mardi 23 octobre 2007

Sur les tests ADN, le New York Times dénonce la France et son président

Selon un sondage CSA, effectué pour le compte du Parisien de mardi : « 49% des personnes interrogées estiment que les tests sont une bonne chose parce que cela permet de savoir si les candidats au regroupement familial sont bien issus de la même famille et 43% une mauvaise chose parce que cela est contraire aux valeurs de la société française ». Le New York Times, dans un éditorial virulent, fustige ces tests ADN, ce dimanche 21 octobre 2007.

Nicolas Sarkozy veut être considéré comme un chef d’État. Il devrait agir en tant que tel (Mr. Sarkozy wants to be seen as a statesman. He should act like one), écrit le quotidien de New York, dans son éditorial de six paragraphes : « Pseudoscientific Bigotry in France » (Bigoterie pseudo-scientifique en France).

Pourquoi cette colère du quotidien de New York ? En raison des tests ADN nouvellement adoptés par la France. Et le rappel historique, à l’appui de ce reproche sévère, est encore plus cruel : « Sous l’occupation par les Nazis et leurs collaborateurs de Vichy, des notions pseudo-scientifiques de lignée pure avaient été introduites dans le droit français avec des conséquences tragiques » (Under the Nazi occupiers and their Vichy collaborators, pseudoscientific notions of pure descent were introduced into French law with tragic consequences).

Pour le New-York Times, la chose est entendue : « le recours à la génétique, pour déterminer la culpabilité et l’innocence d’une personne en matière criminelle, peut se révéler légitime mais un tel recours n’a vraiment pas sa place au sein du droit de l’immigration ». Le quotidien fustige également le comportement des personnalités politiques françaises, autant de gauche que de droite, qui se réfugient derrière des accommodements sémantiques, nettement insuffisants, pour se donner bonne conscience. « Le président Nicolas Sarkozy, lui-même fils d’immigrant hongrois, aurait dû intervenir pour bloquer l’adoption de ces mesures, il ne l’a pas fait », déplore le New York Times. Le quotidien relate le fait également que Nicolas Sarkozy a fondé sa politique sur l’immigration en stigmatisant notamment celle en provenance de l’Afrique du Nord, rappelant en cela les pires abus des années Le Pen : « les questions d’immigration font ressortir les pires instincts des hommes politiques ».

La position du président Sarkozy est tranchée : « Notre horizon est de faire passer l’immigration professionnelle de 7% à 50% des personnes qui s’installent durablement en France. Or, seuls 11.000 immigrés ont été accueillis en France en 2006 pour des motifs professionnels ». Le projet de loi sur l’immigration vise donc : « le respect des capacités d’accueil et d’intégration de la France ». « Il faut que la filiation soit établie de manière fiable ». Et comme le reprochait – avec raison – le New York Times de stigmatiser davantage une région en particulier, l’Afrique du Nord, le président Sarkozy ajoute : « Or la difficulté que se pose avec l’état civil de certains pays c’est qu’il ne le permet pas, en raison de la fraude qu’on y constate. Cette fraude, non pas au Maghreb mais dans d’autres pays d’Afrique notamment, est considérable » (Le Monde).

James Watson, codécouvreur de l’ADN et prix Nobel de médecine en 1962, a consterné le monde entier en tenant des propos racistes publiés dans le Sunday Times et repris dans The Independent, déclarations qui ont provoqué l’indignation. Ce n’était pas la première fois que James Watson, à la tête d’un grand institut de recherche aux États-Unis, tenait de tels propos racistes, homophobes ou sexistes. En plus d’être fondamentalement pessimiste quant à l’avenir de l’Afrique, le Nobel de médecine a déclaré que toutes nos politiques d’aide sont fondées sur le fait que leur intelligence est la même que la nôtre, alors que tous les tests prouvent le contraire. Le généticien de 79 ans a été récompensé par le Nobel de médecine en 1962 en tant que codécouvreur de la structure de l’ADN. Dans une rétractation, venue trop tard, James Watson a déclaré : « plus important de mon point de vue, il n’y a aucune base scientifique pour une telle croyance ». C’est ce même individu qui avait déclaré que les femmes devraient avoir le droit d’avorter si des tests pouvaient déterminer que l’enfant à naître portait les gènes de l’homosexualité. Un prestigieux laboratoire de recherches l’a suspendu de ses fonctions. Comme il est possible de le constater, l’ADN est source de dérives outrancières.

Grâce à la découverte de l’ADN, force est de reconnaître que des substances thérapeutiques ont pu être produites par génie génétique, comme l’insuline pour les diabétiques, le facteur 8 de coagulation pour la forme la plus fréquente de l’hémophilie, ainsi que des vaccins. Par contre, que d’abus lui doit-on qui ne cessent de poser de graves problèmes éthiques : intrusions dans la vie privée et discriminations (embauche, assureurs), tests génétiques sur une possible sélection des naissances (tri par sexe, élimination de bébé qui n’aurait pas le bon profil génétique…) voire tentatives de fabriquer des clones humains. Et maintenant le projet de loi Hortefeux sur l’immigration, et sa disposition controversée. Selon Charlie-Hebdo, à l’origine d’un site qui s’inscrit contre cette disposition, « cet amendement fait voler en éclats le consensus précieux de la loi bioéthique qui éloignait les utilisations de la génétique contraires à notre idée de la civilisation et de la liberté ». Le public est invité, pour manifester sa désapprobation, à signer une pétition en ligne : « Touche pas à mon ADN ». Le psychiatre Serge Hefez donne, sur son blog, Familles, je vous haime, son point de vue, fort intéressant, sur la question. Lire également cette autre opinion.

Samedi 20 octobre, dans une quarantaine de villes françaises, des milliers de personnes, réunies par le Réseau éducation sans frontières (RESF) et le collectif Unis contre une immigration jetable, soutenues par des organisations de défense des droits de l’Homme et des partis de gauche, ont défilé pour protester contre le projet de loi Hortefeux sur l’immigration et sa disposition controversée sur les tests ADN, et pour réclamer une « régularisation de tous les sans-papiers », une « halte aux rafles et aux expulsions » et une « halte au fichage génétique ». Ces manifestations se sont déroulées à Lyon, à Marseille, Toulouse, Strasbourg, Nantes, Rennes et Dijon, Lille, Nancy, Angers ou Poitiers.

Le gouvernement se montre sourd aux dénonciations de ses propres groupes de pression. Le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP) dénonce, dans un communiqué, « ce vote de la loi sur la maîtrise de l’immigration, assortie de cet amendement dangereux, [qui] restera comme une tache dans la série des violations des droits et des libertés fondamentaux en France », ajoutant qu’avec le maintien de ce dispositif, « le gouvernement manifeste son mépris face aux valeurs républicaines et fait preuve d’autisme politique ». France Terre d’asile estime également que « le maintien des tests ADN est une atteinte au droit de la famille tel qu’il s’est constitué depuis près de deux siècles en France ». L’association affirme dans un communiqué que « derrière ces tests, c’est toute une conception de la France, de son rapport à l’autre, de sa place dans le monde qui est en question ».

Au Canada, ces tests peuvent être utilisés en dernier recours pour établir des liens de parenté dans des demandes de réunification familiale.

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