Greenpeace a, la semaine dernière, publié un rapport scientifique, écrit par le professeur Pete Smith, de l’Université d’Aberdeen, en Écosse, qui fait état des effets des activités agricoles mondiales sur les émissions de « gaz à effet de serre » (GES). Selon l’organisme international, le secteur agricole constituerait l’une des activités humaines émettant le plus de GES dans le monde, tout juste après le secteur énergétique. Plus du tiers des émissions de GES de l’agriculture provient des sols qui reçoivent trop d’engrais.
« Pour les personnes souhaitant réduire leurs émissions individuelles de gaz à effet de serre, l’adoption d’un régime végétarien, ou du moins la réduction de la quantité de viande consommée, aurait un effet bénéfique », note l’auteur, le professeur Pete Smith, de l’Université d’Aberdeen, connu pour sa grande participation au Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). « Manger de la viande est devenu ici un signe de richesse. Cela envoie un message aux pays du Sud, notamment asiatiques : quand on est riche, on consomme de la viande », commente Éric Darier, porte-parole de Greenpeace Québec. Propos qui n’ont laissé personne indifférent.
Greenpeace inscrit la publication de ce rapport, Comment l’agriculture peut contribuer à la lutte aux changements climatiques, dans le cadre de plusieurs rencontres qui s’amorceront, en 2008, sous l’égide des Nations Unies sur l’agriculture et, en particulier, la biodiversité agricole. En France, ce rapport a été passé complètement sous silence par l’organisme, Greenpeace France. Greenpeace souhaite, pourtant, semble-t-il, pousser plus loin la réflexion sur l’agriculture agricole qui utilise, selon l’organisme, de plus en plus d’engrais, machineries, pesticides, OGM, etc. À titre d’exemple, les émissions mondiales du méthane CH4 et de l’oxyde nitreux N2O ont progressé, entre 1990 et 2005, de 17 %. De plus, les prévisions font état d’un accroissement supplémentaire variant de 35 à 60 % d’ici 2030, en raison de l’usage grandissant des engrais azotés et de l’augmentation du bétail.
Au Canada, les activités agricoles étaient directement responsables, en 2004, de 7,25 % du total des émissions de GES, légèrement moins, à l’époque, que la moyenne mondiale (11 à 15 %) pour les activités agricoles directes. Greenpeace rapporte que les cultures génèrent, au Canada, environ 30 % du total des émissions de GES de l’agriculture alors que la production animale génère à elle environ 53 % de ces émissions provenant de l’agriculture. L’organisme note de plus une augmentation de 23 % des émissions de GES par l’agriculture entre 1990 et 2004 à cause notamment de la croissance des élevages et de l’utilisation des engrais.
Greenpeace avait bien accueilli les nouvelles cibles chiffrées de réduction des GES qu’avait annoncées, en décembre dernier, le gouvernement du Québec dans le cadre de la Conférence de Bali, et qui avaient pour but d’atteindre ses engagements envers le protocole de Kyoto, et, notamment, la mise en place de mesures pour le traitement des fumiers et la valorisation énergétique de la biomasse en milieu agricole. Ces nouvelles mesures visaient l’élimination de quelque 4,5 M de tonnes de plus de GES d’ici 2012 et devraient couvrir autant l’efficacité énergétique que la conversion du mazout lourd vers des sources d’énergie plus propres ou renouvelables, la captation d’émissions produites par les matières résiduelles, le transport, les nouvelles technologies et autres.
Greenpeace déplorait également le fait que les efforts déployés par le gouvernement du Québec ne permettront pas au Canada de respecter ses engagements internationaux, car ces efforts se heurtent continuellement aux « tentatives de sabotage » du protocole de Kyoto par le gouvernement conservateur de Stephen Harper. « Avec des augmentations de GES de 25 % en 17 ans au Canada, […] les efforts des Québécois et de leur gouvernement ainsi que ceux d’autres acteurs canadiens pour réduire les émissions de GES se retrouvent complètement anéantis », a soutenu l’organisme international.
Au Québec, de nombreuses solutions sont discutées depuis un certain temps sur la place publique. Nature-Québec en a identifié ici un certain nombre. Greenpeace a également proposé à la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire un ensemble de mesures en faveur de l’agroécologie. Pour Greenpeace, l’élevage d’animaux de boucherie, en particulier du mouton et du bœuf, exerce le plus grand impact sur le climat, avec respectivement 17 et 13 kilos de CO2-équivalent par kilo de viande. Bref, la consommation de viande a des retombées importantes sur les changements climatiques.
Alain Dubuc, éditorialiste au quotidien La Presse, de Montréal, dénonce le raisonnement de Greenpeace : « Pour sauver la planète, il faut manger du cochon. Ou du poulet. Quand nos ados mangent des ailes de poulet piquantes au lieu d’un Big Mac, ils contribuent à réduire les gaz à effet de serre. Et si vous faites des côtes levées sur votre barbecue au lieu d’un gros steak, vous faites aussi un petit quelque chose. Je n’invente rien. C’est ce que disent les données colligées par Greenpeace ».
Pour l’éditorialiste : « Cette solution a fait tiquer bien du monde. Elle illustre assez bien les limites de la contribution d’un organisme comme Greenpeace. En nous rappelant que c’est d’abord et avant tout un groupe militant, en quelque sorte les maoïstes des temps modernes, et qu’il y a, dans son action, un but caché ». Alain Dubuc, constate à la lecture du rapport, le fait que « l’augmentation des productions de poulet et de porc est également souhaitable, étant donné que ces animaux produisent beaucoup moins de GES ». Alors, s’interroge l’éditorialiste, « pourquoi Greenpeace n’en fait-il pas une recommandation et parle-t-il plutôt de végétarisme ? Poser la question, c’est y répondre. Parce que ça ne fittait pas avec son cadre idéologique. Greenpeace n’est pas un groupe technique spécialisé dans la réduction des GES. C’est une organisation militante qui, dans sa bataille pour protéger la planète, défend une conception de l’économie, de l’habitat, du mode de vie. Qui a son propre programme, qui n’est pas toujours visible dans ses interventions publiques. Dans ce cas-ci, le jupon a dépassé ».
Et, de conclure, monsieur Dubuc : « il faut arrêter d’essayer de réinventer l’être humain. Au lieu de rêver dogmatiquement qu’on va transformer le mode de vie, il est beaucoup plus porteur de réduire les impacts négatifs de ce mode de vie. On peut développer les transports en commun au lieu de dénoncer la banlieue. On peut rendre l’auto propre, au lieu de la bannir. Et on peut manger du cochon, au lieu de militer pour le végétarisme ».
Greenpeace international a fait mention, sur son site WEB, de la publication de ce rapport sur l’agriculture. Et je n’ai retrouvé aucune trace de cette information sur le site de Greenpeace France. Serait-ce donc que la France est plus végétarienne de n’importe quel autre pays, surtout le Canada ou le Québec ? L’engagement de Greenpeace France est à la lutte contre les OGM et sur la clause de sauvegarde. Cherchez l’erreur.
(Sources : Cyberpresse, Greenpeace, La Presse, Presse canadienne)
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