lundi 9 juillet 2007

Un Irak à feu et à sang n'émeut pas le président Bush ! Patience, dit-il !

Depuis vendredi, il faut compter au moins 179 personnes mortes par suite d’attentats à la bombe en Irak. Un samedi sanglant : 156 morts et 350 personnes blessées en une seule journée ! Un attentat suicide a provoqué la mort de 105 personnes et fait 250 blessés à Emerli, un village à 130km de Kirkouk. Un autre attentat à la voiture piégée a fait au moins 25 morts et 100 blessés à Armili, à 45km au nord de Bagdad. L’explosion du véhicule, garé sur un marché de la ville, a détruit des habitations, commerces et voitures (07/07/2007 - ATS).

Avez-vous vu les images d’Emerli ? Saisissantes d’horreurs !

Le président a averti son pays que : « la victoire dans cette lutte exigera plus de patience, plus de courage et plus de sacrifices ». Ce à quoi répond, ce dimanche, dans un éditorial étoffé, le New-York Times : « Continuing to sacrifice the lives and limbs of American soldiers is wrong. The war is sapping the strength of the nation’s alliances and its military forces. It is a dangerous diversion from the life-and-death struggle against terrorists. It is an increasing burden on American taxpayers, and it is a betrayal of a world that needs the wise application of American power and principles ». Pour le New-York Times, les États-Unis doivent mettre un terme à leur intervention militaire en Irak dès que possible.

Fin avril 2007, le représentant démocrate Dennis Kucinich, contre l'avis de l'état-major démocrate, présentait une résolution réclamant l'ouverture d'une procédure de destitution envers Dick Cheney, sous l'accusation d'avoir « trompé » les Américains pour justifier la guerre en Irak. Jusqu'à présent, neuf parlementaires ont cosigné la résolution de M. Kucinich. On s’attend à ce qu’une dixième parlementaire se joigne à ses collègues au cours de la rentrée parlementaire la semaine prochaine. Parce que maintenant, le représentant démocrate n’est plus seul : 45% des Américains sont prêts à soutenir la Chambre des représentants en cas de procédure de destitution contre leur président.

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La vie de Georges W. Bush est parsemée de bonnes et de mauvaises nouvelles. La bonne touche évidemment la décision d’une cour d'appel fédérale qui laisse depuis la semaine dernière le président américain George W. Bush libre de poursuivre ses écoutes antiterroristes sans mandat d'un juge. L’honorable cour de justice a considéré que des citoyens ne pouvaient porter plainte s'ils n'ont pas souffert d'une surveillance avérée. L'agence de renseignement électronique américaine (NSA) qui, au nom du président, gère le programme d'écoutes sans mandat de la justice pourra reprendre la surveillance des communications téléphoniques et électroniques entre les États-Unis et toute personne à l'étranger soupçonnée de lien avec le terrorisme.

Mauvaises nouvelles. En plus des nombreuses tuiles qui tombent sur la tête du président, déjà traitées ici-même, The Washington Post annonçait la semaine dernière que le sénateur républicain, Pete V. Domenici, avait pris la décision de s'éloigner du président Bush et en appelait à un changement immédiat de la stratégie états-unienne qui pourrait mettre fin aux opérations de combat en Irak d'ici le printemps. Le sénateur, qui en est à son sixième mandat, loyaliste et ancien ardent partisan de la guerre est la perte la plus importante pour le parti Républicain, selon le Post. « J'ai étudié attentivement la situation en Irak et je crois que nous ne pouvons pas demander à nos troupes de se sacrifier indéfiniment alors même que le gouvernement irakien ne fait pas de progrès tangibles pour sortir son pays de l'impasse », a déclaré le sénateur républicain. Ce week-end, deux nouveaux sénateurs républicains ont annoncé qu’ils joignaient les rangs des partisans d'une nouvelle stratégie : le sénateur Lamar Alexander du Tennessee et le sénateur Judd Gregg du New Hampshire. Pour le sénateur Lamar Alexander, il apparaît clairement que le président Bush doit revenir en profondeur sa stratégie en Irak : « It should be clear to the president that there needs to be a new strategy. Our policy in Iraq is drifting », a déclaré le sénateur au Los Angeles Times. Déjà que les sénateurs républicains Richard Lugar et George Voinovich avaient jugé que les États-Unis devraient réduire leur présence en Irak tout en maintenant leurs efforts diplomatiques. Le sénateur républicain John Warner entend pour sa part proposer une nouvelle approche dans le courant du mois de juillet. A ce propos, le Washington Post a annoncé ce dimanche qu'un rapport préliminaire, qui doit être remis la semaine prochaine au Congrès, fustige l'incapacité du gouvernement irakien à atteindre les objectifs fixés par l'administration Bush en matière de sécurité et de développement politique.

La Maison Blanche avait pourtant dit espérer que les sénateurs républicains restent unis jusqu'à la publication, à la mi-septembre, du rapport d'administration sur les progrès militaires et politiques en Irak, suite au plan de renforcement des troupes du président Bush.

Le président s’enfonce de plus en plus dans les sondages. Selon un tout dernier sondage de l'institut ARG, publié en fin de semaine dernière, et rapporté par l’Agence de nouvelles France Presse, 45% des Américains sont prêts à soutenir la Chambre des représentants en cas de procédure de destitution contre leur président, 46% y sont opposés. Si la destitution vise Dick Cheney ce sont 54% des Américains qui soutiendraient cette action, seuls 40% s'y opposeraient.

