmoins j'espère que les accusations portées contre le Premier ministre Ehoud Olmert se révéleront infondées ».
Plusieurs doutent que l'État hébreu soit en mesure, le 14 mai prochain, d’ouvrir les célébrations des 60 ans de la proclamation du pays avec un Premier ministre en poste. Plusieurs médias affirment que la classe politique se prépare à une éventuelle démission ou suspension d’Ehoud Olmert. Tzipi Livni, membre de Kadima et ministre des Affaires étrangères, serait la mieux placée pour lui succéder à la tête du gouvernement. Elle n’a pas hésité à réclamer une enquête rapide pour « lever les incertitudes ». Selon le journal « Maariv » : « il est possible que ce soit la fin ».
Shraga Blum écrit, sur le site d’Arouts7 : « A Kadima, on est conscient que même si sur le plan juridique strict, le Premier ministre s'en sort une nouvelle-fois, sur le plan politique et éthique, cette nouvelle affaire tombe bien mal, car elle l'affaiblira encore davantage. On ne peut pas être l'objet de cinq enquêtes pénales sans qu'il n'y ait à terme de gros dégâts sur le plan électoral. […] A la veille des 60 ans de l'État d'Israël, les festivités sont ternies par cette nouvelle affaire demi-secrète qui alimente les conversations dans toutes les chaumières ».
L’affaire tombe au plus mauvais moment pour le Premier ministre qui s’apprête cette semaine à recevoir le président américain George W.Bush, de nombreux chefs de gouvernement, des ministres des Affaires étrangères et de personnalités venues commémorer le soixantième anniversaire de la création de l’État d’Israël. Selon la Maison Blanche, les ennuis judiciaires d’Ehoud Olmert sont une affaire intérieure israélienne et ne changent rien au programme de la visite du président George W. Bush en Israël la semaine prochaine. « C'est une affaire qui est du ressort du système judiciaire israélien », a déclaré le porte-parole de la Maison Blanche. Toutefois, à Washington, on laisse clairement entendre que si Olmert est suspendu de ses fonctions, les négociations avec son successeur devront reprendre à zéro. Au cours de sa visite en Israël, qui débutera mardi, George W. Bush prononcera un discours devant la Knesset mais le président américain ne tiendra pas de discussions communes avec les leaders israéliens et palestiniens. Il s'entretiendra avec Ehoud Olmert et Shimon Pérès.
Il ne fait aucun doute, toutefois, qu’un bouleversement politique majeur en Israël aurait également, sur un autre plan, des incidences négatives sur l’éventuel redémarrage, sous l’égide de la Turquie, des discussions entre la Syrie et Israël en vue de la signature d’un accord de paix contre la restitution à Damas du plateau du Golan.
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