Nous, Chefs d'État et de Gouvernement du G8, réaffirmons notre volonté de lutter contre la corruption, notamment au plus haut niveau. (....) Nous réaffirmons notre volonté de poursuivre les actes de corruption et d'empêcher les titulaires d'une charge publique de bénéficier des fruits de leurs activités kleptocratiques dans nos systèmes financiers.
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The Guardian est impitoyable dans son édition du 7 juin dernier : « « Never let members of this government complain about corruption abroad. Never let them blame the failure of Tony Blair’s mission to rescue Africa on venal dictators and grasping officials. The allegations published in the Guardian yesterday about slush funds used to oil the Al-Yamamah deal suggest that there is nothing that foreign despots can teach us about corruption » (George Monbiot, The Guardian, Édition du 8 juin 2007).
Selon The Guardian, cité par le Courrier International, vingt-deux ans ont passé depuis qu’ont surgi les premières accusations, sur l’affaire « Al-Yamamah », en octobre 1985, du versement d’une commission aux Saoudiens en échange du plus gros contrat de vente d’armes jamais signé par le Royaume-Uni. Réaction de Tony Blair, le 7 juin dernier : « L’essentiel de cette affaire, qui s’est déroulée dans les années 1980, appartenait au passé ».
Le groupe aéronautique britannique, BAE Systems, fait également l’objet d’enquêtes de l’autorité britannique anti-corruption (Serious Fraud Office, SFO) pour ses activités en République tchèque, en Roumanie, au Chili, au Qatar, en Afrique du sud et en Tanzanie.
Al-Yamamah
Le « Serious Fraud Office » (SFO) ouvre en 2004 une enquête sur la création présumée, par BAE Systems, d’une caisse noire dans des banques en Suisse de quelque 145 millions de francs pour payer des pots-de-vin en vue de décrocher des contrats d’armement en Arabie Saoudite. Des versements secrets de plusieurs millions de livres de BAE Systems ont été découverts sur les comptes suisses d’un marchand d’armes syrien, selon la presse britannique. Suivant les soupçons avancés, de l’argent aurait glissé dans les poches de membres de la famille royale saoudienne. De son côté, la société d’armement réfute catégoriquement ces accusations.
D’après le Guardian et la BBC, qui se fondent sur l’enquête menée par le « Serious Fraud Office » (SFO), le groupe britannique de défense, BAE Systems, aurait versé secrètement la bagatelle somme de 30 millions de livres par trimestre pendant au moins 10 ans à l’ancien ambassadeur saoudien aux États-Unis, le prince Bandar ben Sultan, qui a représenté son pays de 1983 à 2005. Soit un total de 1,8 milliard d’euros ! Le tout transitant via une banque de Washington sous le vocable officiel de « services d’assistance ». En contrepartie, BAE Systems s’est arrogé en 1985 le contrat « Al-Yamamah » concernant la vente et la maintenance d’une centaine de chasseurs Tornado. Ce qui lui a permis d’engranger 63 milliards d’euros !
Le prince Bandar ben Sultan a, par la suite, été nommé secrétaire général du conseil de sécurité national saoudien. Il est considéré comme un négociateur clé du contrat « Al-Yamamah » aux côtés de l’ancien premier ministre britannique Margaret Thatcher. Pour BAE Systems, le contrat « Al-Yamamah » était fondé sur « un accord de gouvernement à gouvernement » et « tous les paiements de ce type effectués dans le cadre de cet accord l’ont été avec l’approbation expresse des deux gouvernements britannique et saoudien ». En 2001, pourtant, la corruption d’officiels étrangers devient un délit au Royaume-Uni.
En juin 2006, le SFO demande l’entraide judiciaire à la Suisse, ainsi que la remise de documents bancaires. Le Ministère public de la Confédération (MPC) donne suite à la demande. La documentation relative aux comptes d’une dizaine de titulaires a été saisie mais les fonds, eux, n’ont pas été bloqués.
En décembre 2006, toutefois, les autorités britanniques mettent fin à l’enquête : l’Arabie saoudite menace d’annuler un nouveau contrat, cette fois pour des chasseurs Eurofighter, si certains de ses dignitaires sont mis en cause. Riyad aurait alors donné dix jours à Londres pour enterrer l’enquête. Cette décision a été critiquée par le comité anticorruption de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) qui a demandé à M. Blair de « s’expliquer ».
Pour l’Attorney General, Lord Goldsmith, « It has been necessary to balance the need to maintain the rule of law against the wider public interest ». Le Premier ministre, Tony Blair, fondant, pour sa part, son intervention sur la défense des intérêts nationaux et le danger de porter de graves atteintes aux relations anglo-saoudiennes, s’explique : « I’m afraid, in the end, my role as Prime Minister, is to advise on what’s in the best interests of our country. I have absolutely no doubt at all that the right decision was taken in this regard and I take full responsibility ».
