Sayed Agha a eu le malheur d’être à l’emploi du journaliste italien de la Republicca, Daniele Mastrogiacomo, et d’être afghan. Il a été décapité le mois dernier. Ajmal Nashqbandi est un jeune interprète de 23 ans qui a le malheur d’habiter l’Afghanistan. Il était à l’emploi du même journaliste italien, Daniele Mastrogiacomo. Il vient d’être décapité lui aussi.
Le 19 mars dernier, Daniele Mastrogiacomo était de retour chez lui parce que le gouvernement afghan a bien voulu libérer cinq détenus talibans. Quel terrible dilemme. Négocier la vie d’une personne ou abandonner un otage aux mains de ses ravisseurs. Il fallait bien y penser. Les prises d’otages sont l’une des monnaies d’échange les plus odieuses que l’on puisse imaginer.
En réponse à l’exécution d'Ajmal Nashqbandi, une centaine de journalistes afghans somment le gouvernement afghan d'appliquer la peine de mort aux prisonniers talibans qu'il détient. Le président de l'Association des journalistes indépendants, Rahimullah Samander, au terme d'une réunion à Kaboul en présence de représentants de tous les médias afghans, a annoncé un boycott de toute information et déclaration données par les talibans pendant une semaine. Quant au mollah Dadullah, un des principaux chefs talibans qui a supervisé la prise d'otages, son nom ne doit plus être mentionné et rester un trou noir dans l'histoire de l'Afghanistan, a affirmé Rahimullah Samander.
« La peine de mort frappant les criminels et les assassins taliban n'est pas appliquée en Afghanistan », déplore le quotidien afghan Arman -e-Millie. « Dorénavant, les criminels taliban devraient être exécutés ». Un autre journal, Cheraghn reproche au président Hamid Karzaï d'avoir libéré le reporter italien sans avoir réussi à sauver la vie de son interprète afghan. « M. Karzaï, vous avez à l'évidence réussi à éviter la chute du gouvernement italien. Mais on peut regretter votre incapacité à sauver la vie d'un de nos compatriotes » écrit-t-il.
Le directeur du quotidien italien La Repubblica a dénoncé dans un éditorial le meurtre barbare de Adjmal Naqshbandi, l`interprète afghan de l`ex-otage italien, Daniele Mastrogiacomo, et affirmé pleurer un collègue de travail. Les journaux italiens ne paraissant pas le lundi de Pâques, férié en Italie, l`éditorial de la Repubblica a été publié sur son site internet.
Très critiqué dans cette affaire, le président Hamid Karzai, qui écarte tout nouvel échange de prisonniers, assure que les autorités afghanes ont fait tout leur possible pour la libération de l'otage afghan. Il explique en ces termes sa décision de négocier la libération du journaliste italien, le mois dernier : « Le Premier ministre italien m'a appelé plusieurs fois et a demandé notre coopération. Le gouvernement italien risquait de s'effondrer. Au nom de toute l'aide apportée par le peuple italien, et bien que nous sachions ce que cette action allait causer, nous devions le faire ».
Le gouvernement italien rejette les critiques de l'opposition sur la manière dont il a négocié la libération du journaliste Daniele Mastrogiacomo. La droite s'est emparée de cette affaire pour dénoncer l'attitude du gouvernement italien, l'accusant notamment d'avoir mené une politique de « deux poids, deux mesures», en faisant «l'impossible pour sauver un Italien et rien pour un Afghan ».
Ce meurtre barbare nous rappelle pourquoi les États-Unis et l'OTAN sont en Afghanistan (...) : « pour aider le peuple de ce pays à vaincre les extrémistes talibans et leurs alliés d'Al-Qaïda », a déclaré Gordon Johndroe, porte-parole du président américain George W. Bush en matière de sécurité nationale.
On est sans nouvelles de deux travailleurs humanitaires français de Terre d'Enfance et de trois employés afghans que les talibans disent avoir enlevés dans la province de Nimroz (sud-ouest), frontalière avec l'Iran et le Pakistan. Les talibans menacent maintenant d'assassiner un médecin, trois infirmières et leur chauffeur, enlevés le 27 mars dans la province de Kandahar, dans le sud de l'Afghanistan.
Shahabuddin Atal se présente comme le porte-parole du haut commandant Mullah Dadullah de la milice fondamentaliste. Il a déclaré qu’Ajmal Naqshbandi a été mis à mort parce que le gouvernement afghan a refusé de l`échanger contre deux commandants talibans.
La libération de ces prisonniers est le prix à payer pour libérer d’autres otages, retenus par les talibans qui exigent la libération de deux de leurs responsables militaires faits prisonniers par le gouvernement afghan.
La spirale est dramatiquement en marche.
Qui peut prédire l’issue de cette situation ?