Ce qu’il faut savoir, par contre, comme l’expliquaient des éditorialistes, hostiles au président Bush, si cette procédure aboutissait, ce serait Dick Cheney qui deviendrait président. La Constitution américaine prévoit en effet la destitution d'un président ou d'un vice-président en cas de « trahison, corruption ou autres crimes et délits ». La procédure est votée par la Chambre à la simple majorité et doit être confirmée par les deux-tiers du Sénat.

Comme un malheur n’arrive jamais seul, Armelle Vincent, correspondante du Figaro, rapporte qu’un groupe de Démocrates et de Verts ont choisi le 4 juillet, si emblématique pour les États-uniens, pour ouvrir le premier « Impeachment Headquarters » (quartier général de la procédure de destitution) de George W. Bush et Dick Cheney, son vice-président, en présence de la représentante démocrate Maxine Waters.

Armelle Vincent, du Figaro, explique que, exaspérés par l'érosion des libertés civiques, au nom de la lutte antiterroriste, dont ils accusent l'Administration Bush, les membres du groupe ont senti leur colère monter d'un cran en apprenant la grâce partielle accordée la semaine dernière par le président à l'ancien bras droit de Dick Cheney, Lewis Libby. Condamné pour obstruction à la justice, faux témoignage et parjure dans l'affaire Valerie Plame, cet agent de la CIA dont le nom avait été dévoilé à la presse par des membres de l'administration (un crime fédéral), Libby aurait dû prendre le chemin de la prison dans les prochaines semaines pour y passer deux ans et demi.

Le Washington Post s’est interrogé sur le caractère soi-disant excessif de la peine imposée à Lewis Libby : « Trois personnes sur quatre accusées d’obstruction à la justice depuis deux ans, soit 283 personnes selon les données du département de la Justice, ont été condamné à la prison », rapportait le Washington Post. « La durée moyenne de la peine dépasse les cinq années. Les personnes ayant reçu de treize à trente et un mois de prison forment le plus grand groupe, exactement ce que Libby a reçu comme peine ».

En éditorial, Le Monde analyse ainsi la grâce accordée par le président à Lewis Libby : « En lui épargnant la prison, c’est un peu toute sa politique irakienne que M. Bush cherche à sauver, symboliquement, du naufrage. Le laisser condamner aurait été admettre que la politique irakienne était fondée sur le mensonge ».

S’agissant de l’Irak, le président, inlassablement, rappelle aux américains les vertus de la patience. Dans son message du 4 juillet, il s’est fait l’apôtre de la ténacité : « Nous attendons tous impatiemment le jour où il y aura moins de soldats en Irak », a-t-il déclaré, sur une base de la Garde nationale de Virginie occidentale, tout en soulignant qu'il fallait laisser plus de temps à sa stratégie en Irak pour qu'elle puisse porter ses fruits.

La question qu’il convient de poser est maintenant la suivante : le président américain consacre-t-il plus de temps à sa stratégie en Irak ou tente-t-il désespérément d'enrayer le ralliement de républicains au camp des anti-guerres ? Comment y parvenir lorsque les statistiques parlent d’elles-mêmes : la période avril-juin a, selon Reuters, été le trimestre le plus meurtrier pour les troupes américaines en Irak depuis l'invasion de mars 2003. Au total, 3.600 soldats américains ont été tués dans ce conflit. L'armée américaine vient de confirmer la mort de six militaires au cours des dernières 48 heures.

Pour le président Bush : « C'est un combat difficile, mais je n'aurais pas demandé à ces soldats de s'exposer au danger si le combat n'était pas essentiel pour la sécurité des États-Unis […] Aussi difficile qui puisse être le combat en Irak, nous devons le gagner. Pour la sécurité de nos citoyens, nous devons soutenir nos soldats, (...) le gouvernement irakien et vaincre Al-Qaïda en Irak ».

T. Christian Miller est journaliste au Los Angeles Time. Selon une information relayée par le Courrier international, Miller révèle que la crise en Irak est en voie d’être privatisée. Le nombre de civils sous contrat présents en Irak dépasse désormais celui des militaires américains. Selon les chiffres du département d'État et du ministère de la Défense obtenus par le Los Angeles Times, plus de 180 000 civils – américains, étrangers et irakiens – travaillent actuellement en Irak avec un contrat américain. Les civils sous contrat comprennent au moins 21 000 Américains, 43 000 étrangers et environ 118 000 Irakiens – tous employés aux frais du contribuable américain.

Il a bon dos le peuple. Pouvons-nous lui reprocher de ne plus partager le crédo du président et de ne plus éprouver pour ce dernier toute l’admiration du premier mandat : sa cote de popularité a atteint mi-juin un niveau historiquement bas (26%).

Dans son éditorial dominical, déjà cité, le New-York Times conclut impitoyablement : « President Bush and Vice President Dick Cheney have used demagoguery and fear to quell Americans’ demands for an end to this war. They say withdrawing will create bloodshed and chaos and encourage terrorists. Actually, all of that has already happened — the result of this unnecessary invasion and the incompetent management of this war. This country faces a choice. We can go on allowing Mr. Bush to drag out this war without end or purpose. Or we can insist that American troops are withdrawn as quickly and safely as we can manage — with as much effort as possible to stop the chaos from spreading ». Pour le New York Times : « Il est effroyablement clair que le projet de M. Bush est de rester sur place aussi longtemps qu'il sera président et ensuite de transmettre le fardeau à son successeur. Quelque soit la cause qui l'a guidée elle est perdue ».