Le Financial Times note dans son éditorial du 8 juin dernier : « « Vladimir Putin, the Russian leader, will surely raise an eyebrow today when Mr Blair talks “frankly” to him about the rule of law and the sanctity of contracts. Just as Thabo Mbeki, the South African leader, has wondered why the UK is pursuing BAE bribery allegations in his country but not Saudi Arabia ».
Depuis le sommet du G8 à Heiligendamm en Allemagne, le Premier ministre britannique a commenté en ces termes l’article du quotidien The Guardian : « si la SFO avait poursuivi son enquête, celle-ci aurait mis à mal la relation stratégique cruciale de Londres avec l’Arabie Saoudite, qui nous aide dans la lutte contre le terrorisme, et le Royaume-Uni aurait vu disparaître des milliers d’emplois » (Reuters).
Londres ayant ainsi ordonné de classer l’enquête, le SFO n’a d’autre choix que de suspendre sa demande à la Suisse, sans la retirer formellement. Paul Reynolds, écrit, sur BBC.News, le 15 décembre 2006 : « Very British solution to Saudi problem... ».
Comme le remarque très justement Defensa : « le plus remarquable dans les suites du scandale Yamamah [...] et dans la décision d’abandon de l’enquête du Serious Fraud Office (SFO), le 15 décembre 2006, c’est la constance et la pugnacité de l’attaque contre BAE. On croyait que cette affaire serait enterrée par cette décision de décembre 2006 dont l’iniquité semblait garantir l’efficacité. Il n’en est rien ».
La commission sur la corruption de l’OCDE s’intéresse même de trop près à cette histoire au parfum de scandale financier de haute voltige. Le groupe de travail ad hoc de l’OCDE, présidé par le juriste suisse Mark Pieth, avait annoncé, en mars dernier, qu’il allait continuer de creuser sur cette affaire. Un mois plus tard, le journal britannique « Guardian » faisait état de pressions de Londres pour que Mark Pieth soit relevé de son poste, à la grande « surprise » de celui-ci. Les Britanniques se sentent obligés de demander aux autres pays membres de la commission (dont la France, les USA, la Russie, etc.) d’interdire toute déclaration d’officiels tant que l’enquête est en cours. Le Guardian commente que « la demande s’est heurtée à un mur » (« ...the request has hit a brick wall ») et rapporte cette appréciation d’une source à l’OCDE : « The British do not have support from anyone else on this ». Pendant ce temps, selon Defensa, « la société BAE est sûre d’elle et agit avec, en plus de l’impudence qui n’étonnera personne, un sens affirmé de l’impunité ».
L’affaire a des répercussions jusqu’aux États-Unis. Le Congrès américain, à majorité démocrate, semble décidé à ouvrir sa propre enquête sur BAE, en vertu du Foreign Corrupt Practices Act, voté en 2002, d’autant plus que le prince Bandar est un proche de la famille Bush. Le Courrier International rappelle que BAE est un fournisseur officiel du Pentagone, et les ventes aux États-Unis représentent 42 % du chiffre d’affaires du groupe. Par ailleurs, BAE monte actuellement une offre de rachat de 2 milliards de livres sur Armor Holdings of Florida, qui fabrique le blindage des Humvee utilisés en Irak et en Afghanistan.
Ce nouvel épisode, pour ne pas dire ce vieux scandale, dans la vie du Premier Tony Blair, à la veille de son départ et après moult tournées d’adieux à travers le monde, m’inspire la réflexion suivante que proposaient si bien les frères Edmond et Jules de Goncourt : « Un gouvernement serait éternel à la condition d’offrir, tous les jours, au peuple un feu d’artifice et à la bourgeoisie un procès scandaleux ».
Pour consulter une excellente enquête sur la question, voir Defensa.org
Article 52 de la Convention des Nations Unies contre la corruption
Sans préjudice de l’article 14 de la présente Convention, chaque État partie prend, conformément à son droit interne, "les mesures nécessaires pour que les institutions financières relevant de sa juridiction soient tenues de vérifier l’identité des clients et de prendre des mesures raisonnables pour déterminer l’identité des ayants droit économiques des fonds déposés sur de gros comptes, ainsi que de soumettre à une surveillance accrue les comptes que des personnes qui exercent, ou ont exercé, des fonctions publiques importantes et des membres de leur famille et de leur proche entourage cherchent à ouvrir ou détiennent directement ou cherchent à faire ouvrir ou font détenir par un intermédiaire. Cette surveillance est raisonnablement conçue de façon à détecter les opérations suspectes afin de les signaler aux autorités compétentes et ne devrait pas être interprétée comme un moyen de décourager les institutions financières - ou de leur interdire - d’entretenir des relations d’affaires avec des clients légitimes.